Explosion sociale au Chili

Des images violentes, du sang, des cris, des vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Depuis vendredi dernier, le Chili se révolte contre les inégalités sociales qui frappent le pays. Déjà douze morts.

Les habitants affrontent des soldats à Santiago, le 19 octobre 2019. Le président du Chili a déclaré l’état d’urgence ce vendredi soir et a confié la responsabilité de la sécurité à l’armée après une journée de violentes manifestations contre l’augmentation du prix des tickets de métro. © Pablo VERA / AFP

« C’est la pire explosion sociale depuis des décennies », déclare l’Agence France-Presse qui revient, dans un communiqué, sur le cours des événements. C’est un mouvement de contestation inédit qui surgit actuellement au Chili.

Depuis plusieurs semaines, Santiago, la capitale, est le théâtre de manifestations contre l’augmentation des prix des transports, passés de 800 à 830 pesos (1,04 €). Une première hausse de 20 pesos avait déjà eu lieu en janvier dernier. Outre cette hausse qui affecte le quotidien de milliers de Chiliens, les inégalités sociales persistent depuis plusieurs années. « Beaucoup de demandes latentes n’ont pas eu de réponse. La tension s’est accumulée, la frustration s’est renforcée chaque jour dans la vie quotidienne », souligne Octavio Avendaño, sociologue et politologue à l’université du Chili, interrogé par l’AFP. Alors, ce vendredi 17 octobre, les protestations dégénèrent et la violence s’installe.

Un manifestant tenant un drapeau national chilien se dirigeant vers les soldats lors des manifestations à Santiago, le 20 octobre 2019. © CLAUDIO REYES / AFP

Le pays se soulève

Santiago, vendredi 18 octobre. Les affrontements entre forces de l’ordre et manifestants commencent. La veille, dans le métro, 33 personnes sont déjà arrêtées pour dégradations. Puis les habitants appellent à monter dans les trains sans billet aux heures de pointe. Quelques heures plus tard, les autorités décident de fermer toutes les stations de métro. L’état d’urgence est alors décrété par le président conservateur Sebastian Piñera.

Santiago, samedi 19 octobre. Des milliers de personnes manifestent de nouveau. Les protestations s’étendent aux autres grandes villes du pays comme Valparaiso et Viña del Mar. Sebastian Piñera tente de désamorcer la crise en annonçant la suspension de la hausse des prix des tickets de métro. Sans effet, les affrontements se poursuivent.

Santiago, dimanche 20 octobre. Entre pillages et émeutes, deux personnes meurent dans l’incendie d’un supermarché, dans la banlieue de la capitale. Puis cinq autres dans l’incendie d’une usine de vêtements, dans le nord de Santiago, portant à sept le nombre de morts depuis le début des émeutes. Alors le général Iturriaga décrète un couvre-feu total.

Un pays paralysé

« Nous sommes en guerre contre un ennemi puissant, qui est prêt à faire usage de la violence sans aucune limite », déclare le chef de l’Etat à la presse, le dimanche 20 octobre. Les autorités chiliennes décrètent un couvre-feu pour la deuxième nuit consécutive et l’état d’urgence est étendu à neuf régions.

En tout, près de 10 000 policiers et soldats sont déployés. Selon les autorités, 1 462 personnes sont arrêtées, dont 644 dans la capitale et 848 dans le reste du pays. Le pays se soulève.

Comme paralysé. Les transports publics sont quasiment à l’arrêt, les magasins sont fermés, les militaires patrouillent dans les rues. Déjà les autorités font état de douze morts. Les cours aussi ont été suspendus dans les établissements scolaires de 48 des 52 districts de Santiago. A l’aéroport de la capitale les vols ont été annulés ou retardés.

Tenter un cessez-le-feu

Le Chili a tenté de reprendre ses activités lundi 21 octobre. « Malgré un climat très tendu, décrit l’agence de presse, de longues files d’attente sont apparues dans la capitale pour tenter de s’approvisionner en essence et en denrées diverses. » Des milliers de personnes se sont rassemblées sur la plaza Italia, dans le centre de Santiago. Dans les rues, les manifestants scandaient : « Dehors les militaires ! », « Le Chili s’est réveillé, le Chili s’est réveillé ! ». Globalement, les protestations se sont déroulées dans le calme dans la capitale, alors que d’autres grandes villes ont vu éclater des heurts.

Michelle Bachelet, Haute-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU avait pourtant appelé lundi, le gouvernement et les acteurs de la société civile à engager le dialogue. L’ancienne présidente du pays a aussi réclamé « des enquêtes indépendantes, impartiales et transparentes » au sujet des actes commis par les autorités et les manifestants. « Il y a des allégations troublantes sur l’usage excessif de la force par les forces de sécurité et l’armée », a-t-elle poursuivi.

La fronde sociale a continué lundi 21 octobre, obligeant le président Sebastian Piñera à annoncer une réunion des partis politiques ce mardi. Un espoir ? Trouver une sortie à cette crise aussi violente qu’inédite. « J’espère avancer vers un accord social qui nous permette de nous rapprocher tous unis, avec rapidité, efficacité et responsabilité, vers de meilleures solutions aux problèmes qui affectent les chiliens », a-t-il déclaré.

Charlotte Quéruel