Jair Bolsonaro, futur président brésilien ?

Le dimanche 14 octobre avait lieu le premier tour de l’élection présidentielle au Brésil. Jair Bolsonaro, candidat d’extrême-droite, admiratif de Donald Trump, a terminé en tête du suffrage, avec 46% des voix. Le 28 octobre, il représentera le parti social-libéral face au poulain de Lula, Fernando Haddad, qui a comptabilisé 29% des suffrages au premier tour.

“Je n’accepte pas un autre résultat que ma propre élection”, clamait Jair Bolsonaro, lors de sa campagne. Dès le premier tour, l’ancien capitaine de l’armée brésilienne, est bien parti pour mettre en forme ses paroles. Il s’est largement placé en tête des suffrages avec 46% des voix. À 63 ans, celui que l’on nomme “Trump tropical” se rapproche d’une victoire quasi-certaine au second tour, si l’on en croit les résultats des derniers sondages. Il est crédité de 57% d’intentions de vote, son adversaire Fernando Haddad récoltant alors 43% des voix.

Une campagne particulière

Pourtant, ce succès n’était pas une évidence, il y a quelques mois. En mars, Jair Bolsonaro rejoint le Parti Social-Libéral (PSL), une organisation politique quasi inconnue. Ce n’est que la deuxième fois que ce parti se présente aux élections présidentielles. Luciano Bivar, candidat de ce parti en 2006, n’avait alors recueilli que 0,26% des voix, terminant bon dernier de l’élection. Par la suite, le PSL avait ouvertement affiché son soutien à Dilma Rousseff, candidate du Parti des Travailleurs (PT). La même organisation que Jair Bolsonaro va affronter au second tour de cette élection présidentielle.

Le natif de l’Etat de São Paulo est un habitué du monde politique. Il y entre en 1986, pour défendre le droit des militaires. Il vit sa première campagne électorale en 1988, où il est élu en tant que conseiller municipal de Rio de Janeiro avec le Parti Démocrate Chrétien (PDC). En 1999, sa carrière politique prend une nouvelle dimension. Il est élu député fédéral à Rio de Janeiro. Un poste qu’il ne quittera que le 7 octobre 2018, après s’être fait réélire à six reprises.

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Jair Bolsonaro après les résultats du premier tour de l’élection présidentielle (AFP)

Toujours victorieux dans ses campagnes politiques, il a cette fois-ci rencontré quelques problèmes. Il a notamment été freiné par une tentative d’assassinat. Le 6 septembre, Jair Bolsonaro est poignardé à l’abdomen, en pleine rue, lors d’un rassemblement à Juiz de Fora. Cloué sur un lit d’hôpital, il voit sa campagne présidentielle amputée de nombreux meetings et débats télévisés. Un handicap important, qui va devenir un réel symbole d’abnégation. Un mal pour un bien : Jair Bolsonaro devient très vite une icône pour le peuple brésilien.

Populiste, mais surtout populaire

Désigné par les médias internationaux comme tel, Jair Bolsonaro possède en effet toutes les caractéristiques correspondantes au profil d’un candidat dit “populiste”. Auteur de plusieurs déclarations homophobes, sexistes, et climato-sceptiques, l’ancien militaire se place en dehors du cadre des partis traditionnels. Bolsonaro n’a d’ailleurs aucun mal à parler de sa nostalgie de la période de dictature au Brésil de 1964 à 1985.

Son extrémisme a séduit une grande partie du peuple brésilien avec une rhétorique simple basée sur l’immigration, la violence et la pauvreté. Avec un score quasi-décisif de 46% au premier tour de l’élection présidentielle, il a conquis la population, qui voit en lui un véritable sauveur. Qualifié de “Trump tropical”, les positions politiques de Jair Bolsonaro se rapprochent de celles du 45e président des États-Unis. De la question migratoire jusqu’au climat, beaucoup de leurs propos sont similaires. En effet, dans ses discours, Bolsonaro parle souvent de la montée de la violence au Brésil. Il promet au peuple brésilien de “remettre de l’ordre” dans le pays. Il n’hésite pas à reprendre les célèbres propos de Rodrigo Duterte “Un bon bandit est un bandit mort”, pour faire passer son message. Pour cela, il propose de faciliter l’accès aux armes, comme aux Etats-Unis. Il adopte d’ailleurs aisément les principes du président américain : « Je suis un admirateur du projet de Trump. Il veut une Amérique grande, moi je veux un Brésil grand ».

Supporters Of Jair Bolsonaro Demonstrate In Sao Paulo

Dans les rues, les soutiens de Bolsonaro brandissent fièrement les couleurs auriverdes. (AFP)

Autre point sur lequel on peut comparer les deux hommes politiques, le rejet des médias traditionnels. À l’instar de Donald Trump, avec des médias américains comme le New York Times, CNN ou CBS, Jair Bolsonaro encourage au boycott de grands médias d’information brésiliens comme Globo, (l’équivalent en terme d’audimat de France Télévisions au Brésil). Une journaliste de l’AFP, interrogée par Quotidien, a révélé que Globo était désigné comme un “ennemi du peuple” et ne peut plus exercer librement dans des manifestations, dans lesquelles ses journalistes se font systématiquement exclure au cri du slogan “Globo Poubelle !”. Le favori au second tour de l’élection présidentielle s’exprime quasiment uniquement sur ses réseaux sociaux, notamment sur Facebook Live et sur Twitter, comme Donald Trump.

Des soutiens de choix

Jair Bolsonaro bénéficie d’un énorme soutien de la part des évangélistes. Parmis ses soutiens on compte Silas Malafaia, pasteur évangélique le plus influent de cette communauté avec plus d’1,3 millions d’abonnés sur Twitter. Il est l’auteur d’une vidéo devenue virale. Elle montre Bolsonaro sur son lit d’hôpital, avec ses 35 points de sutures au niveau de l’abdomen, après avoir survécu à une tentative d’assassinat. Silas Malafaia a fortement contribué à la construction du mythe Bolsonaro. “Cet homme n’est pas mort car Dieu l’a voulu”, lance-t-il à la fin de cette vidéo. Soutenu par les évangélistes, une branche de la religion chrétienne très populaire au Brésil, Jair Bolsonaro a su rassembler les fidèles de la religion des exclus selon Lamia Oualalou, correspondante pour plusieurs médias français au Brésil. Les évangélistes placent “Dieu au-dessus de tous” et sont très attachés aux valeurs chrétiennes de la famille. Une idéologie qui colle avec les idéaux conservateurs de Jair Bolsonaro. L’évangélisme s’est imposé auprès des brésiliens les plus défavorisés, abandonnés par le système depuis bien longtemps. Hostiles aux valeurs “universelles” de gauche, les évangélistes sont proches de la droite dure défendue par le candidat.

Jair Bolsonaro peut aussi compter sur le soutien de plusieurs ancien footballeurs. Et au Brésil, le football est considéré une véritable religion. Le sport du ballon rond a toujours eu un rôle sociétal important au Brésil. En témoigne la démocratie corinthiane, un mouvement des années 80 qui a lutté contre la dictature militaire, avec succès. Trente ans plus tard, à l’heure d’une élection qui peut bouleverser l’histoire du pays, de nombreux footballeurs se sont exprimés, principalement en faveur de Jair Bolsonaro. Ronaldinho, véritable star star du ballon rond, a fièrement affiché son soutien à Jair Bolsonaro sur son compte twitter. L’ancien Parisien pose avec un maillot de la Seleçao floqué du numéro 17, le code de Bolsonaro sur les urnes électroniques brésiliennes. Il écrit comme message à ses 18 millions de followers : “Pour un brésil meilleur, je désire la paix, la sécurité et quelqu’un qui nous redonne de la joie. J’ai choisi de vivre au Brésil, et je veux un meilleur Brésil pour tous !”

D’autres de ses compatriotes ont apporté leur soutien au candidat Bolsonaro, comme Rivaldo, Cafu ou Lucas Moura. De l’autre côté, rares sont ceux qui ont osé critiquer le partisan du PSL. En tête de file de ces opposants, Juninho, ancienne gloire de Lyon, qui a été formée à Recife, club qui appartenait alors au créateur du PSL.  Dans une interview pour le quotidien El Pais, le joueur a déploré certains discours de Jair Bolsonaro. Il s’est dit contre la violence, que prône le candidat.

Bastien Blandin et Arno Tarrini