[Mouans-Sartoux] Adélaïde Bon : “Avec l’écriture, je me suis retrouvée”

Avec La petite fille sur la banquise, paru en mars 2018, la comédienne Adélaïde Bon a fait une entrée remarquée dans le monde de la littérature.

Son livre raconte le viol dont elle a été victime à l’âge de 9 ans, sa lente reconstruction après cet événement et les étapes du procès lors duquel elle a affronté le criminel qui a détruit une partie de sa vie.

Votre roman raconte une histoire très intime. A quel moment avez-vous décidé de le publier ?

Quand j’ai commencé à l’écrire, je voulais qu’il soit publié, qu’il soit lu. Je n’étais plus dans une écriture thérapeutique, que j’ai beaucoup utilisée dans les moments où tout explose, et que le papier est l’un des endroits où l’on peut vider ce qu’on a sur le cœur. L’écriture a été longue et m’a demandé beaucoup de travail. Il fallait trouver avec la plus grande précision les mots qui m’avaient manqué pendant toute ma vie. Je me suis retrouvée en écrivant, ça a été un chemin de joie.

Vous dites avoir fait le lien tardivement entre votre mal-être et le viol dont vous avez été victime…

Très tard, oui, et de manière progressive. D’abord, parce qu’une partie de ma mémoire ne m’est revenue qu’après des séances de thérapie corporelle et de psychothérapie. Ensuite, lors d’une session de travail dans une association féministe où on étudiait l’ensemble des lois contre les violences faites aux femmes, j’ai découvert que ce que j’avais subi était un viol. Quand j’ai réussi à mettre ce mot sur ce qu’on m’avait fait, je me suis dit : “En fait, c’est peut-être depuis ce moment que tout est si détruit…”

Qu’avez-vous ressenti, à ce moment-là ?

C’est comme si chaque mot, c’était un peu de terre. Petit à petit, j’ai eu l’impression d’avoir mes jambes qui tenaient enfin sur le sol. Chapitre après chapitre, version après version, le sol devenait de plus en plus solide sous mes pieds.

Après ce premier roman, souhaitez-vous poursuivre dans l’écriture ou privilégier votre carrière de comédienne ?

J’ai très envie de continuer à écrire. Quand j’étais toute petite, avant que ça m’arrive, j’écrivais plein de choses. J’ai continué à écrire toute ma vie, même si cela a été parfois très compliqué et accompagné de beaucoup d’angoisses. Ce livre, d’une certaine façon, n’est pas mon premier livre, C’est celui qui m’a permis d’accéder à mon écriture, à ma langue, à ma terre. Maintenant que j’ai les pieds sur terre, que j’ai retrouvé ma langue, je compte bien l’utiliser !

La liberté est le thème de ce 31e festival. Qu’est-ce que ça signifie, pour vous, la liberté ?

L’espace ! J’ai vécu beaucoup d’années dans une toute petite pièce. La liberté, c’est pouvoir s’imaginer sa vie dans toutes les directions possibles, année après année, et pas seulement heure par heure. Avoir du temps et de l’espace, c’est ça, la liberté.

Hugo Scherrer