Rendre le plaisir de la littérature à ceux qui ne peuvent plus lire

À Cannes, l’association Donneurs de voix enregistre tous les mois une centaine de livres audio pour permettre aux déficients visuels d’avoir accès à la littérature.

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Une bénévole trie les livres enregistrés dans la bibliothèque sonore de Cannes. (Crédits : Mathieu Obringer)

Un micro, une voix, quelques heures et un livre. Voilà qui peut surmonter le fossé entre une personne handicapée et la littérature. Les personnes atteintes de cécité sont particulièrement visées. Elles seraient 207 000 dans l’hexagone selon la fédération des Aveugles de France. Les aveugles, mais aussi les autres personnes dépendantes, « toutes les personnes qui ne sont plus physiquement capables de lire ou de tenir un livre » comme l’explique le directeur de l’antenne cannoise de l’association Donneurs de voix, reconnue d’utilité publique.

En moyenne, 15 livres sont enregistrés tous les mois par l’association, soit 180 chaque année. Cela revient à 5 000 heures de travail par an réalisées par la vingtaine de bénévoles pour environ 200 audiolecteurs, qui ne peuvent plus profiter de la littérature à cause de leur handicap, selon le directeur Alain Robert.

 

Une bibliothèque large et variée

Tous les types de livres sont traités par la bibliothèque sonore, des romans aux biographies. Le but est avant tout de faire plaisir aux audiolecteurs. « Une audiolectrice voulait qu’on enregistre les mémoires de son mari décédé. Personne d’autre qu’elle ne l’aurait écouté, mais nous l’avons fait » raconte Alain Robert.

L’association met tout le matériel au service des bénévoles, du livre jusqu’au logiciel. « Ils doivent seulement se procurer un casque équipé d’un micro » explique le président de l’association. Les Donneurs de voix peuvent prendre le temps qu’ils veulent pour enregistrer des livres. Cela peut aller d’une à plusieurs semaines. Ensuite, l’audio est écouté par un autre donneur de voix, qui vérifie le rythme et le timbre de la voix ainsi que les possibles erreurs de lecture. Après cela, l’enregistrement est gravé sur CD ou sur clé USB et transmis à l’audiolecteur.

Si jamais ce dernier ne trouve pas son bonheur parmi l’éventail de choix possibles, il peut toujours se tourner vers la base de données des quelques 114 bibliothèques sonores de France, toutes membres de l’association Donneurs de Voix.

Le reconnaissance d’utilité publique permet aux bénévoles de pouvoir enregistrer les livres presque gratuitement. Ils n’ont pas de droits d’auteur à financer, et ne font pas payer les audiolecteurs pour leur service. Les seuls achats sont consacrés aux casques que doivent se procurer les bénévoles.

 

« Vous êtes mon rayon de soleil »

Danielle Aboukhalil, la vice-présidente de l’association, s’occupe d’accueillir les audiolecteurs à la bibliothèques sonores tous les lundis et samedis après-midi. Elle prend toujours le temps de discuter quelques minutes pour instaurer un climat chaleureux entre les personnes handicapées et les bénévoles. Un plaisir pour elle : « Le fait de rendre servir à ces gens là est toujours un bien être que vous ressentez. »

Le public est plutôt âgé. Il est essentiellement composé de personnes qui ont profité de la lecture pendant leur vie, mais qui ne le peuvent plus pour des raisons de santé. « La cécité vient plutôt tard dans la vie, sauf en cas d’accident. On a des individus de 70, 80, 90 ans et on a aussi trois centenaires ! » précise Danielle Aboukhalil.

Bien qu’elle ne s’occupe que de l’accueil des infirmes, elle a aussi eu des retours positifs de la part des audiolecteurs. « Une dame, inscrite depuis même pas un an, m’a dit « Danielle vous avez changé ma vie » bien qu’elle ne parlait pas que de moi, mais de toute l’association. » Elle raconte aussi qu’une fois, une audiolectrice lui a dit « Vous êtes mon rayon de soleil ».  « Les audiolecteurs sont heureux de pouvoir écouter des personnes qui prêtent leur voix pour ceux qui ne peuvent plus lire par eux-mêmes. »

Mathieu Obringer