octobre 01

Dans le Mercantour, la question du loup cristallise les opinions.

photo loups mercantour Philémon

Une meute de loups dans le Mercantour. (Crédit : Philémon Stinès)

Un groupe de touristes scrute longuement le paysage à la jumelle, attend, hésite. Finalement, avec un sourire, l’un d’entre eux pointe du doigt une zone, à l’orée des sapins. Et là, on les voit enfin. Sortant du sous-bois, un groupe de 6 loups s’avance et vient s’allonger dans l’herbe, profitant du soleil qui a fait lui aussi son apparition.

Les animaux aperçus aujourd’hui ne sont pas sauvages. Ils font partie d’une des trois meutes qui vivent en semi-liberté dans le parc Alpha, situé au-dessus de Saint-Martin Vésubie, en plein cœur de la vallée de la Vésubie. Un lieu hautement symbolique puisque c’est ici que le loup a fait son retour en France, « pays dont il était absent depuis 1930, victime de la politique d’éradication des grands prédateurs qui a pendant très longtemps été la norme dans l’Hexagone », explique Aurore Djerza, éthologue et biologiste au parc Alpha. Venus de l’Italie toute proche, des loups se sont retrouvés en France et ont formé des meutes de ce côté des Alpes.  « Les premiers, on les a observés en 1992 », se souvient Aurore Djerza. D’une trentaine recensés au début des années 2000, ils seraient plus de 360 aujourd’hui. Une population en constante augmentation malgré une hausse en parallèle des cas avérés de braconnage, forme d’expression la plus radicale de l’opposition à la présence en France du canidé.

« On est chassés de nos montagnes » 

Le retour du loup dans le pays et les lois qui assurent désormais sa protection ne font en effet pas que des heureux. Pour s’en apercevoir, il suffit de se rendre à Saint-Martin Vésubie où la simple évocation de l’animal suffit à provoquer soupirs exaspérés et rictus amers chez les habitués du bar de la place du village. Pour ces habitants, sa réintroduction et les dangers qu’il fait porter sur les troupeaux menace le mode de vie pastoral qui a toujours prévalu dans la région. « C’est quand même dingue qu’on choisisse le bien-être d’un animal contre celui des gens qui vivent et travaillent ici depuis des générations », s’insurge Martin, agriculteur, dont le frère possède un troupeau d’environ 300 brebis. Il poursuit : « On est chassés de nos montagnes par des politiques qui n’y ont jamais mis les pieds sauf pour skier. Allez faire de l’élevage quand votre troupeau se fait grignoter nuit après nuit… » Les pertes ovines dues à la prédation du loup représentent en effet environ 10 000 têtes de bétail chaque année.

Plus de 2000 loups en Espagne et en Italie

Alors entre loup et locaux, cohabitation impossible ? Non, répond Aurore Djerza. « En Italie et en Espagne, les loups n’ont jamais disparu, ils sont plusieurs milliers et tout se passe sans problème, et en France on ne pourrait pas en gérer 400 ? C’est une question de mentalité ».

Conscient du problème, le gouvernement a publié en Février dernier un plan loup qui prévoit à la fois une augmentation des effectifs de loups jusqu’à 500 individus et autorise l’abatage de 40 bêtes par an. Un compte-rendu des premiers résultats de ce plan paraîtra début 2019. Conçu pour plaire à tout le monde, il pourrait bien avoir l’effet inverse.

Philémon Stinès