[Le Phoenix] Les Bracelets rouges, série au cœur des urgences pédiatriques

De gauche à droite : Esther Valding (Sarah), Azize Diabaté Abdoulaye (Medhi), Tom Rivoire (Clément), Louna Espinosa (Roxane) et Audran Cattin (Thomas). Crédit photo : site officiel de TF1

Créée par la chaîne TF1, la série française Les Bracelets rouges est lancée sur nos écrans de télévision en février 2018. Répartie sur deux saisons, la série retrace le quotidien d’adolescents, atteints de maladies graves, qui vivent à l’hôpital. Qu’il s’agisse de cancer, d’anorexie, ou encore de mucoviscidose, Les Bracelets rouges allie les préoccupations ordinaires de la jeunesse avec les angoisses beaucoup plus profondes et adultes de la confrontation à la maladie.

Les Bracelets rouges : un autre regard sur l’hôpital

Nombreuses sont les séries qui traitent des services hospitaliers. Grey’s Anatomy, Urgences, ou encore le mythique Docteur House sont des exemples classiques de séries focalisées sur la vie à l’hôpital. Mais le plus souvent, ces séries se centrent sur le quotidien, très tourmenté, du personnel hospitalier. Ici, les personnages en exergue sont les patients, et plus précisément, cinq adolescents issus de milieux et de vies différentes. Leur point commun ? La maladie, qui les empêche de vivre leur vie normalement. Certains épisodes et extraits vidéos sont disponibles sur le site internet MYTF1.fr.

Tout commence avec Thomas, jeune lycéen, atteint d’un cancer qui nécessite l’amputation de sa jambe pour arrêter la métastase. À son arrivée, il fait la connaissance de Clément, adolescent timide, lui aussi victime d’un cancer et qui, malgré son amputation et les nombreuses chimiothérapies, peine à guérir. Les deux garçons sympathisent rapidement et constituent une bande avec Roxane, jeune fille réservée, qui souffre d’anorexie ; Medhi, adolescent un peu rebelle à l’humour décapant qui risque une rupture d’anévrisme ; Sarah, peste cynique, hospitalisée après un malaise cardiaque et Côme, enfant plongé dans le coma suite à une mauvaise chute. Un élan de solidarité et d’amitié se noue entre les adolescents, qui décident de créer le clan des « bracelets rouges », en référence au bracelet porté pendant une hospitalisation.

Avec un format court et percutant, la série bouscule les codes et les convenances. Ici, les médecins ne sont pas des super-héros, mais bel et bien des êtres humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs doutes et leurs croyances, leurs réussites et leurs échecs. Bien que l’accent ne soit pas mis sur le personnel hospitalier, le spectateur peut aisément percevoir le lien spécial qui finit par se créer entre le patient et le soignant, cet équilibre complexe entre empathie et distance émotionnelle exigée par la déontologie. De même, les patients ne sont pas des adolescents stéréotypés et les personnages adaptent brillamment les préoccupations traditionnelles de leur âge au cadre froid de l’hôpital. L’entourage familial est également représenté avec justesse, alternant la peur face à la maladie et la tristesse ou la colère face à leur impuissance. La détresse psychologique, notamment au sein des fratries qui se sentent parfois délaissées par rapport à l’enfant malade, est un thème encore rarement abordé dans la fiction comme dans la réalité. Or, bien que cette problématique reste encore taboue, la série Les Bracelets rouges n’hésite pourtant pas à montrer explicitement certains conflits internes et inavouables, auxquels l’entourage familial est souvent confronté : souhaiter par exemple que le malade se batte pour guérir, ou parfois, souhaiter son décès tant la maladie devient un fardeau.

Urgences pédiatriques en France : chiffres en hausse, moyens en baisse

De simples fractures aux maladies chroniques, les urgences pédiatriques, tous soins confondus, ne désemplissent pas. Accueillant tous les enfants de la naissance à 18 ans, cette branche hospitalière a constaté une augmentation générale de sa fréquentation. Sur l’année 2017, plus de 45 000 patients admis en urgences pédiatriques en France ont été enregistrés par rapport à l’année 2016, selon le site de statistiques Statista.fr.


Nombre de passages aux urgences pédiatriques en France de 2013 à 2017 – Source : Statista.fr

Or, malheureusement, les besoins augmentent mais les réponses ne suivent pas. Le site associatif www.enfants-malades.org recense les failles du système français en matière de soins pédiatriques, notamment dans le milieu hospitalier, et ce, en dépit de la Charte européenne de l’enfant hospitalisé de 1986.

Selon un manifeste publié en 2017 par le site enfants-malades, soutenu par plus de mille associations axées sur l’accompagnement, la recherche ou la prise en charge, les dix points de la charte ne sont pas respectés en France, faute de moyens suffisants alloués par l’Etat. Sont pointés du doigt, notamment, un manque de prise en charge physique et psychologiques des familles d’enfants hospitalisés ; le manque de reconnaissance des professions pédiatriques qui conduit à un manque de personnel et, de fait, à un manque de services spécialement adaptés aux enfants et adolescents ou encore l’absence de soins palliatifs pédiatriques incluant une prise en charge psychologique pour la famille et la fratrie de l’enfant malade, contrairement aux articles 2, 6 et 5 de la charte.[1]

Ces thématiques sont par ailleurs abordées avec beaucoup de justesse par la série des Bracelets rouges, car la plupart des familles peinent à organiser leurs venues à l’hôpital (parfois en raison d’un éloignement géographique de leur milieu de vie), ou à obtenir des réponses à leurs questions, mais peuvent toutefois échanger lors de réunions organisées au sein de l’hôpital pour libérer la parole. Or ces ateliers, comme les quelques animations mises en place pour les enfants, restent un luxe qui, dans la vie réelle, est peu fréquent. Heureusement, quelques associations telles que Les Blouses roses ou les diverses associations signataires du manifeste évoqué plus haut, tentent de mettre en place des actions concrètes. Une pétition a par ailleurs été lancée en mars dernier, à l’intention de TF1, afin que la chaîne reverse les bénéfices engendrés par les audiences de la série à des associations de recherche contre le cancer pédiatrique. Avec plus de 35 000 signataires en seulement quelques semaines, la pétition a pris de l’ampleur et a été directement adressée à la chaîne de télévision. Pour l’instant, aucune réponse n’a été apportée, mais les associations gardent espoir et continuent, en attendant, de tout mettre en œuvre pour que chaque enfant hospitalisé gagne son combat face à la maladie.

Camille Esteve


  1. « Un enfant hospitalisé a le droit d’avoir ses parents ou leur substitut auprès de lui jour et nuit, quel que soit son âge ou son état. » ­– Article 2
    « Les enfants ne doivent pas être admis dans des services adultes. Ils doivent être réunis par groupes d’âge pour bénéficier de jeux, loisirs, activités éducatives adaptés à leur âge, en toute sécurité. » – Article 6
    « Pour diminuer la douleur et les agressions physiques et psychiques, des mesures préventives sont mises en œuvre […] elles apportent un soutien aux parents dont les enfants sont en soins palliatifs » – Article 5