décembre 24

Jouets pour enfants, encore genrés et sexistes

Du rose pour les filles et du bleu pour les garçons. Une dînette et une poupée pour faire comme maman. Des tracteurs et des outils de bricolage pour faire comme papa. Malgré les dénonciations de plus en plus fréquentes de ces normes et pratiquent notamment de la part des associations féministes sur le sexisme dans la société, ces codes restent bien ancrés. À l’approche de Noël, les magasins de jouets pour enfants témoignent des clichés sexistes présents dans les esprits. Mais quelques marques commencent à se saisir du problème de la représentation et tentent d’être plus inclusives. Coup de com ? Ou réelle envie de casser les clichés ? Même s’il est évident que ces entreprises surfent sur la vague féministe, les industries participent aussi à changer les représentations.

Des jouets toujours sexués qui favorisent les ventes

Dans la plupart des magasins de jouets, les rayons sont encore distincts selon les genres.

Il suffit de se déplacer dans un grand magasin pour jouet pour se rendre compte des représentations sexuées dans les jeux pour enfants. Les rayons sont différents selon les sexes. Dans les étalages aux couleurs bleu, vert, jaune et rouge : des tracteurs, des voitures, du bricolage, des super-héros, des ballons de foot, des paniers de baskets … Dans le rayon à côté, où le rose attire le regard, des poupées, des dinettes, des micros, des tapis de danse, des déguisements de princesse… Selon une étude menée par l’Institution Of Engineering and Technology, publiée en 2016, 89% des jouets dits « fille » sont de couleur rose.

Les emballages renforcent cette distinction. Sur les tracteurs à pédales, on peut apercevoir un petit garçon conduire, et pour la dinette une petite fille qui cuisine.

Pour les poupées, tous les codes sexistes sont présents. Cheveux long, blonds, yeux maquillés, taille fine, hanches marquées, poitrine, jambes élancées, jupes et robes. Pour les princes, c’est corps sculpté et voiture de course. 

Les catalogues, souvent distribués dans les boîtes aux lettres contribuent aussi à la perpétuation de ces clichés sexistes. La moitié des filles des catalogues portent un vêtement rose ou violet, contre moins de 1% des garçons (35% portent du bleu). Les armes sont présentées comme jouets pour garçons dans 92% des cas.

Un compte Instagram et Twitter Pépites sexiste relai en photos le marketing sexiste des marques. Ces codes sexistes sont fortement utilisés sur les jeux pour enfants. Selon plusieurs études, le marketing selon le genre, et la mise en vente d’un jouet en deux couleurs (bleu-rose par exemple) permet aux marques de booster leurs ventes.

Selon une étude menée par l’Institution Of Engineering and Technology, publiée en 2016, 89% des jouets dits « fille » sont de couleur rose.

Des marques s’engagent pour plus de représentation  

Malgré tout, des marques tentent de casser cette division « garçon/fille ».

En 2015, le magasin U sort une publicité dans laquelle des enfants sont interrogés sur les différences entre les jouets pour les filles et les garçons. On pouvait entendre les enfants dire « si le château est rose alors c’est pour une fille, les garçons, ils jouent au pistolet, au foot et les filles elles aiment bien faire la cuisine ».

Ensuite, dans la publicité, on pouvait voir les enfants dans une salle de jeux. On y voyait une fille faire du bricolage avec une perceuse et un garçon passer l’aspirateur.

Dans leur catalogue, il n’y avait pas de jouets pour les garçons ou pour les filles « mais des jouets tout simplement ». On pouvait voir une petite fille jouer à la grue et un garçon à la poupée.

La société Mattel a commercialisé cette année 7 poupées non genrées et personnalisables.

Une société américaine de jouet : Mattel, connu pour commercialiser la fameuse « poupée Barbie » depuis 1959, a créé cette année un panel de 7 poupées non genrées. Les poupées sont personnalisables. Leurs corps ne sont reliés à aucun genre distinct. Les poupées ont toutes des couleurs de peau différentes. Elles sont vendues avec des accessoires personnalisables, comme des perruques avec cheveux longs ou courts, des pantalons ou des jupes.

Les jouets genrés réduisent le champ des représentations 

Les jeunes s’engagent moins dans des filières professionnelles allant à l’encontre des stéréotypes de genre.

La présentation des jouets véhicule des stéréotypes. Ces stéréotypes sont fortement ancrés dans notre esprit et dans la société. Les filles représentent 65% des photos concernant les jouets liés à la musique (59%) ou au dessin (73%). Les garçons sont majoritairement représentés pour les jouets scientifiques (77%).

Responsable de la perpétuation des inégalités, ces codes participent à la réduction des représentations. Au niveau professionnel par exemple, seulement 30% des filles se dirigent vers l’industrie et les filières d’ingénieurs, alors qu’elles ont de meilleurs résultats au bac scientifique. D’après l’analyse que dresse le Centre d’Information et Documentation Jeunesse (CIDJ), seuls 17% des métiers sont mixtes aujourd’hui. Les femmes représentent presque 100% des aides à domicile, 90% des aides-soignants, 87% des postes d’infirmiers et agents de services hospitaliers et 66% des salariés des sociétés de nettoyage. Trois-quarts des emplois du secteur santé sont féminins. Les femmes occupent 87% des postes d’infirmiers et déjà 51% des emplois de médecin. Enfin, le secteur du BTP seuls 12% de ses salariés sont des femmes.

Florence Devenne, directrice des ressources du CIDJ, expliquait dans un entretien pour Les Échos, qu’il est difficile de convaincre les jeunes de s’engager dans des filières allant à l’encontre des stéréotypes de genre : « Les garçons ont peur du jugement des autres, et notamment de ne plus être vus comme des vrais mecs s’ils choisissent un métier considéré comme féminin, les filles, elles, se posent plutôt la question de leur capacité à occuper un emploi supposé masculin ». 

Une charte pour une représentation mixte des jouets

Suite à ce problème de représentation et d’égalité, le gouvernement a signé le 24 septembre une charte contre les jouets sexistes pour limiter les « biais de genre ». Cet accord a été signé mardi par la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher, les industriels, les distributeurs de jouets et des associations. Elle préconise d’éviter de faire une distinction entre les genres, d’être plus inclusif. Les marques devront préférer dans le cas, par exemple, des jeux de ménage, les formulations du type « pour faire comme les grands », plutôt que « pour faire comme maman ». Mais également d’avoir des visuels qui devront être neutres ou mixtes. La charte dispose également d’un volet « formation des vendeurs ». L’objectif est qu’à l’avenir, les vendeurs soient sensibilisés et remplacent la question « C’est pour un garçon ou une fille ? » par « Qu’est-ce qu’aime l’enfant ? », ou « Quel âge a-t-il ? »

Pourtant, près de deux mois après la signature de la charte, les magasins ne semblent pas avoir changé leurs vitrines et étagères… Un premier point devra être fait en mars 2020, afin de faire le bilan sur les évolutions.

Clara Monnoyeur