Pro-Ana : un idéal de maigreur inquiétant et persistant

Développé sur Internet, le mouvement pro-Ana considère que l’anorexie n’est pas une maladie mais un mode de vie. Les jeunes filles qui participent à ce mouvement mettent quotidiennement leur vie en danger pour poursuivre leur idéal : la maigreur.

Maigrir pour être belle. C’est l’objectif des pro-anorexiques. Apparu en 2001 aux Etats- Unis, le mouvement pro-Ana a été créé dans le but de contrer les sites venant en aide aux anorexiques. Lui, prône un régime alimentaire strict. Les pro-Ana refusent de se considérer comme malade. L’anorexie devient un sujet, un point commun sur lequel les jeunes filles peuvent échanger exclusivement sur internet, grâce aux blogs, et aux réseaux sociaux. Les membres du mouvement créent ainsi une sorte de communauté à laquelle se raccrocher et s’enfermer. En 2013, 600 sites pro-Ana étaient recensés.

“Ana” prétend être la seule amie des anorexiques. Elle s’exprime à travers des lettres, envoyées aux nouvelles arrivantes dans le mouvement. Ces différentes lettres sont rédigées par d’anciennes adhérentes et sont diffusées à travers les blogs. Ces messages ne sont pas postés pour redonner confiance aux jeunes filles mais plutôt destinés à leur indiquer l’anorexie comme seule issue possible à leurs problèmes. Les lettres sont extrêmement agressives et prouvent bien que la maladie n’est pas sans danger. Cependant, pour elles, ces risques sont nécessaires pour avoir un corps et une vie parfaite.

La perfection un objectif au quotidien

Etre une pro-Ana, c’est désirer à un idéal de beauté. « Mon objectif ? devenir parfaite, même si la perfection n’existe pas, j’essaierai vraiment de m’en approcher ! », peut-on lire sur l’un des blogs. Toutes les aficionadas disent ne plus pouvoir supporter leur corps, vouloir devenir maigre pour échapper à leur vie actuelle. Leur perte de poids se divise en plusieurs objectifs qu’elles se fixent elles-mêmes. “Mon 1er objectif: atteindre les 42kg. Mon 2e objectif: atteindre les 40 kg. Mon 3e objectif: atteindre les 38 kg. Après on verra bien…” se fixe l’une d’entre elles. Pour les atteindre elles repoussent chaque jour leurs limites. Pour cela la communauté se donne des conseils que l’on peut retrouver en liste sur les blogs. Ainsi manger des glaçons ou manger de la nourriture épicé rentrent dans leurs habitudes de vie. Les calories deviennent leur obsession au point d’en faire un relevé quotidien. Une de ces jeunes filles confie “la plupart des filles ne mangent rien du tout et c’est mauvais. Personnellement je suis à un repas par jour”. Comme pour s’assurer de leur maigreur, les pro-Ana relèvent des défis, inquiétant, circulant sur les réseaux sociaux. Tous développés entre 2013 et 2016, ils incitent à la minceur. #Thigh gap, #A4waist, #bikinibridge, #CollarboneChallenge et #bellybuttonchallenge : tous témoignent de la maigreur des participants.

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Ces selfies de la maigreur sont partagés et consultables par beaucoup. L’image est centrale chez les Pro-Ana. Elles veillent à l’image qu’elles renvoient mais surtout s’inspirent des photographies et publicités qui les entourent. En effet, chaque blog contient une rubrique “thinspirations”. A l’intérieur, des photos d’inconnus ou de mannequins au corps auquel elles aspirent. L’image est utilisée comme outil de propagande par le mouvement. Chez les anorexiques, la représentation des formes du corps reste trouble. Leur perception d’elles mêmes et du corps en général est complètement déréglée, au point d’entrer dans un rapport de force puis petit à petit dans un processus d’auto-destruction. 

Un désir d’appartenance

Entrer dans le mouvement, c’est entrer dans une communauté basée sur “l’entraide”. Contactée sur les réseaux sociaux, une membre du groupe reconnaît que les conseils donnés entre filles peuvent inciter à la perte de poids ou parfois à la guérison. Beaucoup affichent sur les réseaux sociaux leur appartenance au groupe, par fierté, grâce au terme Pro-Ana dans leur description. Pour elle, être pro-anorexique, c’est faire partie d’un groupe, comme d’autres font partie d’une communauté de fans. Il y a un réel désir d’appartenance, qui peut parfois combler la solitude. Pourtant une jeune fille anorexique nous avoue “c’est une communauté malsaine, mais qui peut aider les personnes à se sentir eux-mêmes”. Les Pro-Ana se reconnaissent en dehors des réseaux grâce à un bracelet rouge. Toujours avec elles, il leur rappelle leurs objectifs au quotidien.

Modération et censure sur le web

Pour contrer cette mode tendant vers la maigreur extrême, le gouvernement a fait entrer en vigueur le 6 mai 2015, la “loi mannequin”. Les mannequins doivent désormais présenter un certificat médical assurant du bon état de santé. Postérieurement

les photographies retouchées doivent être notifiées de la mention “photographie retouchée”. Du côté des réseaux sociaux, des messages de prévention s’affichent en cas de recherche du #Pro-Ana, notamment sur Instagram avec : “Besoin d’aide? Les publications contenant les mots ou les tags que vous recherchez encouragent souvent à un comportement qui peut nuire ou conduire au décès. Si vous traversez des moments difficiles, nous sommes là pour vous aider”. L’utilisateur a alors le choix de voir les publications, de demander de l’aide ou bien d’annuler sa recherche. Des mesures de prévention utiles alors que 1,5% de la population française est touchée par cette maladie.

En savoir plus : « Anorexie Boulimie, Info Ecoute » : 0810 037 037
Quatre jours par semaine, deux heures par jour, des médecins, des psychologues ou des associations répondent de façon anonyme aux questions des familles.

Marjolaine Baud-Laignier

Aurore Coulon

Ana Michelot