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Le changement de nationalité sportive en France
Le changement de nationalité trouve au cours de ces derniers mois un écho particulier dans le monde sportif. Dans une volonté de poursuivre sa carrière à haut niveau bien souvent, ou pour un choix affectif ou sportif parfois, les raisons sont multiples, mais le choix est unique.
Concourir pour son pays est sans doute la plus belle chose qui soit pour tout sportif de haut niveau. Participer à des grandes compétitions internationales pour sa nation est une fierté, un objectif ultime. Cela n’empêche, il est devenu monnaie-courante de voir certains jouer avec les règles de la double nationalité pour concourir sous les couleurs d’un pays où il sera plus simple d’accéder aux sommets internationaux ou olympiques. Que ce soit pour poursuivre plus facilement sa carrière ou simplement une décision à prendre dans un cas de bi-nationalité la question se pose de plus en plus. La bi-nationalité est un cas à part car elle est souvent influencée par un choix du coeur plus que par un choix purement sportif.
Certains parlent d’une décision respectable pour l’amour de son sport, d’autres d’un manque d’éthique envers leur pays natal. La question de l’éthique s’est posée dans de nombreuses situations au cours de ces dernières années et fait écho à quelques scandales qui ont remis en question ces changements de nationalités. L’exemple le plus marquant est sans doute celui du Qatar au mondial 2015 de handball où l’équipe était composée en grande partie de sportifs expatriés pour l’occasion. Le choix d’une nationalité sportive est aujourd’hui un débat qui dépasse le seul cadre du sport. Cela n’en reste pas moins une issue empruntée par beaucoup pour connaître les joies d’une sélection nationale, ou de pouvoir représenter un pays lors de grandes compétitions internationales, et notamment les Jeux Olympiques. Les derniers JO d’hiver en Corée du Sud ont été l’occasion d’être confronté à ce phénomène.
« Je ne veux pas me mettre des gens à dos »
Il s’agit d’un choix fort que de délaisser son pays d’origine qui nous a tout donné pour en choisir un autre dans une perspective d’avenir. A chaque sollicitation d’athlète pour une interview, il a été question du poids que représente cette décision, pour eux et pour leur entourage. Bien souvent ils veulent aussi éviter de se « mettre des gens à dos, avec un choix plus de la raison que cœur » comme nous le rappelle Florent Claude. Biathlète français devenu belge, il a fait ce choix pour continuer à disputer les épreuves de coupe du monde tout au long de la saison et ainsi bénéficier d’une sélection pour les JO 2018.

Florent Claude sous couleurs belges / crédit : Lavenir.net
Estelle Alphand, fille de Luc Alphand et skieuse alpine a quant à elle choisi l’équipe de Suède pour poursuivre sa carrière. Même si au fond comme elle le dit si bien : « je reste française ». Elle souligne le fait que « ça [lui] fait un bien fou d’intégrer l’équipe suédoise […] Je me sens libérée, c’est que du positif. »

Estelle Alphand à l’arrivée / crédit : Eurosport
Un autre exemple est celui de la bosseuse (spécialiste du ski de bosses), Léa Bouard, qui s’est dirigée vers l’Allemagne pour continuer à vivre sa passion. Née outre-Rhin d’une mère allemande et d’un père français, elle concourt jusqu’en juin 2016 sous les couleurs français avant d’opérer ce changement de nationalité sportive. Elle justifie et assume d’ailleurs pleinement son choix : « l’Allemagne était un choix logique pour poursuivre ma carrière au plus haut niveau. Le staff allemand a compris ma démarche et je suis heureuse d’avoir pu honorer la nationalité de ma mère ». Depuis, elle dispute donc régulièrement les manches de coupe du monde et ainsi pu obtenir son billet pour ses premiers Jeux Olympiques à PyeongChang.

Léa Bouard sur les bosses /crédit : Zimbio
Changer d’horizon pour relancer une carrière à l’arrêt…
Ce choix est avant tout « sportif » comme le rappelle tous les athlètes interrogés. Ils sont souvent contraints de prendre cette décision dans le but de poursuivre leur carrière au plus haut niveau. Devenir sportif professionnel est un choix de vie, et quand un athlète a tout consacré pour son sport, et qu’il se retrouve à un certain moment barré par la concurrence, il est difficile de tout arrêter. Dans ce cas la décision la plus simple est de s’exiler pour continuer à espérer et relancer une carrière parfois à l’arrêt. D’autres raisons peuvent être avancées : celle du financier ou encore du « développement sportif ». Dans le cas de la France, cette question se pose peu, car les sports d’hiver sont relativement développés et pour les sports majeurs tels que le biathlon ou le ski alpin, les athlètes peuvent vivre de leur passion. Dans l’exemple du ski de bosses en revanche, Léa Bouard connait plus de difficultés de part la faible notoriété de sa discipline : « le ski de bosse est une discipline en manque d’exposition dans un pays comme la France. Et une compétition comme les JO est notre seule ouverture vers le grand public ».
A chaque choix ses raisons
Le développement sportif s’apparente à un souhait de profiter de l’exil pour tenter de faire connaitre son sport à l’étranger. En Belgique, où Florent Claude est parti poursuivre sa carrière, le biathlon est un sport mineur comme l’ensemble des sports d’hiver d’ailleurs. Dès lors l’ex-Français souhaite aider au développement de son sport en réalisant des performances en coupe du monde. Il n’est qui plus est pas le premier à avoir rejoint ce pays dans ce sport, puisqu’en 2013 Michael Rösch fait le même choix en quittant l’Allemagne nation phare du biathlon et où l’accès en équipe première est bouché par d’autres athlètes plus talentueux. Choix sportif donc mais aussi choix affectif. « Le parcours de Michael Rösch m’a inspiré, et l’envie de l’accompagner pour mieux faire connaitre le biathlon en Belgique a participé à ce choix de changement de nationalité sportive » explique Florent Claude. Le cœur ou la raison est un dilemme légitime au plus haut niveau, et Estelle Alphand a également dû prendre cette décision en rejoignant la Suède au détriment de la France. Même si il lui était difficile de s’imposer dans le groupe France, la jeune skieuse pouvait espérer un avenir radieux chez les Bleus. Née de mère Suédoise, elle a préféré toutefois ne pas perdre de temps et rejoindre la Scandinavie pour conforter un choix de cœur.
Raphaël Redon