octobre 20

L’agriculture verticale, une utopie ?

Chaque seconde, quarante tonnes de nourriture sont jetées à la poubelle dans le monde. Et un tiers de la production alimentaire est gaspillée. Effrayant, non ? Ces chiffres sont tirés du documentaire  « Les villes du futur : fermes urbaines et verticales », réalisé par Benoît Laborde et diffusé au festival de Mouans-Sartoux dimanche 7 octobre . Le film alerte sur la nécessité de changer de système agricole, et présente une alternative pour le futur : la création de fermes urbaines dites « verticales ».

Illustrations 3D de possibles fermes verticales

 

L’idée consiste en la création de tours à étages, dédiées à la pratique de l’agriculture. Tel que nous avons pu le faire avec les habitations humaines, en passant de pavillons individuels à des immeubles constitués de nombreux appartements, il s’agirait ici de reproduire le processus en transférant nos champs de la campagne vers les villes. Les cultures ne pousseraient pas dans la terre, dont le poids est trop lourd pour les bâtiments, mais en hydroponie, une technique où les racines des plantes sont baignées dans une eau enrichie en nutriments.

Une production plus saine et locale

L’agriculture verticale présenterait des avantages multiples. Sur le plan environnement, elle permettrait notamment de réduire de 90% la surface utilisée pour cultiver les denrées, pour une même production finale. Cette économie de place serait la bienvenue alors que la population mondiale est estimée à 9,8 milliards en 2050 ! Dans ces milieux fermés, l’utilisation des pesticides ne serait par ailleurs plus nécessaire. Les imports-exports de produits seraient aussi quasiment nuls, puisque la production se ferait sur place, réduisant de fait, la pollution due aux transports.

Sur le plan pratique, les villes deviendraient autonomes en produisant localement, dans ces grandes tours situées en centre-ville. La production serait prévisible et facilement régulable selon les besoins en consommation des commerces alentours, du fait de la maîtrise totale des conditions en intérieure (éclairage, température, humidité…). Des études ont montré que selon les couleurs de lumière auxquelles sont exposés les plants, il est possible d’influer sur leur développement. En les combinant de façon spécifique, une entreprise néerlandaise serait parvenue à augmenter sa production de 25%.

Le concept est développé dans les années 2000 par Dickson Despommier, professeur en santé environnementale et microbiologie à l’université Columbia à New York. C’est en 2007  que le grand public en entend parler pour la première fois, après qu’un designer crée une illustration 3D en image de synthèse d’une ferme verticale. Les médias internationaux la relaient et l’image fait le tour du monde en quelques jours. A partir de ce moment, la machine s’emballe et de nombreux architectes publient leur propre version sur Internet.

Un projet viable ?

A travers le monde, certaines fermes verticales ont déjà vu le jour. C’est le cas notamment à Singapour, où l’important taux d’ensoleillement permet aux fermes verticales d’utiliser peu d’énergie. Celles-ci ne correspondent cependant pas tout à fait à ce qu’avait pu imaginer Despommier. Hautes d’une dizaine de mètres et dont la surface reste importante, on ne parle pas encore d’immenses tours capables de nourrir plusieurs milliers de personnes.

Pour relever un tel défi, de nombreux problèmes ont encore besoin d’être résolus. Le plus épineux étant celui de la quantité d’énergie utilisée, trop importante pour l’instant. Pour pouvoir pousser en toutes saisons dans ces lieux fermés, les légumes ont besoin d’une très grande quantité de lumière. Sachant qu’actuellement le pétrole, le charbon ou le gaz sont les matières premières des deux tiers de la production mondiale d’électricité, l’impact écologique de ces fermes serait finalement négatif pour l’environnement. De plus, le coût énergétique rendrait les produits hors de prix.

D’autres débats entourent l’éventuel passage à des fermes verticales : remplaceront-elles l’agriculture rurale ? Que deviendraient alors les agriculteurs, et plus généralement la vie dans les campagnes ? Quant aux produits cultivés, auront-ils la même saveur sans terre et sans soleil ? Autant de questions aujourd’hui toujours à l’étude.

 

Gaspard Flamand

Adrian Rémy

Hugo Scherrer