Elections américaines 2020 : Changer ou non la couleur politique de la Maison blanche

Malgré la procédure d’impeachment (destitution du Président par le Congrès américain, ndlr), la campagne des primaires continue. Ils ne sont toujours une vingtaine à vouloir briguer la Présidence des Etats-Unis. Tour d’horizon des principaux candidats encore engagés dans la course des primaires.

Plus d’un an avant les prochaines élections présidentielles aux Etats-Unis, le marathon des primaires a débuté pour tous les partis, en particulier chez les démocrates qui espère laver leur demi-défaite de 2016. © AP

L’un met fin à sa campagne quand l’autre la débute. Drôle de jeu de chaise musicale qui se joue dans les primaires démocrates. Beto O’Rourke, première tête d’affiche à en être victime, est remplacé par Michael Bloomberg. Comme tous les quatre ans, au mois de novembre, la campagne pour les primaires en vue des élections présidentielles américaines a commencé. L’ancien élu du Texas à la Chambre des représentants et sensation des dernières midterms (élections de mi-mandat, ndlr) a subi cette période qui met en concurrence au sein de leur parti tous les hommes politiques américains, même le président sortant, Donald Trump, visé en ce moment par la troisième procédure d’impeachment de l’histoire des Etats-Unis.

Donald Trump, de nouveau candidat… 

Comme son prédécesseur Barack Obama, mais aussi Bill Clinton et George W. Bush avant lui, l’actuel président des États-Unis est candidat à un deuxième mandat consécutif. Donald Trump a été le premier républicain à se porter candidat, et il a même déjà annoncé son slogan. Pour succéder au célèbre “Make America Great Again”, ce sera “Keep America Great”. On le comprend, l’idée est de continuer sur sa lancée, après un mandat qui a tant fait parler. Trump est sans aucun doute le favori dans le camp républicain, mais les sondages laissent à penser que ce n’est pas une évidence de le voir à nouveau à la tête de la première puissance mondiale à la suite de ces élections. En effet, une carte évolutive des États-Unis montre à quel point l’influence des démocrates a pris place dans de nombreux états, diminuant celle des républicains. Donald Trump s’affiche donc en meneur d’un parti essoufflé, et est plus impopulaire que jamais. Hillary Clinton est d’ailleurs récemment revenue sur ses élections perdues face au milliardaire en 2016. Elle estime que Donald Trump lui a “volé” sa présidence, car elle avait récolté près de trois millions de voix de plus que son adversaire lors du vote populaire. Mais aux États-Unis, ce sont bel et bien les grands électeurs qui ont le dernier mot, et Trump en avait profité pour tout renverser. Ainsi, malgré sa très mauvaise posture dans les sondages, où il serait devancé par bon nombre de candidats démocrates, Donald Trump ne s’avoue pas vaincu. Et nombre de ses supporters de 2016 lui sont restés fidèles durant ce mandat.

… mais pas seul

Seulement, la fidélité à l’actuel président n’est pas le maître mot pour tous les membres de son parti. Depuis le 15 février dernier, William Weld, 74 ans et ancien gouverneur du Massachusetts, est également candidat pour les Républicains. Son slogan de campagne ? “One man is standing up for a better America”. On sent une proximité entre les deux slogans, les deux souhaitant une meilleure Amérique, mais dans le fond de nombreuses différences existent entre les deux programmes. Sur l’immigration, notamment, les deux avis sont largement différents. “I celebrate that America has always been a melting point” (je célèbre le fait que les États-Unis aient toujours été un point de fusion) dit-il dans son programme. Il n’hésite pas dans le même paragraphe à critiquer la politique du président actuel, se montrant différent de lui. Il déclare vouloir faciliter la tâche aux personnes voulant entrer aux États-Unis et souhaitant contribuer à l’économie du pays. Il entend par cela mettre un terme aux déportations de masse. Pour autant, il reste fidèle aux idées de Donald Trump sur certains sujets, comme le port d’arme.

William Weld est le premier parmi les républicains à s’être présenté contre Donald Trump © Gage Skidmore

Bill Weld n’est pas le seul Républicain à oser défier Donald Trump. Joe Walsh, 58 ans, fait figure de “petit jeune” à côté des deux autres, septuagénaires. Représentant du huitième district de l’Illinois entre 2011 et 2013, il a annoncé sa candidature le 25 août dernier sur le plateau de l’émission This Week diffusée sur ABC. À la différence de Bill Weld, il se rapproche plus de Donald Trump sur quelques sujets comme celui de l’immigration. Il annonce vouloir être plus “dur”quant à la politique migratoire, bien qu’il ne souhaite pas que les familles soient séparées de leurs enfants lors de leur entrée aux États-Unis. Au départ, Joe Walsh se plaçait, notamment lors de la campagne présidentielle de 2016, comme un soutien de Donald Trump. Mais, au cours du mandat de ce dernier, et en dépit de son accord sur de nombreuses politiques menées par le président, il a vivement critiqué les choix de Trump. En juillet 2018, il a même fini par considérer Trump comme “un danger pour son pays”, disant qu’il “ne le supportera plus jamais.” Promesse tenue, il lui fera face pour cette campagne.

Chez les démocrates, les “papys” font de la résistance

Pour l’emporter sur Donald Trump, le Parti démocrate mise sur ses vétérans. Les trois candidats de tête ont tous plus de 70 ans. Actuel leader des sondages, Joe Biden est à 77 ans un vieux briscard de la politique américaine. Ces primaires sont les troisièmes auxquelles ils participent, après 1988 et 2008. Les deux fois, il retire sa candidature avant la fin des primaires. Barack Obama en fera toutefois son vice-président entre 2008 et 2016. Crédité de 30% des intentions de vote, la seule chose qui semble actuellement pouvoir ralentir sa course à l’investiture démocrate, ce sont ses comptes de campagnes en large déficit.

Une alliance de Bernie Sanders et Elizabeth Warren pourrait faire mentir les sondages et bousculer l’hégémonie de Joe Biden © New York Times

Faire mentir les sondages, c’est cependant la mission que se sont donnés Bernie Sanders et Elizabeth Warren. Le sénateur du Vermont, candidat malheureux des primaires de 2016 face à Hillary Clinton, revient dans l’arène. Depuis trois ans, nombreux sont ceux qui estiment qu’il aurait pu l’emporter face à Trump. C’est d’ailleurs avec le même programme de “démocratie socialiste” que la dernière fois qu’il compte l’emporter. Couverture santé universelle, université publique gratuite et salaire minimum à 15 dollars (13,3 euros) en sont les points phares. Des propositions que partagent Elizabeth Warren. Devenue la figure de proue des démocrates après la retraite de Hillary Clinton, la sénatrice du Massachusetts est une opposante acharnée à Donald Trump et à Wall Street, dont elle souhaite mettre en place un contrôle strict. Tout deux représentent l’aile gauche du Parti démocrate et ensemble ils comptabilisent 38% des intentions de votes (22% pour Bernie Sanders et 16% pour Elizabeth Warren). Pour que leurs idées l’emportent, un des deux semble devoir se retirer. Le bras de fer n’est donc pas qu’avec Trump ou Biden.

Gare tout de même aux outsiders

Derrière les vétérans mais pas distancé, Pete Buttigieg est à la fois le benjamin et l’outsider de ces primaires. Maire de South Bend dans l’Indiana, ancien soldat durant la guerre en Irak et premier candidat ouvertement homosexuel, il se présente comme le porte-parole de sa génération. “Nous sommes la génération qui a vécu les fusillades dans les écoles, qui a combattu dans les guerres après le 11-Septembre et nous sommes la génération qui est partie pour gagner moins que nos parents à moins que nous changions les choses.” En raison de son programme est très proche du sien, Joe Biden compte sur le report des votes de ces partisans pour l’emporter en cas d’union entre Sanders et Warren.

Jeune, vétéran de l’US Army, homosexuel, Pete Buttigieg espère joue actuellement les quatrième homme. © Reuters

Après ces quatre poids lourds vient une multitude de « petits candidats ». Parmi eux, seul Michael Bloomberg, depuis l’abandon Kamala Harris le 3 décembre, semble encore pouvoir jouer les trouble-fêtes. Certes, il ne rassemble qu’un électeur sur vingt mais sa candidature est très récente. Ancien ami proche de Donald Trump et fondateur de Bloomberg TV, l’ancien maire de New York est un “swing state” fait homme, un indécis entre parti démocrate et parti républicain. Jusqu’à présent soutien de Joe Biden, il a décidé de se présenter devant les progrès qu’il juge insuffisants de son poulain dans les sondages. Pas sûr que sa candidature l’aide particulièrement puisque c’est parmi les électeurs de Biden qu’il séduit le plus. Il doit tout de même réussir à séduire rapidement. Les premiers votes des primaires démocrates auront lieu le 3 février en Iowa, un “swing state” justement.

Quelques curiosités chez les petits partis

On a tendance à l’oublier mais les partis républicain et démocrate ne sont pas les seuls partis américains. Parti vert, Parti libertarien, parti de la Constitution, parti de la réforme des Etats-Unis d’Amérique, parti communiste des Etats-Unis, parti de la justice,… toute une nébuleuse de partis mineurs gravitent dans l’ombre de ces deux mastodontes.

Le Parti vert a déjà son candidat désigné depuis le 27 août 2019 en la personne de Dario Hunter, ancien avocat en droit international de l’environnement au Canada. Son programme “The Green Party is the party of Justice – justice for the Earth and all its people” mêle revendications écologistes et progrès sociaux dans un soutien au “Green New Deal” du mouvement écologiste Sunrise (un programme également soutenu par plusieurs candidats démocrates dont Bernie Sanders et Elizabeth Warren). Avant d’exercer le droit, Hunter a enseigné en maternelle et dans une université communautaire. Une expérience visible dans son programme. Tout comme Bernie Sanders, il milite notamment pour la gratuité de l’instruction, de la maternelle à l’université. Une revendication très ambitieuse mais très populaire. Ce n’est pas le cas de toutes. Né d’une mère afro-américaine et d’un père persan, le candidat du Parti vert prône l’assouplissement des politiques migratoires, la défense des communautés amérindiennes et LGBTQIA+ ou encore l’indépendance de Puerto Rico en matière de défense des minorités et d’immigration. Pas sûr qu’avec un tel programme, le Parti vert améliore son score de 1,07%, réalisé en 2016.

A l’instar de Lord Buckethead au Royaume-Uni, Vermin Supreme joue la carte de l’absurde depuis près de deux décennies. © AP

C’est la principale attraction du parti libertarien. Vermin Supreme, 58 ans, une barbe digne de Gandalf et une botte en guise de chapeau, attire facilement les regards. Anciennement démocrate, Vermin Supreme n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il s’était également porté candidat aux quatre dernières élections présidentielles. Également humoriste et acteur, il est célèbre aux États-Unis pour un certain nombre de déclarations marquantes. Il s’autoproclame “Empereur du Nouveau Millénaire”, souhaitant créer une machine à voyager dans le temps afin d’aller “tuer le bébé Hitler à mains nues.” Un candidat qui n’est pas comme les autres. Néo-libertarien, Vermin Supreme aura face à lui dans ce parti des membres plus anciens, malgré leur plus jeune âge. Parmi eux, Max Abramson et Arvin Vohra. Le premier a 43 ans et avait candidaté en 2010 à la Chambre des Représentants du New Hampshire pour le parti républicain, avant de changer à plusieurs reprises, passant tout à tour de républicain à libertarien. Le second est un fidèle du parti, anarcho-capitaliste, à la fois auteur et éducateur. Il a participé à de nombreuses élections dans le Maryland, sans en gagner aucune. Le parti libertarien n’a de toute évidence pas le vent en poupe dans cette campagne présidentielle, le voir jouer les trouble-fêtes entre les deux partis majeurs ne semble pas prêt de se produire.

Félix Paulet et Colin Revault