Youtube et ses vulgarisateurs : une nouvelle source de savoir

Captiver des milliers de jeunes en parlant de la seconde guerre mondiale, de Kant ou de l’histoire de l’univers, voilà de quoi faire rêver plus d’un professeur. Sur Youtube, pourtant, de jeunes vidéastes sont parvenus à relever ce défi.

Cyrus, Dave, Arnaud, Théo et Kevin sont ce que l’on appelle des vulgarisateurs scientifiques. Sur youtube, ils parlent sur leurs chaînes de philosophie, de sciences, d’économie ou d’histoire. Si sur la plateforme audiovisuelle du géant américain Google, nombreux sont ceux à produire des contenus de divertissements humoristiques ou gaming, depuis quelques années est apparue cette nouvelle catégorie de vidéastes. Un format de niche qui attire de plus en plus. Leurs vidéos parviennent à réunir des centaines de milliers d’abonnés et cumulent des millions de vues.

« Un bon script, ça peut s’écrire avec des flèches »

S’inspirant des codes des podcasts humouristiques, Cyrus North se définit comme un « braintertainer ». La fusion entre brain et entertainment, car pour lui « on peut parler de choses intelligentes de manière divertissante ». Il se demande, en se filmant dans sa chambre, si nous sommes réellement maîtres de nos choix et nous explique en cinq minutes le déterminisme de  Spinoza. « Je me suis dit que ça serait marrant qu’un mec fasse du Norman mais qu’au lieu de parler de ping pong, il parle de philo ». Un pari réussi puisqu’il ne compte pas loin de 300 000 abonnés et cumule plus de 16 millions de vues. Dans un format plus minimaliste, Dave Sheik raconte, à travers des dessins de  « stickman », l’histoire des Incas, d’Israël ou encore de Simone Veil. Un style épuré qui permet une compréhension efficace, « même sans le son, on pourrait presque comprendre » affirme le vidéaste. Outre le format dynamique, l’utilisation de la pop culture est aussi un moyen d’intéresser le public. On n’hésite pas à évoquer Tinder pour traiter du don d’organes ou de Batman pour savoir ce qui est juste. « Nous, on essaie de nous parler à nous-mêmes, […] on n’est pas des gens de cinquante ans qui écrivent pour des jeunes de vingt-cinq » lâche Arnaud, dans la vingtaine et rédacteur sur la chaîne Stupid Economics. Avant de tempérer : « bien que dans certains cas ça aide, je ne pense pas qu’il y ait toujours besoin de références pop pour vulgariser ».

De « simples » vecteurs de curiosité

Malgré leur succès, les vidéastes restent humbles quant au savoir qu’ils apportent. Théo et Kevin, de la chaîne Balade Mentale, qui abordent des sujets aussi variés que l’astronomie, la physique ou la biologie à travers de belles envolées lyriques, considèrent qu’ils « ne [font] pas de l’éducation, c’est plutôt de la transmission de connaissances, d’envies, de curiosité ». De son côté, Arnaud rappelle qu’ils n’ont pas « la qualité d’experts ». Nombre d’entre eux ne sont souvent d’ailleurs que passionnés, sans pour autant que leur métier initial ne soit directement lié aux sujets qu’ils abordent. Pourtant, il est de plus en plus courant que des professeurs utilisent leurs vidéos pour agrémenter leurs cours. Comme support d’introduction à une leçon par exemple, « ça permet aux élèves de rentrer plus facilement dans le sujet ». Bien qu’ils ne soient pas experts, ces vidéastes produisent un travail de recherche qualitatif car la moindre erreur qu’ils pourront commettre sera soulignée dans la section commentaire de leurs vidéos. S’ils n’ont « pas vocation à remplacer l’école », ils se considèrent comme des vecteurs de curiosité et de connaissances qui font « découvrir [ou redécouvrir] d’autres manières de voir le monde ».

Adrian Rémy