avril 21

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Des « Exilées » qui gardent le sourire

Alice Latouche et Léa Bordier ont décidé de mettre en valeur des femmes exilées en France. Dina (sur la photo) a été la première à témoigner de son histoire devant la caméra. (Photo : capture d’écran Youtube du portrait de Dina)

Dans une série web, Alice Latouche et Léa Bordier donnent la parole à trois femmes, exilées. Ce qu’elles racontent, ce sont leurs périples pour arriver en France. Elles ont quitté la guerre, la maltraitance, mais aussi leurs familles ; et malgré cela, c’est un message d’espoir qu’elles transmettent.

« Exilées ». C’est le nom de la série web co-réalisée par Alice Latouche et Léa Bordier, respectivement doctorante en sociologie et réalisatrice Web indépendante. Chaque vidéo – pour l’instant trois – est le portrait d’une femme différente. L’occasion de faire la rencontre de Dina, Fatima et Mariam. Ce qui leur vaut ce coup de projecteur, ce n’est ni leur profession ni leurs projets pour changer le monde, mais bien leur histoire : ce sont des exilées. Dina vient de Lybie et a fui la guerre ; Fatima a 16 ans, elle vient de Guinée-Conakry et voulait éviter le mariage forcé ; Mariam vient du Mali où elle était maltraitée. Durant une dizaine de minutes, chacune prend la parole. Pas de mise en scène ni de scripte : Dina, Fatima et Mariam parlent simplement de ce qu’elles ont traversé pour arriver en France. Face caméra, elles ne recherchent pas le sensationnel, ce qu’elles racontent est du vécu. Âmes sensibles s’abstenir car certaines histoires tiennent plus du cauchemar que du conte de fée. « La femme elle a été violée, elle a été battue. La femme elle avait pas ses mots à dire. » (Dina) ; « Quand on t’excise on attrape ta main comme ça, on attrape ta main et ton pied et puis il prend les ciseaux pour couper. » (Fatima) ; « A ce moment elle m’a excisée deux fois. Elle m’a dit que c’était la coutume, que la première c’était même pas bien fait. (…) C’était trop douloureux, jusqu’à ce que je perde connaissance, tout » (Mariam).

Les témoignages sont prenants. Impossible d’écouter Dina sans être horrifié de la manière dont les femmes sont séquestrées par les passeurs dans des sous-sols en attendant de pouvoir traverser la Méditerranée. Impossible aussi, de ne pas serrer les dents quand Mariam explique comment elle a été excisée de force, à deux reprises. « Exilées » confronte à la réalité des faits, car ce ne sont plus de simples statistiques sur les conditions de vie catastrophiques en zone de guerre, ou sur le nombre de migrants morts en mer. C’est une chose de savoir que les conditions sont misérables dans les camps de réfugiés, mais c’en est une autre d’entendre Fatima, 16 ans, dire que « dans le camp (…) on sort pas, parce qu’en Lybie tu sors pas. Une fois on te voit dehors, on te viole. Tu sors pas. »

Des histoires atroces, racontées sans larme

Des trois femmes, un point commun plus important encore que leur statut d’exilée, est l’optimisme. C’en est même frappant. Elles témoignent de la réalité de la guerre, de la violence et du viol, mais toutes restent positives. Alors qu’il serait si simple de pleurer les morts par dizaines, qui ont croisé leurs passages, Mariam, Dina et Fatima ne se lamentent pas. Mariam a été abandonné deux fois, elle a eu des complications à l’accouchement à cause de l’excision, elle peine avec les papiers d’immigration, mais jamais elle ne se plaint. Au contraire, elle est reconnaissante aux personnes qui lui sont venues en aide, et elle se tourne vers l’avenir : « Ce que je veux, c’est l’avenir de mon fils. Et je veux réussir dans ma vie ». Une telle force d’esprit remet les pieds sur terre. Si même après avoir traversé le pire, ces trois femmes restent confiantes en la suite, comment ne pas l’être soi-même ?

Un message d’espoir

Aussi surprenant que cela puisse paraître, « Exilées » est une série positive. Oui, les sujets sont durs. Oui, les témoignages sont difficiles à écouter. Oui, les épreuves que doivent endurer les migrants sont atroces. Mais entendre ces trois femmes parler aussi sereinement et être aussi optimistes pour l’avenir, cela fait du bien. L’inhumain qu’elles ont subi ne les a pas rendues inhumaines elles-mêmes, mais bien plus reconnaissantes de ce qu’elles ont. Comme le dit Fatima, « dans la vie, il faut avoir vécu le pire pour obtenir le meilleur. Il faut avoir la foi de vivre. » Et on a envie de croire cette adolescente désireuse de reprendre ses études. On ne peut être que touché par la force qui émane de Dina, Mariam et Fatima. Pour elles, c’était littéralement « marche ou crève » : elles n’ont rien lâché, et la détermination qu’elles ont pour vivre le mieux possible en France – malgré les lourdes démarches administratives – impose l’admiration.

Enora Hillaireau