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Les monnaies virtuelles préparent la révolution
Les monnaies virtuelles ou cryptomonnaies, à la valeur très volatile, attisent autant la curiosité que la méfiance. Pourtant, elles pourraient bien être à l’origine de plusieurs bouleversements économiques.
2071. Ce n’est pas la valeur d’un bitcoin, mais le nombre de cryptomonnaies recensées par le site https://coinmarketcap.com … La référence en matière de suivi des cours des cryptos et de leur capitalisation boursière. Évidemment, le célèbre bitcoin arrive en tête avec une capitalisation actuelle de plus de 66 milliards de dollars. Suivent le ripple, puis l’ether, et en quatrième position, le bitcoincash. Toutes ces cryptomonnaies utilisent la technologie de la blockchain (technologie d’ailleurs non réservée aux monnaies virtuelles, des projets existent pour l’industrie, la sécurité ou encore les transports). Pour faire simple, cette blockchain, littéralement enchaînement de blocs, permet de transférer et stocker des informations sans organe de contrôle et ouvre la possibilité d’échanger directement de la valeur, de façon dématérialisée. En quoi est-une révolution ? Les citoyens, mais aussi des associations, des entreprises ou des organisations pourront échanger cette valeur de manière désintermédiée et décentralisée. Comme le résume Raphaël Bloch, journaliste spécialiste crypto aux Echos : « Les cryptomonnaies envisagent un monde avec des monnaies décentralisées et désintermédiées. Aucun organe de contrôle n’exerce de pourvoir sur la crypto, elle appartient à une communauté et aucune banque n’intervient dans le système. Avant de poursuivre, avec la blockchain, on a la certitude de transférer de l’argent sans qu’aucun acteur intermédiaire n’intervienne ».
« Il y a une consolidation du marché »
Les cours des cryptomonnaies ont de quoi faire tourner la tête. Mais comme l’explique Raphaël Bloch, la dynamique sur la dernière décennie reste expansive : « En 2018, les cours ont baissé. On est passé d’une capitalisation globale de 800 milliards de dollars à 200 milliards. Mais 2017 a été une année exceptionnelle. On est passé, en 12 mois, de 1.000 à 20.000 dollars pour le bitcoin. Il y a ce qu’on appelle une consolidation du marché ». C’est-à-dire qu’après une très forte hausse, succède une forte baisse. Un phénomène boursier normal et déjà observé dans l’histoire du bitcoin : après une hausse importante en 2010 et 2013, les années 2011 et 2014 marquèrent un coup d’arrêt pour la première crytpo mondiale. « Sur 10 ans, pour le bitcoin, il y a une très forte hausse », conclut-il. Dans les colonnes des Echos, Joseph Lubin, le cofondateur d’Ethereum (le réseau de l’ether), a même prédit un nouveau « boom » dans l’écosystème des cryptomonnaies.
Une évolution des cours est donc très scrutée. En effet, les cryptomonnaies s’immiscent de plus en plus dans notre quotidien. D’abord avec des particuliers qui tentent d’investir dans des cryptos. À partir de janvier prochain, certains buralistes pourront en France, via la plateforme KeplerK, proposer un service de vente de bitcoins. Une tendance qui devrait s’accroître, à l’ère du paiement dématérialisé et de la carte bancaire. La monnaie physique, billets et pièces, s’utilise de moins en moins, notamment en Europe du nord. Par exemple, en Suède, 80% des achats étaient déjà réalisés sans espèces en 2016. Beaucoup d’économistes estiment que la monnaie fiduciaire va disparaître dans les années à venir.
Des initiatives étatiques
Les citoyens ne sont évidemment pas les seuls à s’intéresser à ces monnaies virtuelles, qui transitent entre comptes électroniques. Le Venezuela a lancé sa propre cryptomonnaie : « Le petro. Mais on n’a pas de chiffres honnêtes. C’est une crypto indexée sur les réserves pétrolières du pays », confie Raphaël Bloch, au sujet de cette innovation vénézuélienne, lancée en début d’année. L’objectif pour le pays est d’échapper à l’hyperinflation, pour lever des fonds et échapper aux sanctions internationales. Mais cette devise cryptographique n’échappe pas à la corruption endémique à Caracas. Aussi, la liste des pays qui réfléchissent à une crypto étatique s’allonge : Chine, Russie, Singapour, Suisse, Pays Baltes, … Là aussi une future révolution ? Un monde où chaque pays possèderait sa cryptomonnaie ? Nous n’en sommes pas encore là.
Alerte aux voyous, vraiment ?
La volatilité des cours ne représente pas le seul motif d’inquiétude sur les cryptomonnaies. L’un des arguments des détracteurs du bitcoin et consorts est d’affirmer que les réseaux des monnaies virtuelles seraient utilisés à des fins illégales, par des criminels, mais également par les réseaux terroristes. Sous couvert d’anonymat, les malfaiteurs en profiteraient pour dissimuler leurs fonds ou réaliser des transactions. « On a associé le bitcoin a tous les maux de la planète », analyse Raphaël Bloch. Avant de rappeler : « Le principal moyen de blanchiment reste le billet de 100 dollars. Mais dès qu’on a un système qui permet d’échanger de la valeur, il est utilisé par les bandits. » L’écosystème des cryptos ne serait-elle donc pas la prochaine figure de proue en matière de blanchiment d’argent ? L’anonymat des transactions dans la blockchain peut quand même inquiéter. « Les montants blanchis dans le cadre des principaux trafics sont beaucoup plus importants quand on parle de l’euro et du dollar avec les cryptomonnaies », affirme aussi le journaliste crypto.
Alors quel arsenal législatif pour contrer les potentielles dérives ? L’absence de textes freine encore l’essor des cryptomonnaies. Cependant, le processus Know Your Customer (KYC), c’est-à-dire « connaître son client », pour lutter contre le blanchiment d’argent, la fraude financière ou encore le financement du terrorisme, est mis en place par certaines plateformes d’achats de cryptomonnaies. Ce dispositif régit surtout, actuellement, les banques, pour qu’elles soient en mesure d’expliquer d’où provient tel ou tel fonds déposé par leurs clients. « Les acteurs crypto, par exemple les plateformes, font la même chose. Si vous voulez acheter sur une plateforme, il faut fournir certaines informations, explique Raphaël Bloch, avant de nuancer, Ce n’est pas une obligation. Des acteurs l’ont mis en place, d’autres non. » Encore vacillantes d’un point de vue réglementaire, les cryptomonnaies n’ont en tous cas pas fini de révolutionner l’économie et nos habitudes commerciales. L’achat du futur ressemble donc de plus en plus à un service demandé sur une plateforme numérique et réglé avec une cryptomonnaie.
Guillaume Laclotre