Les filles du soleil : un combat presque remporté

La vie des combattantes kurdes enfin sur grand écran. Un défi relevé par Eva Husson malgré quelques erreurs de parcours. La réalisatrice française signe son deuxième film avec Les filles du Soleil. Sorti en salle le 21 novembre.

Le synopsis

Au Nord du Kurdistan, Bahar, cheffe de file du bataillon des Filles du Soleil, mène ses combattantes vers la libération de leur pays. Les combats sont aussi pour elle l’occasion de partir à la recherche de son fils, enlevé par les hommes de Daesh pour en faire un enfant soldat. Mathilde H., reporter de guerre française, elle, couvre le conflit et intègre leurs rangs afin de raconter le quotidien de ces femmes. Les combattantes, anciennes captives sexuelles des membres de l’El partent chaque jour au front pour la nouvelle ère de la femme, la vie, la liberté. 

La critique 

Une journaliste meurtrie par les horreurs de la guerre retrouve foi en la vie parmi ces groupes de femmes fortes, incarnées par l’actrice Golshifteh Farahani. Son personnage, Bahar, est la figure de proue du bataillon, et le spectateur suit l’intrigue à travers son histoire retracée en flash backs qui s’intègrent parfaitement au récit. L’émotion perçue dans son regard touche le spectateur dès les premières minutes du film. Ce personnage à la fois solide et écorché, transporte le public au cœur des combats.

Au contraire, Emmanuelle Bercot interprète moins bien son rôle de Mathilde H. On est face à un personnage dont on ne comprend pas bien l’intérêt mis à part son rôle d’intermédiaire entre le public et Bahar. Son visage reste très fermé et sans expression. Il est plus difficile de s’attacher à elle, malgré son passé marqué. Ses interrogations envers Bahar se suivent presque toujours par des flash back, utiles aux spectateurs, et plutôt bien placés dans l’intrigue, mais ne laisse pas beaucoup de jeu à l’actrice. Elle termine malgré tout cette oeuvre cinématographique avec un monologue émouvant. La bande originale, composée par Morgan Kibby, est un réel point positif. Réalisée avec un orchestre, elle ajoute une ambiance et du stress lors des scènes de combat. Les lieux de tournage ont également bien été choisis. Filmé dans les montagnes de Géorgie, les paysages sont réalistes et représentatifs des zones de guerre réelles. Cependant le contexte du conflit n’est résumé qu’en deux phrases qui défilent au début du film, ce qui ne permet pas au spectateur d’entrer suffisamment dans l’histoire du conflit et de comprendre son origine et ses enjeux. La langue arabe qui devrait dominer l’œuvre reste reléguée au second plan pour laisser place au français, une décision sûrement stratégique car plus pratique pour un public francophone. Ce choix altère tout de même l’authenticité des dialogues.

Au niveau technique, le film est bien rythmé, les différents plans permettent au spectateur d’être immergé dans l’histoire au point d’éprouver l’angoisse du front et de vivre l’action. Pourtant le sujet est compliqué à traiter sans tomber dans un récapitulatif plat des faits, mais la réalisatrice rend cela haletant. L’esthétique du film ne laisse rien à redire, le spectateur reste aussi subjugué devant les scènes de combat que devant les moments banals du quotidien de ces femmes qui se comportent comme une famille.

Certains passages sont durs à regarder mais reflètent une triste réalité, celles des violences subies par les femmes civiles au milieu de ces conflits armés, des viols de guerre, de toutes ces captives réduites en esclaves domestiques et sexuelles. Les prénoms et nom des lieux ont été changés puisque des éléments sont inspirés de faits réels, qui font froid dans le dos. La souffrance endurée par les personnages éveille les consciences sur ces conflits qui paraissent parfois complexes et lointains. Les femmes, le sujet central de ce long-métrage, sont dépeintes en véritables guerrières, fortes, indépendantes, solidaires et prêtes à tout. Un manifeste féministe très bien mené qui s’achève par cette phrase : “Ce film est dédié à toutes les femmes qui se battent, celles qui témoignent, les oubliées de l’Histoire et celles qui la forgent”.

Ana Michelot

Aurore Coulon