octobre 10

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Le GHB, drogue des criminels et des fêtards

Connue comme la « drogue du violeur », le GHB se répand de plus en plus dans le monde de la nuit. Prise à de petites doses, cette drogue stimule l’euphorie du consommateur. A fortes doses, elle peut tuer.

Médicament fabriqué dans les années 60, le GHB est dans un premier temps utilisé en médecine, pour anesthésier un patient avant une opération. Mais très vite, cette substance va être détournée, premièrement en tant que produit dopant, puis en tant que drogue. «En 1999, elle est classée au tableau des stupéfiants », informe Samira Djezzar, directrice du Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance (CEIP) de Paris.

Le GHB est « une molécule qui est également synthétisée par le corps », continue Samira Djezzar. Chaque être humain contient donc jusqu’à 5 mg/l de GHB dans le sang. Si la concentration dépasse ce seuil, c’est qu’il y a eu une consommation. Prise à de petites doses, cette substance stimule les sensations corporelles et l’euphorie. Mais à de fortes doses, le GHB va créer un état d’amnésie, de désinhibition ou de relaxation. La drogue devient alors très dangereuse pour l’être humain qui l’a consommée.

Ce liquide incolore et inodore est connu du grand public pour son utilisation criminelle, souvent mise en scène au cinéma. Mais une autre utilisation de cette drogue est également possible : la consommation récréative, principalement dans le monde de la fête. Ce type d’usage connaît d’ailleurs un gain de popularité, et ce depuis 2015.

Utilisé pour faire la fête

Pourtant, c’est depuis près de 30 ans que le GHB s’est installé dans les pratiques festives. Apparu dans les années 90 dans les soirées électros, le GHB s’est très vite répandu dans le milieu du clubbing homosexuel. C’est au début du XXIème siècle que l’Organisme Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) a recensé les premiers cas de consommation à Paris, puis Lille, Toulouse, Marseille et Bordeaux. Dans les soirées du clubbing gay, le GHB était alors utilisé pour des « chemsex », des pratiques sexuelles sous l’influence de drogues. Dans ces moments, le rôle du GHB était d’influencer la relaxation et les sensations.

Malgré son interdiction en 1999, le GHB a causé de nombreux accidents, aux Etats-Unis et en Europe. Que ce soit sur le dark net ou par le deal de rue, cette drogue a toujours circulé. Mais les consommateurs ont pu se procurer du GHB d’une manière différente que celle du trafic. « Les utilisateurs de cette drogue ont trouvé une alternative pour contourner l’interdiction », déplore la directrice du CEIP. Pour cela, les fêtards ont commencé à consommer du GBL, un liquide également néfaste pour l’homme. Ce produit se retrouve notamment dans les solvants industriels, en vente libre dans le commerce. Consommé, le GBL a les mêmes répercussions que le GHB. Les deux drogues ne font donc plus qu’une.

C’est en 2011 que les solvants industriels qui contiennent du GBL vont être interdits à la vente. Cependant, les consommateurs en trouvent toujours sur des sites illégaux. Et pour cause, le nombre de cas d’overdoses au GHB/GBL connaît un gain de popularité depuis 2015. Désormais, l’utilisation du GHB ne se cantonne plus au clubbing homosexuel. Selon une étude de l’OFDT, de nombreux accidents auraient été recensés dans des espaces de fêtes standards, comme en boîte de nuit. La note rapporte également que chaque année, il y aurait entre 40 et 50 cas recensés d’accidents à Paris. Or, Samira Djezzar, qui a participé à l’étude de l’OFDT, avoue « que de nombreux cas de consommation ne sont pas encore connus ».

Des agressions au GHB

Autre utilisation du GHB : celle des criminels. Surnommé « drogue du violeur », ce liquide peut être utilisé pour affaiblir un individu. Dissimulée dans une boisson, la substance inodore et incolore passe inaperçue. Si la victime la consomme, elle sera impactée par les effets en quelques minutes, et cela pendant plusieurs heures.

Droguée, la personne va perdre son libre-arbitre, être abandonnée psychiquement et perdre tout moyen de défense. Cette terrible sensation, Eric* l’a vécue. Ce quadragénaire nantais a été victime d’une agression, probablement au GHB, en juillet 2016. « Ils étaient plusieurs dans le coup. Une femme m’a charmée puis droguée, ses complices m’ont ensuite volé », se souvient-il vaguement. À la demande de ses agresseurs, la victime avait donné sans broncher sa carte bancaire et son code. Au final, la soirée lui a coûté près de 4000 €. Mais pour Eric, le préjudice n’est pas que financier : « S’il me l’avait demandé, je me serais mis à nu. J’ai la conscience violée. »

Après plusieurs heures à errer dans les rues, Eric est revenu à la raison. Mais le temps d’aller porter plainte, il était déjà trop tard. Le GHB disparaît très vite du corps humain. Il est donc difficile de faire avancer une enquête quand la trace de l’agression est déjà partie. Eric n’aura jamais eu justice, comme pour beaucoup de victimes.

*prénom d’emprunt

Bastien Blandin