« Les invisibles, c’est les minorités qui ne sont pas regardées, que l’on met de côté »

Le film « Les invisibles », qui sortira en salle le 9 janvier, était projeté en avant première lors de la cérémonie d’ouverture des 31èmes Rencontres Cinématographiques de Cannes, et en présence du réalisateur Louis-Julien Petit et d’une des actrices, Corine Masiero. Nous avons pu les rencontrer.

corinne et jean louis .JPG

« Comment peut-on ne pas avoir envie de parler des horreurs qui se passent ? » Corinne Masiero et Louis-Julien Petit lors des rencontres cinématographiques de Cannes. (Crédit : Gaspard Flamand)

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce film ?

Louis-Julien Petit : C’est Claire Lajeunie, qui a réalisé un documentaire qui s’appelle Sur la route des invisibles qui a été diffusé sur France 5. Elle a passé six mois avec des femmes de la rue. Elle est venue avec ce livre et elle m’a dit qu’il y aura peut-être un film derrière. Je me suis alors dit qu’il y avait non seulement un film, mais aussi un vrai moyen de faire de la tragi-comédie. J’ai ensuite passé un an dans des centres d’accueil divers et variés. Et j’ai rencontré les invisibles : celles qui aident les autres mais qui ne sont pas aidées (les travailleuses sociales) ; et les femmes accueillies. Les invisibles, c’est les minorités qui ne sont pas regardées, que l’on met de côté.

Pourquoi avoir choisi la comédie ?

L-J. P. : La comédie, c’était le seul genre qui pouvait faire un lien entre les spectateurs et ce sujet qu’on n’a pas envie de voir. Il y a de l’espoir, de la force. 1h42 dans l’intimité de ces femmes, c’est mieux que tous les regards pincés de dehors. On n’a pas forcément de solution, mais j’ai essayé d’en proposer une cinématographiquement.

Pourquoi avoir fait un film de femmes ?

L-J. P. : C’est l’adaptation d’un documentaire, et Claire Lajeunie avait a suivi les femmes de la rue. Car être une femme à la rue, c’est la double peine. Elles vont dans ces centres car elles ont le droit à un café, une douche, mais elles sont surtout en sécurité. Et ces centres se font de plus en plus rares. On essaie alors de raviver la flamme en montrant ce sujet-là. Il faut qu’il y ait des centres pour femmes, de plus en plus, à Paris ou en Province.

Corinne, pourquoi avez-vous accepté ce rôle ?

Corinne Masiero : Comment peut-on ne pas avoir envie de parler des horreurs qui se passent et qui arrivent à ce paroxysme incroyable ? Aussi, j’ai déjà tourné dans trois films de Julien, on est touchés par les mêmes choses. Quand il m’a parlé de ce projet, ça m’a plu. Après, c’est un choix, moi je ne suis que comédienne. Lui, il a fait un travail de journaliste d’investigation, de réalisateur, de metteur en scène. J’ai eu envie de le faire parce qu’il m’a invité à le faire.

Les actrices qui jouent les SDF sont des actrices non-professionnelles qui ont connu la rue ?

C. M. : On nous pose toujours cette question. Mais qu’est ce que ça change de savoir si elles ont vraiment vécu la rue ? Julien dit toujours : « si on se pose la question, c’est que quelque part, j’ai bien fait mon boulot. » Faites vous une idée là-dessus. En fait, on s’en moque. C’est comme demander si une femme est homosexuelle ou pas. Ce qui est troublant, c’est de se dire que ces femmes ont connu des situations de grande précarité, mais pas plus que d’autres actrices. Chacun a mis son histoire au profit du film. On n’était plus en train de faire un film, on vivait un cataclysme émotionnel vivant. Ce n’est pas de la téléréalité, on s’en fout de savoir qui a fait quoi. Ce qui est intéressant, c’est de voir les réactions des spectateurs.

Propos recueillis par Léna Couffin et Gaspard Flamand