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Où en sommes-nous de la glottophobie en France ?
Chantant ou du Nord, breton ou catalan, l’accent et les langues régionales restent la marque de fabrique de certaines personnes en France. Pourtant, l’accent disparaît, et les langues régionales sont de moins en moins parlées. La principale raison, rentrer dans la « norme » française, l’accent neutre. Discrimination, stigmatisation, moquerie, la glottophobie persiste.
Qu’est-ce que la glottophobie ? Selon le sociolinguiste et professeur à l’université de Rennes 2, Philippe Blanchet, la glottophobie se définit comme : « le mépris, la haine, l’agression, le rejet, l’exclusion, de personnes, discrimination négative effectivement ou prétendument fondés sur le fait de considérer incorrectes, inférieures, mauvaises certaines formes linguistiques usitées par ces personnes, en général en focalisant sur les formes linguistiques ». Philippe Blanchet est le premier à donner une définition concrète de ce fait, bien que le terme ne soit pas encore rentré dans le dictionnaire. La glottophobie n’est pas un concept nouveau. En Espagne, en Allemagne ou encore en France, c’est un fléau qui perdure dans le temps, et dans le domaine du travail, notamment le journalisme.
La glottophobie dans le journalisme
Aujourd’hui, en France comme dans plusieurs pays d’Europe, la glottophobie est devenue un fait de société très important. Dans les écoles de journalisme ou dans les médias français, la discrimination des accents peut être constatée. Dans un article de State.fr paru le 8 novembre 2017, de nombreux témoignages affichent la standardisation de l’accent, qui ne doit refléter aucune région, mais être accessible à tout le monde. Il est rare à la radio ou à la télévision d’entendre le fameux « bieng », associé à l’accent sudiste, mais plutôt un « bien », neutre et sans superflu. « Quand je suis arrivée en école de journalisme, on m’a immédiatement fait une remarque sur mon accent. Puis deux, puis trois. On m’a ensuite clairement dit que si je voulais entrer à la télé, j’avais vraiment intérêt de le perdre », témoigne une étudiante en journalisme qui souhaite rester anonyme. On en vient rapidement à penser que les médias de l’audiovisuel sont inaccessibles pour ceux qui souhaitent conserver leur accent. Quand bien même ils réussissent, on n’est pas toujours très tendre avec eux.
Une question d’actualité
« Qu’est-ce que ça veut dire ? ». Aux premiers abords, cette phrase semble correcte et ne pose aucun souci. Pourtant, elle a créé une polémique importante sur l’accent en France. Le 17 octobre dernier, lors d’une interview au Parlement, Jean-Luc Mélenchon, leader de la France Insoumise, s’est moqué de l’accent d’une journaliste toulousaine. Une démarche qui aurait eu pour but de discréditer la journaliste. Faux pas pour cette figure de l’opposition française qui se retrouve dans la tourmente après ces dires. L’information est rapidement relayée dans une majorité de journaux en France. La polémique prend une ampleur importante, et la députée LREM Laetitia Avia s’en saisie pour présenter une proposition de loi à l’assemblé contre les discriminations linguistiques ou « glottophobie ». La députée avouera par la suite ne pas être sûre s’il fallait réellement légiférer sur le sujet, mais s’est félicité que ce « vrai sujet » soit mis en avant. Elle ajoutera au micro de RMC que : « Est-ce qu’on est à un degré de maturité qui permet de légiférer sur cela? Non je ne pense pas, en revanche, notre rôle c’est de poser les premiers jalons d’une discussion ». Pour autant, Leaticia Avia recevra de nombreuses critiques et moqueries des réseaux sociaux et des députés de l’opposition. Les députés de la France Insoumise critique également la réaction de Jean-Luc Méléchon, s’étant simplement laissé aller à sa colère.
Réponse médiatique et réseaux sociaux
En plus des déclarations des hommes politiques qui sont survenues rapidement après la polémique, la presse et les réseaux sociaux se sont intéressés à ce sujet. Les grands médias français ont notamment mis l’accent sur le développement de cette discrimination. Sur les réseaux sociaux aussi les utilisateurs se sont braqués face aux propos de Jean-Luc Mélenchon. Cette glottophobie ne passe pas auprès des internautes. Dans le sondage de popularité Ipsos publié par le journal Le Point, le leader de la France Insoumise a largement chuté, même auprès de ses partisans. Il perd sept points de pourcentage. Aujourd’hui, il ne parvient à avoir 23 % d’avis favorables, soit moins qu’Emmanuel Macron (26 %). Les critiques se sont enchaînées et les détournements ont afflué. Tant bien que mal, Jean-Luc Mélenchon tente de faire passer ses propos comme étant une simple blague, n’ayant aucune visée péjorative. Malgré sa communication, il ne parvient toujours pas à se sortir de cette polémique. Il est aujourd’hui considéré comme « caractériel » ou « colérique ». Ce qui reste sûr aujourd’hui, c’est que la réaction de Jean-Luc Mélenchon a relancé une nouvelle fois encore, ce long débat autour de la glottophobie.
Gwenaëlle Souyri