Pauvreté, mariage infantile… Le football comme rempart pour les jeunes filles indiennes #Laureus19

Monaco accueille dimanche 17 et lundi 18 février la cérémonie des Laureus World Sport Awards. L’événement récompense les meilleures performances et les faits marquants de l’année sportive. Premier trophée décerné, le prix « Laureus Sport for Good » a été remis cet après-midi à une ONG indienne, Yuwa. Elle propose des cours et des séances de football à de jeunes indiennes.

Elles expriment leur gratitude et leur fierté dans un anglais impeccable. Membres de la Yuwa School, Hema, Nita, Radha et Konika viennent de recevoir le prix « Laureus Sport for Good », remis par l’ancien capitaine des All Blacks Sean Fitzpatrick. Et ni l’imposante carrure du rugbyman retraité, ni le crépitement des flashs ne semble impressionner les quatre jeunes filles, sourire jusqu’aux oreilles et petite statuette argentée en main.


« Dans mon village, de nombreuses femmes sont analphabètes, témoigne Hema. Elles sont battues par leurs maris et leurs fils. Mais ces femmes ne disent jamais rien à ce sujet (…) Je veux leur faire comprendre pourquoi il est important qu’elles fassent entendre leurs voix quand des choses comme ça se passent ». Les explications de l’adolescente indienne émeuvent l’assemblée, tout comme la vidéo présentant l’initiative portée par l’ONG Yuwa.

Combattre les inégalités filles-garçons

Originaires de la province indienne de Jharkhand, en proie à la pauvreté, l’analphabétisme et au mariage infantile, le quatuor affublé de hoodies « Yuwa School » prend le micro sans complexe. Yuwa est une ONG fondée en 2009 par un Américain, Franz Gastler, alors marqué par les disparités de style de vie entre filles et garçons.

En 2015, l’initiative est poussée jusqu’à la création d’une école, la Yuwa School. Elle offre aux jeunes indiennes de Jharkhand la possibilité d’apprendre l’anglais et d’autres matières. À terme, l’objectif est de permettre à ces filles de rejoindre de prestigieuses universités en Inde ou à l’étranger. En soi, d’offrir à ces adolescentes les mêmes possibilités qu’aux garçons.

En parallèle de ces cours, des séances de football sont également mises en place tous les jours, encadrées à 90 % par des coachs féminines. Aujourd’hui, plus de 300 habitantes de Jharkhand, âgées de 6 à 18 ans, en bénéficient. Mais alors, pourquoi avoir choisi le football pour vaincre les maux qui rongent cette province indienne ? « Parce que c’est ce que voulaient les filles », répond du tac-au-tac l’une des lauréates.

« Découvrir leur identité et s’affirmer »

À la Yuwa School, les cours sont basés sur la discussion. Dans des salles de classes décorées et peinturlurées par les élèves, les professeurs donnent vie à des ateliers d’anglais, de lecture et d’écriture. La soif d’apprendre de ces jeunes indiennes semble sans fin, tout comme leur envie de jouer au football : les séances se déroulent avant les cours, de 5h30 à 7 heures du matin, ce qui pousse celles qui habitent le plus loin à prendre le bus dès 4 heures du matin.

Dans une province où de nombreuses jeunes filles se marient encore entre 13 et 15 ans, sacrifier une ou deux heures de sommeil importe peu, tant qu’elles peuvent fièrement porter la tunique verte et blanche de la Yuwa School. Une motivation et une solidarité saluées par le parterre de stars présent lors de la cérémonie de remise du prix « Laureus Sport for Good » : « On a l’habitude de dire que le football est un sport collectif joué par 11 égoïstes mais elles jouent en équipe et sont très motivées », souriait Arsène Wenger, l’illustre manager d’Arsenal, après avoir échangé quelques ballons avec les jeunes pensionnaires de la Yuwa school le matin même.

Les quatre lauréates (en bleu) du prix « Laureus Sport for Good », entourées par Sean Fitzpatrick, Missy Franklin, Kosovare Asslani, Arsène Wenger et Nawal El Moutawakel. (photo : GT)

L’établissement constitue une sorte d' »école de la vie » pour ces enfants et adolescentes. Grâce aux cours et aux séances de sport, elles apprennent à « découvrir leur identité et à s’affirmer », résume le site internet de l’ONG. Beaucoup d’entre elles découvrent par ailleurs qu’une autre vie que celle de femme au foyer est possible. « Quand on voit des initiatives comme la vôtre, on se rend compte que ce sont vous les véritables exemples à suivre, qui permettent de faire avancer notre sport et de le promouvoir », félicitait la footballeuse suédoise Kosovare Asllani, passée par le Paris-Saint-Germain ou encore Manchester City. Peut-être verra-t-elle bientôt une pensionnaire de la Yuwa School lui succéder sur les pelouses des stades les plus prestigieux d’Europe et du monde…

Loris Biondi
Lucas Philippe
Guillaume Truillet