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Marseille : À 1 an et demi des municipales, où en est-on ?
Les élections municipales ont lieu dans un peu moins de 2 ans, mais, dans certaines villes, la bataille a déjà commencé. C’est le cas à Marseille, une des villes les plus convoitées de France. Etat des lieux de la politique dans la cité phocéenne.

Bruno Gilles (à gauche) et Martine Vassal font partie des favoris à la succession de Jean-Claude Gaudin (Crédit photo : La Marseillaise)
Dans un an et demi se tiendront les élections municipales. Et, dans les grandes villes, la course à la mairie est déjà lancée, comme à Marseille, où la guerre entre Jean-Luc Mélenchon, le Front National et les héritiers de Jean-Claude Gaudin bat son plein.
Depuis que Jean-Claude Gaudin, maire (LR) de Marseille depuis 1995, a déclaré, en janvier dernier, ne pas se représenter aux prochaines élections municipales, les ambitions politique s’affirment dans chaque camp. À commencer par Les Républicains, qui cherchent leur nouveau représentant afin de garder la mairie. Et les candidats sont nombreux. Le seul à s’être officiellement déclaré candidat est Bruno Gilles. Le sénateur, ancien maire des 4ème et 5ème arrondissements, a officialisé dans un communiqué le 13 septembre dernier son envie de prendre les commandes de la cité phocéennes : « Je souhaite lancer un large mouvement et porter les ambitions de Marseille dans les années à venir ». Il a même reçu le soutien de l’actuel pensionnaire de l’hôtel de ville, qui juge sa candidature « légitime », et assure via un communiqué qu’il le « soutiendr[a] dans sa démarche ». Cette candidature intervient moins d’un an après la transplantation cardiaque qu’à dû subir Bruno Gilles, en décembre dernier. Un épisode très difficile, dont il s’est sorti indemne, et qu’il observe désormais avec du recul : « J’ai forgé, à ce moment-là, ma détermination à m’impliquer autrement. Cela m’a donné le temps d’imaginer le Marseille de demain. »
Une droite en apparence unie
Mais, même si les cadors de la droite marseillaise l’ont presque tous soutenu publiquement, certains noms s’activent en coulisses et nourrissent eux-aussi des ambitions comme Martine Vassal. La présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, récemment élu à la tête de la métropole Aix-Marseille, est une figure importante de la politique marseillaise. Elle serait même en tête des sondages, selon une enquête La Tribune-Elabe-Europe 1, avec 34% des voix si elle était investie par les républicains, contre seulement 27% si c’était Renaud Muselier. L’ancien secrétaire d’Etat aux affaires étrangères est probablement le plus médiatisé des 3 potentiels successeurs à Jean-Claude Gaudin. Le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côtes d’Azur depuis un an et demi fait beaucoup parler de lui. D’abord très proche du maire de Marseille à ses débuts en politique (il a été son premier adjoint de 1995 à 2008), il est désormais très critique envers son ancien mentor. Il profite de chaque sortie médiatique, ou presque, pour l’attaquer publiquement, comme sur Europe 1 il y’a quelques jours : « Le maire bâtisseur devient aujourd’hui maire fossoyeur ». Une pique en référence au drame survenu début novembre, un effondrement d’immeuble à la rue d’Aubagne causant la mort de 8 personnes. Depuis, Jean-Claude Gaudin et la majorité sont dans la tourmente, et leur légitimité est remise en cause. Certains élus vont même jusqu’à demander sa démission.
C’est le cas de Saïd Ahamada. « À sa place, j’aurais démissionné » a déclaré le député LREM de la 7ème circonscription des Bouches-du-Rhône, qui pourrait bien être le représentant de la majorité présidentielle lors des municipales dans la cité phocéenne. Parmi les quatre députés LREM élus en juin 2017, il est le plus actif, et il a su s’imposer comme le leader naturel de son parti dans le secteur. Au point d’expédier Corinne Versini, pourtant référente du mouvement en Provence, mais dont le poids politique a été affaibli lors de sa défaite aux législatives. Elle est d’ailleurs absente, que ce soit sur le terrain ou dans les médias, au contraire de son acolyte qui est de plus en plus présent. Mais, que ce soit l’un ou l’autre, ils ne sont que très peu connus. C’est pourquoi le parti d’Emmanuel Macron cherchait un temps à investir Christophe Castaner dans la cité phocéenne. Le fidèle allié du chef de l’Etat a toujours montré son intérêt pour Marseille, sans toutefois afficher ses ambitions. « Marseille ne se refuse jamais ! Mon nom circule pour être candidat là-bas, mais ça n’est pas mon actualité » disait-il à Thierry Ardisson en janvier dernier. Depuis, l’ancien maire de Forcalquier est devenu ministre de l’intérieur, et avec cette nomination il a sûrement abandonné ses ambitions municipales.

Et si la majorité présidentielle serait représentée à Marseille par Saïd Ahamada ? (Crédit photo : Zinfos974)
La gauche dispersée
Du côté de la France Insoumise (LFI), il n’y a aucun problème de candidat. Le leader du mouvement Jean-Luc Mélenchon, très impliqué dans la vie politique marseillaise depuis plus d’un an, semble lui aussi lorgner sur l’hôtel de ville. Même s’il n’a jamais annoncé clairement son ambition de devenir maire de Marseille, il prépare peu à peu le terrain pour. Le député de la 4ème circonscription des Bouches-du-Rhône ne manque pas de se montrer dans la cité provençale dès qu’il en a l’occasion. Une ville où il a une solide base d’électeurs, comme l’a montré les 70.000 spectateurs de son grand meeting présidentiel sur le vieux port, en avril 2017. Mais si ses admirateurs sont nombreux, ses détracteurs le sont tout autant. Le fait qu’il soit « parachuté », c’est-à-dire qu’il ne vienne pas de la région, y est pour quelque chose. Les principales critiques viennent du fait qu’il ne connaît pas réellement la ville et ses enjeux. De plus, l’ancien socialiste est désormais lui aussi dans la tourmente, depuis les perquisitions qui ont été effectuées à son domicile et au siège de son parti, lorsque son attitude virulente face aux autorités a été critiquée. Mais la polémique qui passe mal à Marseille, c’est lorsque Jean-Luc Mélenchon s’est moqué de l’accent du sud d’une journaliste de France 3, en l’imitant, puis en demandant aux autres journalistes présents « Quelqu’un a-t-il une question formulée en français ? ». Les élus marseillais n’ont pas manqué de réagir, à l’image de Renaud Muselier : « Monsieur Mélenchon si l’accent chantant du Sud et de la Méditerranée vous semble méprisable, vous n’avez rien à faire à Marseille ! ».

Jean-Luc Mélenchon, ici lors de son meeting sur le Vieux-Port, s’implique fortement dans la vie politique marseillaise depuis 1 an (Crédit photo : Le Nouvel Obs)
Mais LFI a un autre « problème » à gérer : le parti communiste français (PCF). Les relations entre les deux partis ont toujours été complexes, entre alliances et désaccord. Les législatives de 2017 à Marseille illustrent bien cette situation. Dans la deuxième circonscription, le PCF a décidé de n’envoyer aucun candidat face à Jean-Luc Mélenchon, tandis que dans d’autres circonscriptions, comme la septième où se présentait leur chef de file Jean-Marc Coppola, les deux partis s’affrontaient. À ce jour, rien n’a encore été décidé en vue des municipales, ce qui ne saurait tarder s’ils veulent éviter la mésentente des dernières élections.
À gauche, c’est toujours le flou au parti socialiste. Après la débâcle des élections présidentielles de 2017, le parti historique de la gauche est en grande difficulté, entre départs et problèmes financiers. À Marseille aussi le PS connaît des difficultés, après le retrait de leur figure de proue Patrick Mennucci, après sa défaite aux législatives. Mais ce dernier, avec son statut de cador de la gauche, garde toujours un œil sur la politique marseillaise. Et a son avis sur la stratégie à adopter pour les municipales : « La candidate du PS sera Samia Ghali, je n’ai pas de doute là-dessus. J’ai envie de gagner. Elle est sénatrice et elle a plutôt une bonne image. » C’est également l’avis de l’ancien député Henri Jibrayel : « Oui, si elle est candidate, je la soutiendrai aujourd’hui et demain. » Car, oui, Samia Ghali sera très probablement candidate. Depuis sa défaite aux primaires socialistes pour les dernières municipales, la sénatrice est devenue une figure importante de la politique marseillaise dans les médias nationaux. « Je n’exclus pas du tout d’être candidate à la ville de Marseille » disait-elle sur RMC en janvier. La sénatrice est toujours très active sur le terrain, comme à son habitude. Mais, sous quelle étiquète se présentera-elle ? Le problème est là. Si elle a été fidèle au parti socialiste durant toute sa carrière, il se pourrait qu’elle change de cap en vue de 2020. « Si demain j’étais candidate, je considère que, aujourd’hui, un parti ne peut gérer à lui tout seul une ville. Il y a une ouverture nécessaire à la société civile » expliquait Samia Ghali au journal 20 Minutes. Une ouverture vers une alliance également ? Plusieurs hypothèses ont été lancées, dont une alliance avec Renaud Muselier. Une union que la principale intéressée n’écarte pas du tout : « Avec Renaud Muselier, nous discutons. On se voit régulièrement. On a pas mal de points en commun, une vision commune par rapport à Marseille. On se retrouve à l’essentiel sur ce qui concerne la ville de Marseille, ce qui est le principe d’une candidature… » À voir ce qu’elle décidera.

Samia Ghali pourrait être elle aussi candidate. Mais avec qui ? (Crédit photo : Marsactu)
Le Rassemblement National, parti le mieux organisé
Enfin, un homme est déjà candidat depuis janvier : Stéphane Ravier. Le sénateur, présent depuis 1995, est la figure de proue du Rassemblement National (RN) dans la cité phocéenne. Il est aussi le symbole de la percée de l’extrême droite dans la région, notamment lors des dernières élections municipales, où le FN (ancien nom du Rassemblement National) avait obtenu 23% des suffrages, soit plus que le PS. Stéphane Ravier avait surtout marqué les esprits pour avoir remporté la mairie des 13ème et 14ème arrondissements, pourtant historiquement ancré à gauche. Il a d’ores et déjà lancé sa campagne, fin septembre, afin de prendre une avance considérable sur ses candidats. Installé sur le Vieux-Port lors de son meeting de début de campagne, il a annoncé clairement la couleur : « En se posant tout près de la mairie, on montre qu’on ne s’interdit rien. C’est un signal. » Parmi tous les politiciens énoncés précédemment, le nationaliste est le seul à être fixé dans ses ambitions politiques, et à ne souffrir d’aucune concurrence dans son parti. Ce qui pourrait pousser quelques partis à faire des alliances, afin d’éviter que le Rassemblement National ne prenne le contrôle de la deuxième ville de France.
C’est une bataille compliquée qui s’annonce pour devenir le nouvel édile de la cité phocéenne. À un an et demi du scrutin, c’est toujours le flou. L’opposition arrivera-t-elle à mettre fin à 25 ans de règne de la droite ? Les républicains, quel que soit leur candidat, arrivent largement en tête des sondages, devant Jean-Luc Mélenchon et Stéphane Ravier. Rendez-vous en 2020 pour connaître le dénouement d’un feuilleton qui n’en est qu’à son commencement.
Hugo Brun