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Violences sexuelles de guerre : les Etats-Unis sont-ils passés de l’autre côté ?
Mardi 23 avril, les Etats-Unis ont menacé de poser leur veto à la résolution sur les violences sexuelles de guerre. Une position qui a entraîné de nombreuses réactions.

« Qu’attend la communauté internationale pour rendre justice aux victimes ? »Ce sont par ces mots que Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, a appuyé le vote de la résolution sur les violences sexuelles présentée mardi 23 avril devant le Conseil de Sécurité de l’ONU.
Selon Heiko Maas, le Ministre des Affaires étrangères allemand, à l’initiative du texte, cette résolution répond aux préoccupations en matière de de violences sexuelles de guerre. « Son adoption serait une étape indispensable pour mettre fin à l’impunité des auteurs de violence sexuelle lors de conflits. » Selon lui, « cela enverrait également un message important à ceux qui veulent faire reculer les droits de l’homme : nous ne tenons pas les progrès pour acquis. Et nous nous battrons pour les garder en vie. »
Cependant le texte que Denis Mukwege et Heiko Maas appellent de leurs vœux pourrait ne pas voir le jour ou sous une version très édulcorée. Les Etats-Unis menacent en effet de poser leur veto.
Opposition motivée par les conservateurs américains
Le Conseil de Sécurité avait pourtant cédé face à l’opposition conjuguée des Etats-Unis, de la Russie et la Chine à la mise d’un système de surveillance et de recensement des violences sexuelles de guerre. Le texte a donc été « allégé » de ces articles.
Toutefois les Etats-Unis restent hostiles au texte « parce qu’il comprend un vocabulaire sur l’aide aux victimes issu de services de planification familiale ». Ce sont les termes « santé sexuelle et procréative » qui posent problème car les Américains les interprètent comme la mise en place d’une aide à l’avortement. Un point impossible à accepter pour l’administration Trump, très conservatrice. Ainsi, depuis une semaine, Washington s’évertue de supprimer toute référence aux grossesses suite à un viol dans le texte.
Une attaque des progrès des vingt-cinq dernières années
Face à la menace des Etats-Unis, les condamnations ont été nombreuses. La France a dénoncé le procédé par la voix de son ambassadeur aux Nations Unies, François Delattre. « Nous déplorons que des menaces de veto aient été agitées par des membres permanents de ce Conseil pour contester vingt-cinq ans d’acquis en faveur des droits des femmes dans des situations de conflits armés. »
Pour un député européen, « si nous laissons les Américains supprimer ce vocabulaire, tout sera édulcoré pendant longtemps ». Il s’insurge également de ce qu’il qualifie d’« attaque contre le cadre normatif progressif établi ces vingt-cinq dernières années ». Pour cette même source, « les Américains ont changé de camp » et se trouvent à présent dans une alliance « contre-nature avec les Russes, le Vatican, les Saoudiens et les Bahreïnis ».
Enfin Pramila Patten, représentante spéciale des Nations unies pour les violences sexuelles dans les conflitsa déclaré que« ce serait une énorme contradiction que de parler d’une approche centrée sur les survivants et de ne pas mentionner les services de santé sexuelle et reproductive, ce qui est pour moi essentiel. »
Félix Paulet