BlacKkKlansman : l’idéologie raciale et l’humour de Spike Lee pour un film détonnant

Avec son nouveau film inspiré de faits réels, dans les salles françaises depuis le 22 août, Spike Lee dénonce avec un humour léger le racisme imprégné dans la société américaine.

1978, à Colorado Springs, dans l’état américain du Colorado. Ron Stallworth (interprété par John David Washington) est le premier individu noir à intégrer l’unité de police de la ville. Placé au service des archives, où il subira des propos discriminatoires de certains de ses collègues policiers, Ron sera rapidement – dans le film – muté au service des renseignements. C’est là qu’il apercevra dans le journal une annonce pour intégrer le Ku Klux Klan (KKK), groupe raciste emblématique aux Etats-Unis. Il prend son téléphone, appelle le numéro indiqué dans le communiqué, et est rapidement apprécié par la personne à l’autre bout du fil grâce à des propos haineux que le personnage principal lance pour assurer sa couverture. Le membre du KKK souhaite le rencontrer et tout semble en bonne marche pour que Ron puisse intégrer l’organisation. Un problème : Ron est Noir, c’est donc son coéquipier juif Flip Zimmerman, interprété par Adam Driver, qui se chargera de rencontrer les membres du KKK. Un pari audacieux pour ces deux hommes issus de minorités visées par les suprématistes.

Incohérence de la haine

Le racisme est très présent dans l’œuvre de Spike Lee, voire presque banal. Le producteur annonce déjà la couleur en plaçant le sigle du KKK dans le titre du film, alors qu’il ne figurait pas dans l’ouvrage de Ron Stallworth, Black Klansman, dont il s’est inspiré. L’intrigue et l’action s’articulent autour des relations que construisent les deux protagonistes avec les membres du Ku Klux Klan. Chez ces derniers, presque chaque conversation a son lot de haine envers les minorités noires ou juives. Le film n’oublie pas de montrer le manque de profondeur de ce mode de pensée en mettant en avant des réactions incohérentes de membres de l’organisation, comme les rires enfantins d’un des membres démontrant l’immaturité de celui-ci, mais plus largement de ses compagnons qui l’entourent. Le charisme, l’humour et la sagesse que dégage Ron, personnage rempli d’humanité, magnifiquement interprété par John David Washington, fils de Denzel Washington, insiste encore plus sur l’incohérence des membres du KKK. Il explique qu’il est respectueux avec ceux qui l’entourent tant que ces derniers le respectent. Cette logique, à laquelle tout le monde semble adhérer aujourd’hui, pousse le spectateur à se reconnaître en Ron.

Un combat idéologique

Un combat mené avec humour. Le duo de policiers mène la danse avec des situations cocasses et des blagues subtiles, parfois même provocatrices. Combattre le racisme, la haine et l’intolérance par le rire, tel semblait être le leitmotiv de Spike Lee, qui n’oublie pas, pourtant, l’importance et la profondeur de ce sujet complexe. S’inspirant de l’histoire réelle de Ron Stallworth, le producteur américain parvient à décrédibiliser le KKK et son idéologie, tout en adressant un signal d’alarme aux spectateurs. En effet, Spike Lee a eu l’ingénieuse idée de diffuser les images de Charlottesville, où une militante pacifiste s’était faite tuer par un militant néo-nazi en marge de deux manifestations. Alors que le racisme ne semble relever que d’une stupidité passée, cet épilogue nous rappelle qu’il semble encore plus présent que jamais. Une piqure de rappel qui arrive comme une gifle. Tout ce que les deux principaux protagonistes ont combattu pendant le film, mais surtout dans la réalité, revient en force dans la vie réelle.

 

Mathieu Obringer