Bienvenue dans la religion 2.0

Sous l’impulsion des jeunes, les pratiques religieuses traditionnelles tendent à s’effacer pour laisser place à une religion plus ludique et tournée vers l’éducation.

IMG_0845

Après le repas, temps de parole à l’association La Bougie.
(Crédit : Marjolaine Baud-Laignier) 

Mercredi soir. Comme toutes les semaines, les étudiants catholiques de l’association La Bougie se retrouvent dans une salle commune de la rue Gioffredo, à Nice. Grandes tablées, rires, discussions en tous genres, l’ambiance est au rendez-vous. Certains en cuisine, d’autres à la vaisselle, les tâches de chacun sont définies. « Venir ici, ça me permet de me vider la tête. Avoir des amis en dehors de la fac, c’est essentiel pour moi », confie Philippine, 21 ans, chrétienne et étudiante en première année d’orthophonie. On est bien loin de l’image ringarde que certains jeunes ont de la religion. Cas isolé ? Pas vraiment. Ces dix dernières années, des associations ont vu le jour afin de rassembler les fidèles autour de la pratique de leur foi, mais surtout passer un moment agréable ensemble. Entre moments formels et soirées à thème, la religion des 20-30 ans n’est plus celle qu’ont connu leurs parents. 

Des événements religieux, et interreligieux

« Dans notre association, nous faisons des sorties cinéma, des soirées dansantes », explique Marie Isnard, présidente de La Bougie. La jeune femme précise : « Les activités n’ont pas toutes des orientations religieuses. Tous les étudiants sont ainsi concernés ». Les jeunes, qu’ils soient croyants ou non, peuvent donc aussi bien participer à des soirées à thématique religieuse qu’à un challenge de rugby organisé entre les paroisses. Dans l’organisation protestante Interjeunes06 aussi, on n’hésite pas à mêler croyance et divertissement. « Trois fois par an, des soirées sont organisées. C’est toujours super sympa, la déco est impressionnante », dévoile Laura Fantino, une membre de 21 ans. Défis Just Dance, concert ou encore soirées déguisées, les idées ne manquent pas. Et ça marche ! Selon Laura, 80 à 100 jeunes participent à ces événements.  D’autres initiatives sont « interreligieuses ». C’est le cas de l’organisation Coexister  qui rassemble la jeunesse de divers horizons religieux. Pour Elodie Clément, 26 ans, la responsable de l’antenne de Nice, les objectifs sont multiples. « Les étudiants ouvrent un dialogue afin de se connaître, de se libérer des préjugés entre les religions. Puis ils effectuent des opérations solidaires : distribution de soupe, dons du sang… Ça crée des liens ».

Les associations parient sur l’éducation 

Aujourd’hui, les associations religieuses misent beaucoup sur l’épanouissement personnel de leurs membres. Elles cherchent donc à proposer des activités culturelles et éducatives, reléguant parfois la religion au second plan. A Coexister, les étudiants jouent eux-mêmes un rôle éducatif en sensibilisant les enfants des écoles aux différentes religions et au respect des cultes. « Quand on s’engage dans une cause qui touche à des milieux aussi intimes, on a un besoin de transmettre », concède Elodie Clément. CanneSavoir, organisation qui vise à approfondir la culture arabo-musulmane, propose des cours à destination du jeune public. Soutien scolaire, apprentissage de la langue arabe, récitation du Coran… L’objectif premier est de « rattacher la jeunesse en difficulté aux vraies valeurs de l’Islam », explique Abderrazak Hosni. Le responsable de l’association CanneSavoir souhaite « éloigner les jeunes des mosquées et surtout de l’intégrisme ».  Dans toutes les croyances, le discours est le même : éduquer à la foi est essentiel pour évoluer. Le Père Laurent Isnard, de la paroisse Saint Jean-Baptiste Le Voeu, estime que « ne pas être informé sur sa religion, c’est la source de tous les fanatismes. Les associations, elles, permettent aux jeunes de connaître leur foi. »

Les réseaux sociaux pour attirer les jeunes

Sur la Côte d’Azur, la communication autour des activités passe souvent par le numérique. L’utilisation des pages Facebook par les associations est importante. Elles créent des événements sur le réseau social, partagent les photos de leurs actions pour encourager de nouveaux membres à les rejoindre. Toutes considèrent que c’est le meilleur moyen de toucher les jeunes et d’élargir leur public. Public qui est en augmentation : selon le sondage OpinionWay le nombre de jeunes pratiquants a gagné 4 points par rapport à 2016. Un bon présage pour les associations religieuses.

Pour aller plus loin : 

L’île Saint Honorat, un lieu de retraite et de révisions

En partenariat avec les moines de l’Abbaye de l’île Saint Honorat au large de Cannes, le mouvement chrétien Fondacio propose des retraites de révisions cinq fois par an. Durant une semaine, les jeunes révisent six heures par jour au large de Cannes. Mathilde, étudiante de 21 ans, a participé à la session de février dernier et témoigne : « Moi j’avais besoin d’un cadre pour les révisions. On est en groupe, c’est stimulant et on a un bon rythme quotidien. » Des temps sont consacrés à la parole avec les moines sur le thème « Que veut dire réussir sa vie ? ». Les jeunes sont invités à se poser des questions sur leur foi. Mathilde reconnait : « Cela m’a bien apporté sur le côté personnel. On se pose plein de questions sur cette île. Il y a vraiment deux côtés : spirituel et travail. » Le concept séduit. Cinq à dix personnes restent sur liste d’attente pour chaque session.

Marjolaine Baud-Laignier, Aurore Coulon, Hugo Scherrer