Comédien de doublage : l’art de la voix

Victor Niverd et Superflame au Play Azur Festival. Crédit photo : Enora Hillaireau

Richard Darbois, Roger Carel, Emmanuel Curtil, Dorothée Pousséo… Ces noms ne vous disent peut-être rien à première vue et pourtant, vous les connaissez. Ou, plus précisément, vous connaissez leurs voix. Car toutes ces personnes exercent la même profession : comédien(ne)s de doublage. Ce sont eux, entre autres, qui donnent aux versions françaises des films, séries et dessins animés, leur voix aux personnages. Victor Niverd, alias Re:Take, fraîchement arrivé dans le métier, raconte au cours d’une conférence du Play Azur Festival, les ficelles de ce métier de la voix.

Une technique particulière

« La technique du doublage se rapproche du karaoké. » – explique Victor – « On est dans une sorte de petite salle de cinéma avec un écran plus ou moins grand, et juste en-dessous, on a la bande ‟rythmo”, une petite bande blanche, sur laquelle il y a du texte, et une barre fixe sur la bande. Puis, le texte défile. Quand le texte passe sur la barre, il faut parler. Il faut donc jouer selon l’émotion du comédien à l’écran, tout en étant parfaitement synchronisé avec la bande ‟rythmo” qui a été faite au préalable par les auteurs. »

Une technique spécifique et très complexe, qui résulte d’un long travail et de l’intervention de plusieurs corps de métiers. Tout commence en studios. En France, les studios Dubbing Brothers sont une institution en la matière. Depuis 1989, ce sont plus de mille productions audiovisuelles qui ont été doublées au sein de ce studio parisien. Dès la réception d’une commande, l’équipe de traduction et d’adaptation du texte se met au travail. Le traducteur traduit le texte original mot à mot et le transmet ensuite à l’adaptateur. Sa mission consiste à modifier, vidéo à l’appui, le texte traduit, en fonction du mouvement des lèvres du personnage, ainsi que des éventuels jeux de mots, expressions idiomatiques et références culturelles, afin que le public francophone puisse comprendre et s’identifier. « On ne peut pas faire un ‟ m ” sur une bouche ouverte en ‟ » – explique Victor. Une fois le texte achevé, les studios de doublage choisissent un directeur de casting, qui fait ensuite appel aux comédiens qui lui semblent les plus à même d’interpréter les personnages.

Doublage français, doublage japonais, quelles différences ?

Si le doublage français est souvent félicité pour sa qualité, il peut être quelquefois raillé, notamment au niveau du doublage des animes japonais. « Beaucoup de personnes comparent le résultat du doublage français et japonais sur les animes, il faut savoir cependant que les méthodes de travail sont complètement différentes », explique Victor Niverd.

En effet, enFrance les comédiens de doublages (aussi appelés voxographes) sont convoqués quelques jours à l’avance pour le doublage. Le directeur artistique (qui fait office de metteur en scène) a vu la série en entier et est le seul à connaître l’histoire, et guide les comédiens qui, eux, ne connaissent rien, pour unifier le jeu. Les comédiens découvrent donc le produit le jour même. Ensuite, ils écoutent la version originale, tout en regardant la bande « rythmo » : en un seul visionnage, le comédien doit être capable de s’imprégner du jeu de l’acteur ou du personnage et du texte français. « On doit gérer l’émotion et la synchronisation, ce qui est très difficile », ajoute Victor. Autre difficulté, l’enregistrement, qui se fait généralement seul, et qui implique donc un effort supplémentaire pour jouer l’interaction de manière naturelle.

Le doublage japonais, lui, se déroule différemment. Là-bas, aucune bande « rythmo » : les comédiens travaillent à la feuille, avec un chronomètre. Par ailleurs, ils reçoivent leur texte deux à trois semaines à l’avance et le répètent, avant de jouer et d’enregistrer tous ensemble. Pour les animes, les comédiens japonais sont donc dans la création de voix, et non dans le doublage pur et simple.

Mais en dépit des quelques difficultés du métier, Victor Niverd est passionné. « C’est vraiment magique », confie-t-il, en conseillant à tous ceux qui souhaitent essayer de se lancer. Mais avant, il précise qu’une solide formation de théâtre reste indispensable, car même s’il est question de doublage, ce métier reste, avant tout, celui de comédien.

Camille Esteve