
Contraception masculine : une pilule en cours de fabrication
Plus de 50 ans après la loi Neuwirth, qui légalise la prescription libre de la pilule contraceptive féminine, la question du développement de son équivalent masculin n’est que peu traitée. Aujourd’hui, si un homme veut prendre en charge la contraception de son couple, il ne peut qu’utiliser des préservatifs, et ce jusqu’au jour où il envisage une vasectomie, s’il en envisage une. Autant dire que son nombre d’options est assez réduit quand on sait qu’une femme a le choix entre plus de dix contraceptifs différents (pilule œstro-progestative, pilule progestative, stérilet, implant, …).
Les scientifiques tentent d’élaborer une pilule contraceptive pour homme en s’appuyant sur le fonctionnement de la pilule féminine et en jouant sur la quantité de certaines hormones. Leur but est de réduire le niveau de testostérone de l’individu de manière à affaiblir la spermatogénèse. Une fois passé sous la barre des 1 million de spermatozoïdes par millilitre de sperme, l’homme devient infertile, le tout en gardant, évidemment, sa libido ainsi que sa virilité intactes. Mais alors, qu’est-ce qui rend la naissance de cette pilule masculine si compliquée ? Si, en théorie, le processus parait simple à mettre en œuvre, la réalité est plus complexe. La spermatogénèse se fait sur 75 jours, sans interruption, et produit quelques cent millions de spermatozoïdes par millilitre. Réduire considérablement ce nombre sans altérer la santé sexuelle de l’individu n’est pas une mince affaire.
Pilule ou gel?
Les résultats les plus prometteurs sur la création d’une pilule masculine viennent du National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) ainsi que du Los Angeles Biomed Research Institute aux États-Unis. La première étude porte sur 420 couples, situés dans sept pays du monde, et propose un gel composé de deux hormones à étaler sur l’épaule. Un progestatif nommé Nestorone qui, par sa fonction de régulateur de sperme, va empêcher les testicules de faire suffisamment de testostérone et donc réduire la production de spermatozoïdes. L’autre ingrédient n’est autre que de la testostérone mais, cette fois-ci, sous forme synthétique. Si cette hormone vient d’une source extérieure au corps, elle permet de maintenir la balance hormonale indemne sans influencer la quantité de spermatozoïdes produite. Pendant vingt semaines, les volontaires masculins appliqueront le gel NES/T quotidiennement et une fois devenus infertiles, il leur sera demandé, à eux et à leurs partenaires féminines, d’utiliser uniquement le gel pour prévenir une grossesse. Au bout d’un an, ils cesseront de prendre le gel et seront suivis pendant six mois pour s’assurer que les effets sur le nombre de spermatozoïdes soient bien réversibles. Les expérimentations n’ont débuté que fin 2018, il faudra donc attendre encore un peu avant d’avoir les résultats définitifs.

La seconde étude, quant à elle, propose à 40 hommes de Los Angeles de prendre une pilule du nom de 11BétaMNTDC tous les jours sur une durée de 28 jours. Elle est constituée de la même manière que le gel NES/T mais tous les participants n’ont pas reçu la même dose des deux hormones. Le but était alors de déterminer en quelle quantité il est préférable de les administrer sans provoquer d’effets secondaires. Les résultats ont été présentés en mars dernier au congrès de l’Endocrine society de la Nouvelle Orléans. La production de spermatozoïdes a effectivement considérablement baissé et même si on note quelques problèmes d’acné, des maux de tête, de la fatigue ou un faible déclin de libido, l’activité sexuelle de l’individu n’est pas touchée. Rien d’anormal ou d’inquiétant quand on sait que les pilules contraceptives féminines de la première génération avaient les mêmes effets secondaires que ceux d’une grossesse réelle.

« Un contraceptif hormonal, sûr et réversible ne devrait être proposé que dans environ dix ans »
Un autre facteur reste majeur dans l’accès de la pilule aux hommes : leur motivation à vouloir cette contraception. Si la pilule féminine a été commercialisée c’est parce que la nécessité de mettre fin aux avortements clandestins a généré de nombreuses et véhémentes manifestations. Les femmes se sont battues par milliers pour obtenir ce droit tandis que les hommes ne ressentent pas ce besoin vital d’avoir une contraception. On remarque malgré tout une évolution des mentalités et de plus en plus d’hommes sont prêts à partager le fardeau de la contraception avec leur partenaire. D’après une enquête multinationale réalisée par la revue Human Reproduction de 2005, ils étaient 55 % sur les 9000 hommes interrogés, à souhaiter essayer de nouvelles méthodes de contraception hormonale si celles-ci étaient réversibles. Chez d’autres, la peur d’une perte de virilité ou de libido persiste. Même si les recherches se complètent et avancent, la chercheuse au Los Angeles Biomed Research Institute Christina Wang affirme qu’« un contraceptif hormonal, sûr et réversible ne devrait être proposé que dans environ dix ans. »