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Midterms aux États-Unis : pas de “vague démocrate”, mais un parti républicain fragilisé
Les citoyens américains étaient appelés aux urnes ce mardi 6 novembre pour les élections de mi-mandat. Au terme d’une campagne électorale particulièrement disputée, le Parti Démocrate a remporté la majorité à la chambre des représentants (223 sièges contre 197), alors que le Parti Républicain conserve sa majorité au Sénat (51 sièges contre 45). Ce scrutin est d’ores et déjà historique, avec une participation record, et de nombreux nouveaux élus issus des minorités.
Avant même la publication des résultats des élections de mi-mandat, le président Donald Trump a qualifié ce scrutin comme un « immense succès ». Pourtant, le parti républicain de Trump a perdu sa majorité à la chambre des représentants (197 sièges contre 223 pour les démocrates), fragilisant son statut, et sa capacité à faire passer des lois. Il a en revanche accru sa majorité au sénat en gagnant 3 sièges supplémentaires. (certains états doivent attendre un second tour le 27 novembre prochain, ce qui fera changer ces chiffres).

La répartition quasi-définitive des sièges à la chambre des représentants (Source AP et BBC)
Le président Trump, qui jouissait jusqu’alors d’une majorité dans les deux chambres, va devoir composer avec les démocrates, majoritaires (de peu) à la chambre des représentants. Mais la cohabitation entre les deux partis semble complexe, dans une Amérique plus divisée que jamais face aux sujets sociétaux comme l’immigration, le port d’arme, et les droits des minorités. Les récents évènements ne risquent pas d’apaiser ce climat permanent de violence. Le 27 octobre dernier, alors que la campagne des midterms touchait à sa fin, 11 personnes ont été tuées dans une synagogue de Pittsburgh. Ce jeudi, au lendemain d’un scrutin qui semblait redonner espoir à une génération qui s’inscrit de plus en plus dans la lutte contre la liberté de circulation des armes à feu, une autre fusillade a fait 13 morts et de nombreux blessés dans un bar californien. Cette tuerie de masse est la 307e depuis le début de l’année. Les États-Unis n’ont donc connu que 4 jours sans tuerie de masse en 2018. (Source : Les décodeurs du Monde)
L’administration Trump fait donc face à un nouveau défi : réussir à contenir ce vent contestataire pour une régulation des armes à feu, alors que l’une des chambres du Congrès n’est plus de son bord politique. La perte de la chambre des représentants fragilise le parti républicain et complique la tâche du président Trump pour la deuxième partie de son mandat. Grâce à cette majorité, les élus du parti démocrate pourront (enfin) avancer dans les investigations sur les différentes affaires judiciaires concernant le 45e président des États-Unis. Ils tenteront de limiter les pouvoirs de Donald Trump, qui bénéficiera d’une marge de manoeuvre plus réduite pour gouverner. En revanche, les démocrates ne déclencheront certainement pas de procédure d’impeachment (destitution du président). Une majorité aux deux chambres étant nécessaire pour tenter de destituer le président, la procédure serait lancée en vain. Pas de “vague bleue” (couleur du parti démocrate) donc, mais une belle remontée que l’on peut considérer comme une victoire pour le parti démocrate, qui ne s’était toujours pas remis de la défaite d’Hillary Clinton en 2016.
Des premières historiques
Ces élections de mi-mandat resteront gravées dans l’histoire des États-Unis. Alors que les invectives du président Trump à l’égard des minorités s’intensifient, de nombreux nouveaux élus issus de celles-ci intègrent le Congrès. Dans la 14e circonscription de New-York, le nouveau visage de la gauche américaine, Alexandra Ocasio-Cortez, 29 ans, est devenue la plus jeune femme élue à la chambre des représentants. D’origine hispanique, elle devient par la même occasion la première femme de couleur à représenter son district. Mais le symbole fort de ce scrutin est la victoire de la candidate démocrate Ilhan Omar, 42 ans. Cette ancienne réfugiée somalienne, musulmane portant le hijab, a été élue dans le Minnesota. Elle deviendra, avec Rashida Tlaib, élue dans le Michigan, la première femme de confession musulmane à entrer au Congrès.
Dans le Colorado, Jared Polis devient le premier sénateur publiquement homosexuel. Et Ayanna Pressley, candidate démocrate dans le 7e district du Massachusetts, est devenue la première femme afro-américaine à obtenir un siège à la chambre des représentants dans cet état. La démocrate Sharice Davids devient quant à elle la première Amérindienne à être élue au Congrès. Enfin, l’Arizona et le Tennessee ont élu les deux premières femmes sénatrices de leur histoire. Pour Abbygail Stoppleworth, étudiante en psychologie à l’université d’Eau Claire dans le Wisconsin et militante démocrate, ce renouvèlement des élus peut être un déclic pour les citoyens américains : “Je pense que les idées progressistes des nouveaux élus sont bonnes pour notre pays et pour les gens. La diversité des personnes élues va enfin envoyer un message : ces personnes, peu importe leurs origines, leur genre, leur sexe ou leur religion, rendent notre pays meilleur par toutes les actions auxquelles ils prennent part.”
Un engagement fort chez les jeunes
Ce scrutin peut déjà devenir un symbole, notamment grâce à une participation très importante pour une élection “intermédiaire”. Cependant, comme le précise Le Point : “Aucun chiffre global n’est disponible faute d’autorité électorale centralisant les données.” Les électeurs et les spécialistes interrogés par les médias ont tous été surpris par l’affluence dans les bureaux de vote.
Abbygail Stoppleworth, jeune militante démocrate dresse le même constat : « J’ai remarqué que beaucoup plus de gens sont allés voter. Je pense qu’avec les élections présidentielles, les gens ont pris conscience que chaque vote compte.” Donald Trump avait en effet remporté bon nombre des “swing-states” de peu ( un swing-state est un état où le vote des citoyens est indécis, et qui peut changer de camp, d’un scrutin à l’autre, pour faire basculer le résultat du vote final.) Ce constat est encore plus présent en ce qui concerne les millenials , les jeunes entre 18 et 25 ans, qui se sont mobilisés, en particulier pour le parti Démocrate : « La jeunesse a jouée un grand rôle dans cette élection. La participation chez les jeunes a atteint un niveau record. (55% des jeunes des jeunes entre 18 et 25 ans prévoyaient d’aller voter en aout dernier). Tous les militants du Parti démocrate qui démarchaient pour leurs candidats étaient des jeunes. C’est essentiel. Pendant la campagne présidentielle, Hillary Clinton pensait être sûre de gagner, alors elle n’a pas tenté de convaincre, elle n’a pas fait de porte à porte. Pour ces élections, le parti démocrate a appris de cette erreur ». Pour cette étudiante, comme pour beaucoup d’autres jeunes militants démocrates, cette élection est de bonne augure pour les échéances à venir, en particulier pour les élections présidentielles de 2020. Les thèmes de l’immigration, des droits des minorités, et de la législation du port d’arme semblent être les enjeux principaux sur lesquels le parti démocrate tentera de rassembler pour empêcher la réélection d’un président républicain.
Arno Tarrini
Valentin Rivollier