Laurent Gaudé : un écrivain qui séduit plusieurs générations

Parmi les 380 auteurs présents au festival, Laurent Gaudé est venu présenter son nouveau roman intitulé Salina, les trois exils. C’était une première pour l’écrivain de 46 ans. Entre séances de lectures et de dédicaces, Valentin Rivollier est allé à sa rencontre.

  • Bonjour Laurent Gaudé, vous vous êtes déjà essayé à plusieurs genres, d’abord le théâtre avec votre première pièce « Combat de possédés » en 1999, puis les romans, les nouvelles, et enfin plus récemment, la poésie. C’est important pour vous de tester différents genres ?

Oui tout à fait, car d’abord ce ne sont pas les mêmes outils qu’on utilise, donc les difficultés et les plaisirs ne sont pas les mêmes, j’aime bien cette manière de varier, ça évite l’ennuie. Ce n’est aussi pas tout à fait la même vie que l’on a derrière, c’est-à-dire que le romancier à une vie assez solitaire, on a besoin de personne pour se mettre au travail. Alors que lorsque je travail pour le théâtre il y a une vie avec les compagnies, les comédiens, les répétitions, donc j’aime bien cette variété là.

  • En 2013 vous avez fait de nombreux voyages, notamment à Port-au-Prince, au Kurdistan Irakien ou dans la jungle de Calais. Vous qui avez l’habitude d’écrire sur des thèmes qui vous semblent importants comme l’immigration, est-ce que vous souhaitez faire passer un message dans vos romans ?

Je ne souhaite pas particulièrement faire passer de message, parce que je pense que les romans ne sont pas faits pour ça. Lorsque l’on veut faire passer un message je pense qu’il vaut mieux écrire un article dans les journaux ou faire une tribune et c’est très noble d’ailleurs. Mais lorsqu’on écrit un roman il y a quand même un côté de fiction, on doit donc proposer aux lecteurs un certain plaisir à lire, donc il n’y a pas forcément de message. Après effectivement j’ai écrit certains romans, dont « El dorado », sur le coup de la colère contre le monde dans lequel on vivait. Mais en aucun cas mes lecteurs fermaient mon roman en se disant : « je sais pour qui Gaudé m’a dit de voter ». Ce n’est pas mon rôle.

  • Est-ce que ces voyages vous ont inspirés ?

Ces voyages je les ai faits pour frotter mon univers à la dureté du monde d’aujourd’hui. Bien sûr qu’ils m’ont inspiré, il y a des poèmes qui ont été écrits suite aux voyages à Port-au-Prince ou dans la jungle de Calais, il y a eu un roman qui s’est inspiré de tout ça et enfin j’ai écrit quelques articles dans les journaux de manière un peu plus engagé.

  • Beaucoup de vos romans sont lus et étudiés par des étudiants, vous avez d’ailleurs été en 2002 lauréat du prix Goncourt des Lycéens pour votre ouvrage La mort du roi Tsongor, visez-vous spécialement un public plutôt jeune avec vos romans ?

Je n’écris pas mes livres en pensant à un public particulier, tel qu’il soit d’ailleurs, mais j’écris pour le lecteur. Ensuite je constate avec beaucoup de joie que mes livres circulent beaucoup dans les collèges et les lycées. Quand j’étais jeune, les auteurs contemporains ne rentraient pas dans les établissements scolaires. Personnellement les premiers auteurs vivants que j’ai rencontrés, c’était beaucoup plus tard, lorsque j’étais étudiant à l’université. Cela démontre que les temps changent, que les esprits changent, les lycéens se rendent compte qu’il y a des auteurs qui vivent aujourd’hui, qui écrivent aujourd’hui et surtout qu’on partage le même monde qu’eux, donc c’est une très bonne nouvelle.

  • Vous avez évoqué le fait que parfois certaines personnes achètent un de vos livres et le prêtent à un membre de leur famille, ou à des amis. Qu’en pensez-vous ?

Je trouve ça formidable, quand il y a une dame qui vient me dire que sa fille lui a conseillé un de mes livres, « Le Soleil des Scorta », et qu’ensuite elle l’a fait lire à son mari, cette circulation de mains en mains, je trouve ça génial. Ce qui est le plus émouvant lorsqu’on a terminé un bouquin c’est de voir comment il voyage. Je demande souvent aux gens comment ils sont tombés sur mes livres parce que ça m’amuse de savoir si c’est plutôt un conseil de libraire ou encore d’un ami. Après il y a aussi la circulation à l’étranger où les livres sont traduit en plusieurs langues. Savoir que les histoires que j’ai écrites vont partir et voyager, je trouve que c’est assez vertigineux.

  • La publication de votre tout nouveau roman, « Salina, les trois exils », à débuter le 3 octobre, combien de temps ont été nécessaire à sa réalisation ?

Un roman pour moi c’est environ un an de travail, celui-ci je l’ai terminé avant l’été. Mais enfaite ce roman est assez particulier parce qu’il y a quinze ans j’ai écris une pièce de théâtre qui s’appelait justement « Salina » et qui met en scène le même personnage que dans mon roman. J’ai simplement agrandit l’histoire pour qu’elle s’adapte au roman que je voulais faire.

  • Quels sont vos projets futurs ?

Mon futur ouvrage sera du théâtre, je suis actuellement en train de travailler avec une compagnie. Mais sinon j’aimerais un jour réussir à faire un très gros roman. J’aimerais faire un roman de plus de 400 pages, je n’ai jamais réussi, ils sont finalement toujours assez courts. À chaque fois que je les corrige, ils rétrécissent, mais je garde espoir, j’y arriverai à 60 ans. (Rires)

  • Pour finir, auriez-vous une petite anecdote à nous raconter à propos du festival ?

En seulement deux jours, je n’ai pas encore d’anecdotes à raconter, mais ce qui m’a l’air d’être super c’est de voir que toute la ville est au rythme du festival et ce n’est pas toujours le cas. Le plus souvent lorsqu’une ville accueille un festival ou un événement littéraire, c’est dans un quartier seulement et sous une tente, mais là, la circulation est coupée, il y a différents espaces répartis dans la ville, je trouve que c’est vraiment bien et on se sent très à l’aise.

Propos recueillis par Valentin Rivollier