“Je me suis toujours sentie fille”, portrait d’une jeune femme transgenre

A 25 ans, Genetix est une femme transgenre, une identité qui n’a pas toujours été facile à vivre et à faire accepter aux autres. Elle nous livre les étapes de son long chemin vers l’éclosion.

Selfie de Genetix, pris en février 2019.

A sa demande, celle qui fait l’objet de ce portrait ne sera nommée que par son pseudo sur les réseaux sociaux comme Twitter, ou Youtube où elle tient une chaîne : Genetix. Ce pseudo c’est un jeu de mots qui vient du mot « Genetics », génétique en anglais mais réécrit de façon originale, qui lui évoque « une espèce de druidesse de la bioinformatique ». La bioinformatique c’est le domaine dans lequel elle a fait ses études et c’est aujourd’hui son métier. A 25 ans, Genetix est bioinformaticienne dans un laboratoire depuis août 2017, un travail qui rassemble deux de ses passions : la science et l’informatique. Depuis 4 ans, Genetix accepte qui elle est vraiment : une femme transgenre et est enfin épanouie. Mais ça n’a pas toujours été le cas… Le parcours vers l’acceptation de cette transidentité a été long et semé d’embûches. Malgré des périodes très difficiles, la jeune femme a réussi à s’assumer.

Une enfance et une adolescence douloureuses

Genetix grandit à Besançon, entourée d’un père violent qui passe ses nerfs sur son enfant et d’une mère passive qui ferme les yeux sur les excès de colère de son mari. “Mon père me frappait que ce soit pour se défouler par rapport à ses propres soucis ou parce que je n’étais pas un “vrai mec””, raconte-t-elle. Enfant Genetix est très seule et se réfugie donc dans la lecture, son échappatoire. “Je n’avais pas d’amis et je n’aimais pas le sport, bref une grande déception pour mon père qui répondait par des coups”, explique la jeune femme. En grandissant, les choses ne s’améliorent pas et la violence s’amplifie dans la cour d’école puis les couloirs du collège. C’est à cet âge, vers 11-12 ans que le sentiment de ne pas être un garçon mais une fille accroît , une sensation qu’elle essaye d’exprimer et qui devient petit à petit une souffrance. “Je me suis toujours sentie fille, mais personne n’écoutait”, déclare Genetix. A partir de la classe de 5ème, elle tente dire haut et fort qu’elle est une fille, essaye de se faire comprendre avec ses mots, mais une fois encore la réponse de son père ne sera que de gros hématomes sur sa peau et celle de sa mère, le silence habituel. “Mon père en plus de ses coups,a ancré en moi que je ne pouvais être qu’un garçon et que ce que je ressentais était une perversion”, décrit-elle en poursuivant “Je n’avais personne à qui me confier, dans ma famille il n’y avait aucune personne LGBTI à qui je pouvais parler et je n’ai jamais osé en parler sur internet”. Le quotidien dans un foyer où les stéréotypes de genres sont très présents devient difficile voire invivable pour elle, Genetix vit cette réaction comme une terrible injustice, qui l’empêche d’être qui elle est vraiment. “Je ne comprenais pas pourquoi ma soeur avait le droit d’apprendre à cuisiner et pas moi”, ajoute-t-elle.

Sa petite soeur, c’est aujourd’hui la seule personne avec qui Genetix est toujours en contact, par sms. Pour ce qui est de ses parents, elle n’a plus aucun contact avec eux et affirme ne jamais plus vouloir en avoir avec son père.

“A 17 ans, j’avais enterré ma transidentité, j’essayais de faire comme si j’étais un mec”

Genetix continue d’encaisser la violence de son père et entre en première année à la faculté  de biologie de Besançon, là-bas, elle se fait quelques amis. “C’était des amis cools mais ils ne se rendaient pas compte à quel point je souffrais, j’enterrais mon genre, je niais mon identité, c’est douloureux mais j’avais presque fini par m’oublier”, avoue-t-elle. La jeune femme sombre dans la mutilation et fait face une fois encore à la violence de son père lorsque celui-ci remarque ses blessures. Après cela, elle décide de ne plus parler de ce qu’elle ressent et de partir vivre à Rennes pour sa troisième année de licence. En vérité, elle fuit ses parents, quitte à se retrouver seule dans une ville inconnue. En 2016, elle commence un master en bioinformatique, et coupe les ponts avec ses parents en déménageant sans leur donner l’adresse. Autre grande décision pour Genetix : passer la porte d’une association LGBTI+. Elle se rend à l’Iskis à Rennes qui propose de nombreuses activités, cinés débats, préparations d’évènements comme la marche des fiertés ou groupes de paroles. “J’y ai puisé du soutien, c’est là-bas que j’ai pu comprendre que j’étais bien transgenre et que c’était ce que je ressentais depuis toutes ces années”, confie-t-elle.

L’étape clé : le coming out

Grâce au soutien des membres de l’association, Genetix s’accepte et fait son coming out au sein d’Iskis en se choisissant un prénom qu’elle n’a plus jamais changé. Elle fait ensuite son coming out public auprès de ses amis proches de Rennes, puis ceux de la fac de Besançon et enfin les professeurs. “En 5 mois j’avais fait mon coming out à tout le monde, c’était très simple, je suis une fille trans, j’ai passé des années à souffrir parce que je niais ça” affirme-t-elle. Elle ne fait son coming out à sa famille que plus tard en novembre 2016.

Le prénom

Genetix a donc officiellement changé de prénom mais pas encore de sexe sur ses papiers d”identité. Pour obtenir ce changement administratif, elle a dû fournir plusieurs attestations de proches certifiant qu’ils la connaissent sous cette identité et quelques documents avec son nouveau prénom figurant dessus. La mairie a pris la décision de lui accorder. Elle explique plus en détails sa démarche dans une vidéo de sa chaîne Youtube dédiée au sujet.

Sa transition

La transition passe en premier lieu par les vêtements que Genetix a changé progressivement et également ses cheveux qu’elle a teint en bleu. Plusieurs mois après son arrivée à l’association, en janvier 2017, elle commence à se renseigner sur une transition médicale. Elle prend le temps de réfléchir et commence un traitement hormonal en mars de la même année. “Ca a été compliqué de trouver un médecin pour prescrire des hormones”, décrit la jeune femme. Une fois le médecin généraliste trouvé, elle a également dû voir une endocrinologue. Le premier traitement qu’on lui prescrit est inadapté et la conduit à une dépression. Malgré ces difficultés, Genetix n’abandonne pas et obtient un traitement adapté et efficace dont les doses augmentent progressivement pendant deux ans. Aujourd’hui, elle rencontre parfois des refus  avec les ordonnances en pharmacie ou des problèmes en période de pénurie mais le traitement fait son effet. Concernant les opérations chirurgicales, Genetix ne souhaite pas s’exprimer à ce propos.

Désormais épanouie et militante

Aujourd’hui Genetix s’accepte totalement et se sent enfin en phase avec elle-même. Tout se passe bien dans son milieu professionnel avec ses collègues, même si le côté administratif reste difficile. “Je suis épanouie et je n’ai plus ce rapport compliqué avec les autres et avec mon corps” confirme-t-elle. Elle a trouvé grâce à l’association une sociabilité et même une place en tant que militante. “Je veux aider des gens comme moi à éviter toutes ces difficultés que j’ai vécu”,explique Genetix.

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle dirait à un/une jeune transgenre aujourd’hui, elle répond par plusieurs conseils :

  • 1) Prendre son temps, ne pas aller trop vite.
  • 2) Ne pas hésiter à demander des conseils à plusieurs personnes.
  • 3) Avoir quelque chose auquel s’accrocher, un projet, ça aide pendant la transition mais aussi quand on arrive à un état où elle paraît finie.
  • 4) Se rappeler que les corps sont plus divers que ce que l’on nous montre.
  • 5) Ne pas rester pas seul/seule.

Ana Michelot