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A Paris, la place d’Italie s’est enflammée
L’anniversaire du premier rassemblement des Gilets jaunes se déroulait samedi dernier. Des rendez-vous étaient organisés dans plusieurs endroits de la capitale. La manifestation sur la Place d’Italie était au départ légale et déclarée mais a été finalement interdite au dernier moment. Les forces de l’ordre encerclent et enferment les manifestants sur la place pendant plus de trois heures.

Place d’Italie, 12h30. Les forces de l’ordre ont bloqué l’ensemble des rues adjacentes, plus personne ne peut sortir mais tout le monde est autorisé à rentrer. La masse emprisonnée grandit. Des centaines de manifestants se positionnent devant le centre commercial Italie 2. Des cris et des slogans fusent : « Les casseurs sont au gouvernement », « Macron démission », « Travaille, consomme et ferme ta gueule ». Les premières bombes lacrymogènes sont tirées. Des nuages blancs étouffants recouvrent la foule qui se disperse pour mieux respirer. Toux. Crachat. Larmes. La fumée irrite tout le corps. Les manifestants répondent en lançant ce qu’ils trouvent : cailloux, bouteilles, déchets. Ils démontent une partie du monument de la place « afin d’avoir des munitions pour se défendre », explique l’un deux.


Des départs de feu, volontaires ou non, ont lieu sur toute la place. Une flaque d’essence au pied d’une voiture cassée s’enflamme après qu’une bombe lacrymogène tombe dedans. Des véhicules renversées brûlent, des trottinettes et des poubelles également. Une puissante chaleur se fait ressentir lorsqu’on s’en approche, l’odeur de brûlé s’ajoutant à celle des gaz. A chaque intervention des pompiers, les Gilets jaunes les remercient et les applaudissent.

Au milieu de tout ça, des scènes presque absurdes rappellent le quotidien. Une réalité partiellement oubliée depuis quelques heures. Un homme choisit de profiter de la foule pour faire vivre son commerce : il vend des hot-dogs au milieu de l’épais brouillard toxique. Des livreurs Uber Eats passent au milieu des projectiles pour effectuer leurs commandes. Des touristes se prennent en photo devant des vitrines cassées de banques ou de fast-food. Un peu plus tôt, d’autres s’étonnaient que les magasins soient fermés.

Un paysage apocalyptique vient remplacer l’image parfaite de la ville de Paris. Les fumées blanches se mélangent aux noires. Il semble faire nuit et pourtant, il n’est que 14h30. On tourne en rond depuis deux heures. C’est toujours la même routine. Gaz, pavés, feu, charge. On se déplace. Gaz, pavés feu, charge. Il n’y a pas d’issues possibles. Toutes les rues restent fermées.



Des street-médic interviennent pour soulager les blessés. Ils courent de partout. Les groupes s’occupent tant des blessures superficielles (irritations dues aux gaz lacrymogènes) que des autres blessures. Crâne ouvert, genou saignant, douleurs après des coups de matraques… Un journaliste indépendant de 18 ans reçoit un tir de GLIF4 (Grenade Lacrymogène Instantanée) en plein visage. [NB : La France est le seul pays Européen qui utilise cette arme classifiée comme arme de guerre. Elle doit obligatoirement être tirée au sol à cause de sa dangerosité.] Son masque éclate alors en morceaux. Il est transporté à l’hôpital Salpêtrière.


Il est 16h. Après plus trois heures d’affrontement, une échappatoire apparaît. Les forces de l’ordre autorisent la sortie de manifestants par une rue. Des centaines de personnes font la queue pour quitter la place. Les sacs sont fouillés et les masques jetés. Le groupe s’entasse et attend devant la police, certains commencent à pousser pour partir. Les forces de l’ordre arrêtent les sorties. Tout le monde attend. Le canon à eau vise la foule et ouvre les vannes. En réponse, des cailloux et pavés sont lancés sur le véhicule. Et puis l’attente recommence. Quelques minutes plus tard, une autre rue offre la possibilité de s’échapper. La place se vide petit à petit. Jusqu’à être déserte. Ne gardant avec elle que les souvenirs de cette longue journée…
Lisa Noyal