novembre 25

La nouvelle guerre des étoiles

Si l’allumage nocturne des magasins, bureaux et panneaux publicitaires vous permet de vous sentir plus en sécurité, d’admirer les vitrines animées de Noel ou bien lorgner sur les mêmes chaussures jour et nuit, il est aussi responsable d’une partie de la pollution lumineuse.

Le nombre d’étoiles que l’on peut voir à l’œil nu est un bon critère pour évaluer la qualité d’un ciel nocturne : au-dessous de 3000 étoiles, la voie lactée n’est plus visible. @ Carte de la pollution lumineuse en France et en Europe par l’association d’astronomes AVEX.

Selon l’Atlas mondial de la pollution lumineuse, 60 % des Européens et 80 % des Américains ne peuvent plus voir la Voie lactée à l’œil nu à cause de la pollution lumineuse. À l’échelle mondiale, ce pourcentage s’élève à un tiers de la population. Cette émission excessive de lumière est produite en France par notre éclairage public, les enseignes publicitaires, les vitrines de magasins, les bureaux mais aussi par nos écrans d’ordinateurs et smartphones. En plus de nous empêcher d’observer la beauté du ciel étoilé, la pollution lumineuse peut affecter l’horloge biologique des humains en perturbant leur production de mélatonine. Si le taux de cette hormone est trop faible, cela provoque des troubles de l’endormissement. La faune et flore se retrouvent aussi perturbées. Par exemple, l’excès de lumière et l’absence d’alternance entre le jour et la nuit désorientent les oiseaux migrateurs qui utilisent les étoiles pour se repérer. L’attirance de ces oiseaux pour la lumière modifie leur trajectoire et entraîne aussi des collisions avec les bâtiments. Certains insectes et pollinisateurs comme le papillon de nuit ne peuvent plus remplir correctement leurs fonctions et risquent de mourir, s’ils se retrouvent collés aux lampadaires.

Une réglementation peu respectée

Aujourd’hui, c’est un décret datant de 2012 et un arrêté de juillet 2013 hérité du Grenelle de l’Environnement de la même année qui régissent l’éclairage de nuit. Ces textes prévoient que les lumières intérieures des commerces et bureaux soient éteintes une heure après leur fermeture. Les vitrines et les enseignes doivent être éteintes au plus tard à une heure du matin, sauf si les magasins sont encore ouverts, et cela jusqu’à sept heure du matin. Dans les agglomérations de moins de 800.000 habitants, les publicités lumineuses doivent s’éteindre entre une heure et six heures du matin. Bien que l’arrêté de 2013 sanctionne les contrevenants d’une amende de 750 euros, ces règles sont peu respectées. En novembre 2018, des volontaires de l’association France nature environnement (FNE) ont arpenté en pleine nuit les rues d’une trentaine de communes en Rhône-Alpes, Alsace, Auvergne, Bourgogne et Franche Comté. Le groupe aurait relevé « plus d’un millier d’irrégularité, en particulier chez des agences immobilières ». S’ajoutent les nombreuses dérogations émises par le gouvernement. Elles concernent 41 villes très touristiques, telles que Paris, Lyon ou Nice. Les Champs Elysées, comme la rue de Rivoli ou la place des Vosges, font notamment partie des exceptions à la mesure. Les lumières pourront, en outre, rester allumées certains jours fériés ou en période de fêtes.

Le Jour de la Nuit

Dans l’attente de nouvelles lois, notamment sur l’éclairage public des parkings et des espaces naturels, des associations organisent des opérations de sensibilisation aux conséquences de la pollution lumineuse. L’association Agir pour l’environnement planifie, chaque année, « Le Jour de la Nuit. » Tous les 12 du mois d’octobre, une multitude de communes procèdent à l’extinction de l’éclairage public pendant que plusieurs associations et collectivités organisent des animations locales. Sorties natures, observations des étoiles ou encore conférences sont ouvertes au public partout en France. Un combat pour le droit à l’obscurité non négligeable puisque, selon l’Ademe (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), les économies d’énergie possibles en réduisant la pollution lumineuse seraient équivalentes à la consommation électrique produites par 750 000 ménages en un an ainsi qu’à l’économie de 200 millions d’euros par an.

Jeanne Gandy