octobre 06

[Mouans-Sartoux] John Everard, un diplomate à Pyongyang

John Everard, ancien ambassadeur britannique en Corée du Nord, raconte sa découverte de l’un des pays les plus méconnus du monde, dans “La Corée du Nord à bicyclette”.

John Everard.JPG

Le diplomate britannique John Everard (Photo Adrian Rémy)

“Avez-vous rencontré des difficultés particulières, notamment au niveau de votre sécurité lors de votre nomination à Pyongyang ?
Non, absolument pas. La Corée du Nord est certainement le pays le plus sûr du monde… Personne ne vous volera, ne vous agressera. C’est une sécurité différente de celle qu’on a en Europe.

Avez-vous réussi à communiquer avec les Coréens ?
Les plus hauts placés non, car ils sont quasiment introuvables, ils sont sur-protégés. En revanche, j’ai pu m’entretenir avec des personnes placées « au 2ème rang ». Les conversations ne sont pas libres, on est surveillés par des soldats. Il est quand même possible de parler avec des gens qui n’ont aucun pouvoir de décision et qui sont plus “libres”.Mais au début, ils sont très craintifs. Ils ne veulent pas que les autres Coréens sachent qu’ils ont parlé à un étranger. Une fois le contact établi, et que la personne vous fait confiance, ils ne contentent pas de vous parler, ils sont vraiment enthousiastes ! L’étranger se transforme alors en père confesseur. C’est assez impressionnant. Lorsqu’ils parlent de politique, ils ne parlent pas de concepts, ils parlent de la « haute société » : Qui aime qui ? Qui contrôle quoi ? Qui veut se venger de qui ?… Vivre à Pyongyang offre des occasions pour connaître des gens. Les cafés, les spas, les saunas, les marchés. Ce n’est pas facile évidemment, mais pas impossible.

La Corée du Nord est-elle, un régime autoritaire ou une véritable dictature ?
C’est une dictature. La Corée du Nord est un fossile politique. C’est un despotisme oriental du 19ème siècle qui existe toujours au 21ème siècle, rien n’a changé. Les Coréens sont tous très nationalistes, fiers de leurs patries. Ils ne connaissent pas d’autres formes politiques. Lorsqu’on aborde le thème de la démocratie, ils sont convaincus que c’est du théâtre. Ils pensent qu’en démocratie, comme ailleurs, tout est contrôlé en secret par un groupe limité de personnes, comme chez eux.

Le titre de votre livre est « La Corée du Nord à bicyclette » ; comment avez-vous fait pour vous balader à vélo dans l’un des pays les plus dangereux du monde ?
Facilement ! J’ai apporté mon vélo avec moi à Pyongyang, et dès que j’en avais l’occasion je partais en balade, pour découvrir un peu cet état. C’est vraiment un beau pays, il y a des montagnes, de jolis champs etc. Comme étranger résident on a le droit de se déplacer librement (théoriquement) dans un cercle de 35k autour de la capitale. En pratique on a le droit d’aller jusqu’au premier cercle de contrôle militaire. Ça donne quand même accès à toute la ville et à la campagne environnante. C’est un sacré défi pour les autorités de suivre quelqu’un à vélo (rires). Ils avaient de la peine à me suivre. Je me souviens d’un dimanche, je suis sorti à vélo, une personne en bicyclette vient à ma hauteur, sur ma droite, un homme habillé en noir, avec des lunettes de soleil. Il ne me regardait pas. Il s’est ensuite retiré, et un autre homme l’a remplacé, à ma gauche cette fois. J’ai alors compris qu’ils essayaient de m’envoyer un message, de me dire que s’ils voulaient me suivre, ils le pouvaient. C’était symbolique.”

John Everard sera en dédicace cet après-midi au stand de la maison d’éditeur De Crescenzo, spécialisée dans la littérature coréenne.

Arno Tarrini