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Femen : après 10 ans d’existence où en sont-elles?
Femen. Ce groupe féministe mène des actions militantes inédites depuis sa création en Ukraine en 2008. Elles ont fait de leur corps dénudé une arme. Le mouvement se développe à l’étranger et la branche française apparaît en 2012. Qui sont les Femen? Comment évolue le mouvement?
À l’origine le mouvement défile dans les rues de Kiev pour défendre les droits des femmes, en particulier pour faire évoluer la condition des femmes en Ukraine. Face à l’indifférence générale, les Femen décident de changer de tactique. Oksana Chatchko, cofondatrice de Femen en Ukraine, est la première à se dénuder lors d’une manifestation. Les autres membres suivent et pour la première fois la presse parle du mouvement, mais les médias les décrivent comme une bande d’hystériques et coupent les photos des militantes en ne montrant que leurs seins nus sans les pancartes ornées de slogans. Les Femen adoptent donc un nouveau mode de fonctionnement : peindre les slogans sur leurs corps pour que personne ne puisse détourner le message qu’elles veulent faire passer. Elles ont fait le choix de se servir de leur corps comme un outil de révolte. “ Le corps féminin attire les regards, c’est comme cela que soudainement on nous a regardé et entendu. Les couronnes de fleurs, le torse peint avec des slogans…tu ne penses plus que tu es torse nu. Tu enfiles une sorte d’uniforme, une armure”, explique Sarah Constantin, membre Femen depuis six ans. Se dévoiler pour exister dans l’espace public, c’est le parti pris du mouvement qui mène des actions régulières pour défendre les droits des femmes et la liberté d’expression, mais aussi se battre contre l’extrémisme, la religion, les régimes dictatoriaux et l’homophobie.
Une pour toutes et toutes pour une
Le groupe Femen mène toutes ses actions collectivement. Elles sont très soudées, mais aussi très ouvertes à de nouvelles arrivantes. Les Femen se réunissent chaque semaine pour débattre de l’actualité et des nouvelles actions envisagées, mais aussi pour s’entraîner physiquement. Elles cherchent à se coordonner lors des actions afin de créer une image qui sera relayée dans les médias. “On s’entraîne à courir ensemble, à sauter une barrière ensemble, à scander des slogans ensemble ce qui n’est pas facile surtout quand tu te fais arrêter et qu’il y en a une qui est à 10 mètres de l’autre, faut être à l’écoute” insiste la militante de 33 ans. Elles confectionnent également les bannières elles-mêmes. Peinture, couture, les activistes s’occupent de tout car le mouvement n’a aucunes ressources excepté les dons et les recettes de leur e-shop. Le manque de moyens ne les empêche pas de mener des actions de grande ampleur, qui font débat.

Trois membres Femen manifestent depuis leur chambre d’hôtel, le 1er mai 2015. (Crédit photo : AFP)
Un mouvement toujours contesté
Dès sa création, le mouvement Femen est critiqué. Leurs actions politiques et médiatiques se poursuivent malgré les arrestations. “Il faut savoir que la France est le seul pays dans lequel on mène des actions, qui nous poursuit judiciairement pour exhibition sexuelle. Dans les autres pays on va avoir atteintes aux bonnes mœurs, insultes auprès d’un ministre, parfois trouble à l’ordre public, ce genre de chose”, rappelle Sarah Constantin. Lors de leur dernière action, la police les a recouvertes de draps, afin de cacher leurs corps. Les membres du mouvement interprètent ce geste comme la négation de leur idéologie, selon elles, le corps fait partie intégrante de leur combat politique. Pour rappel, en 2014, l’ex-femen Eloïse Bouton a été condamnée à un mois de prison avec sursis pour “exhibition sexuelle”, après s’être introduite seins nus dans l’église de la Madeleine. Une première en France. Depuis elles ont déjà gagné plusieurs procès contre le Procureur de la République. Hormis la justice, le mouvement a ses détracteurs, comme le Front National contre lequel elles organisent des manifestations récurrentes. Le 1er mai 2015, trois Femen ont interrompu un discours de Marine Le Pen et la réaction du parti a été immédiate. Des militants du FN et le service d’ordre du parti se sont infiltrés dans leur chambre d’hôtel. Ils les ont ensuite attrapées par les cheveux et mises à terre avant de crier “la France aux francais”. Les Femen mènent des actions au-delà des frontières françaises mais sont critiquées et accusées de “néocolonialisme blanc”. Pourtant les militantes s’accordent à dire que de nombreuses femmes se reconnaissent dans le mouvement. Récemment des féministes iraniennes ont contacté l’organisme afin de rejoindre la communauté Femen sur Internet à défaut de pouvoir manifester dans leur pays.
Ana Michelot
Aurore Coulon