Être une femme coûte cher

Avoir ses règles en 2019 [2]. Serviettes ou tampons à renouveler tous les mois, médicaments pour limiter les douleurs ou encore sous-vêtements pour remplacer ceux tâchés… En plus d’être mal perçues, les menstruations sont aussi source d’angoisses financières. 

Selon une enquête de l’IFOP, une étudiante dépense en moyenne 144 euros par an pour ses règles. © Dessin de Jeanne Gandy

“Ai-je encore des protections hygiéniques ou dois-je aller en acheter ?” Tous les mois, c’est le même questionnement. Incessant. En plus d’être encore tabou dans nos sociétés, les menstruations soulèvent un autre problème : le coût qu’elles engendrent.

Les règles, source de précarité 

Tous les mois, la même routine. À la caisse d’un supermarché les femmes voient défiler, en plus de leurs achats alimentaires, une boite de tampon, un paquet de serviettes ou de protège slip… L’addition grimpe vite. Une femme a près de 500 fois ses règles dans sa vie. Les protections hygiéniques sont donc une part non négligeable de leur budget. D’après les calculs du journal Le Monde, une femme dépenserait minimum 3.800 euros pour un flux dit moyen au cours de sa vie. Ce montant comprend l’achat de protections et de médicaments antidouleur. On ajoute donc a cela les rendez-vous chez un gynécologue et l’achat de sous-vêtements en cas de fuite. Un coût considérable pour certaines. Selon l’IFOP (Institut français d’opinion publique), une française sur dix renoncerait à changer de protections périodiques aussi souvent que nécessaire. Par manque d’argent. Femmes sans-abri, détenues, étudiantes ou adolescentes : des milliers sont touchées par la précarité menstruelle. Le même sondage a démontré que 39% d’entre-elles ne disposaient pas de suffisamment de protections hygiéniques.

En France comme en Angleterre, des professeurs se sont rendus compte que des jeunes filles issues de familles défavorisées manquaient régulièrement les cours. Elles restaient chez elles car elles n’avaient pas les moyens d’acheter des protections périodiques. D’après une enquête de l’IFOP de mars 2019, 12% des jeunes filles françaises ont déjà manqué des cours car elles n’avaient pas de protections. “Une étudiante dépense en moyenne 144 euros par ans pour s’acheter serviettes et tampons”, rapporte l’UNEF. Parfois, certaines décident de s’en “bricoler”. Elles accumulent les couches de papier toilette, de journaux, de tissu… Ces protections de fortune mettent leur santé en danger. 

Si acheter des protections est aussi compliqué financièrement c’est en partie à cause des taxes fixées par les états. D’après Elise Thiébaut dans Ceci est mon sang, elles s’élèvent à 25% en Suède et en Norvège. Il y a 4 ans, en France, elle était encore de 20%. Taxer tel un produit de luxe. Des collectifs ont lutté pendant des années pour que l’état considère ces produits comme de première nécessité. D’abord, l’Assemblée Nationale refuse. Le secrétaire d’Etat au budget de l’époque, Christian Eckert, avait déclaré : “Les mousses à raser pour hommes sont aussi taxées à 20%. Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur ce qui relève ou non de la première nécessité”. Il faudra donc attendre 2015 pour que cette ”taxe tampon” soit supprimée, après de nombreuses manifestations et contestations. Aujourd’hui, elle est donc de 5,5%. 

Un petit pas pour la gratuité 

Entre les cours ou à la pause repas, les paquets de serviettes et de tampons prenaient possession des halls et des couloirs de la fac de Rennes il y a quelques mois. Après avoir distribué 10.000 kits de 18 serviettes ou tampons bio,  1 300 cups et serviettes réutilisables, l’université de Rennes prévoit désormais d’installer des distributeurs permanents. En France, de nombreux établissements scolaires sont en train d’expérimenter la gratuité des protections hygiéniques. En janvier dernier, une distribution de kit de serviettes ou tampons a eu lieu durant quatre jours sur les campus de Lille, Villeneuve d’Ascq et Roubaix. En cette rentrée 2019, la Sorbonne s’engage aussi a lutté contre la précarité menstruelle. La Baffe, Association étudiante de Sorbonne Université, dispose de 30 000 € pour installer des distributeurs de tampons et serviettes hygiéniques gratuites et les approvisionner toute l’année. 

Parallèlement, des pétitions et des revendications circulent comme le #paietesregles sur les réseaux sociaux. Comme nous l’avons vu dans “Cachez ce sang que je ne saurais voir”, des internautes se ont exposé leur sang pour dénoncer le coût des protections. Ces actions visent à convaincre le gouvernement d’agir. Ce qui semble avoir fonctionné. Jeudi 17 octobre, un rapport qui a pour objectif de lutter contre la précarité menstruelle à été rendu à Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes. Le rapport rédigé par Patricia Schillinger propose entre autres d’expérimenter la gratuité des protections menstruelles pour trois catégories de femmes : les sans-abris, les détenues et les plus jeunes.

La France n’est pas le premier pays a essayé d’instaurer cette gratuité. En Écosse, les tampons et serviettes sont à disposition dans les toilettes des universités. Quant à la ville de New York, elle distribue depuis juin 2016 des protections périodiques dans les lieux publics (établissements scolaires, prisons et foyers pour SDF). 

En finir avec les protections à usage unique 

Depuis quelques années, des femmes ont décidé de créer des protections écologiques et durables. Des dizaines de marques de serviettes en tissu, de culottes menstruelles voient le jours. Elles sont généralement lavables donc réutilisables. Et puis il existe désormais la coupelle menstruelle, les éponges, les tampons sans pesticides ni produits chimiques…

Les protections hygiéniques lavables sont rapidement plus rentables que les lavables. © Pois Plume

De nouvelles façons d’appréhender ses règles apparaissent : et si nous n’avions pas besoin de protections ? Certaines femmes s’essaient au flux instinctif libre. Elles retiennent leur sang, contrôlent leurs pertes et gèrent leurs règles. Une solution écologique et économique durable. Des solutions alternatives aux protections payantes et jetables deviennent peu à peu accessibles. Bientôt pourrions-nous peut être rendre les règles moins contraignantes et plus abordables financièrement ?

Lisa Noyal et Charlotte Quéruel