Netflix, Disney +, Amazon Prime… qui remportera la mise ?

Sortes de témoin de notre société axée sur l’immédiateté, les plateformes de streaming sont devenues plus lucratives que les chaînes de télévision et plus fréquentées que les salles de cinéma. Avec l’arrivée de nouveaux concurrents comme Disney+ ou Apple TV+, ce sont en tout 12 plateformes qui co-existeront en France dès 2020, chacune proposant ses offres inédites. Alors comment faire pour se démarquer et quels sont les intérêts à s’engager dans cette ”guerre du streaming” ?

Quand on pense aux différentes offres de vidéo à la demande, il y a évidemment un nom qui vient en tête. Un nom qui semble dominer le marché depuis toujours : Netflix. Actuel leader avec près de 150 millions d’abonnés, c’est l’un des premiers à exploiter ces nouvelles pratiques de visionnage qui se sont popularisé avec l’émergence d’internet, proposant à ses utilisateurs la possibilité de visionner des milliers de films et séries à tout instant.

Un mode de consommation plus avenant que les chaînes de télévision qui privilégient la diffusion unique et en direct. Au point qu’aujourd’hui, les chaînes françaises commencent à décliner leurs contenus sur des plateformes similaires.

En plus de films et séries célèbres, Netflix propose du contenu original, produit expressément pour sa plateforme. Ainsi, certains succès critiques et populaires (Black Mirror, The Crown, Narcos ou Stranger Things) ont contribué à son image de marque. Produire un maximum de contenu original permet aux plateformes de conquérir et contrôler le public, tout en se créant une renommée qui leur est propre et non dépendante de films qu’ils ne sont pas sûrs de garder indéfiniment dans leur catalogue. Dans le cas de Netflix, c’est House of Cards, leur première création originale datant de 2013, qui est réellement à l’origine du succès. 

En 2018, la plateforme représentait 15% du trafic internet mondial. Un chiffre phénoménal qui a rapidement poussé d’autres entreprises à vouloir l’imiter. Mais ces nouveaux concurrents apparus sur le tard ont beaucoup à faire pour espérer rivaliser sur le marché du streaming.

Chacun sa stratégie

Ce ne sont pas des inconnus qui se lancent dans cette bataille. Car pour se démarquer, il faut pouvoir employer les grands moyens. En 2016 la boutique en ligne Amazon officialise son propre service de streaming, Amazon Prime Video. Bénéficiant déjà d’importants revenus par la vente de produits en ligne, la firme axe moins sa stratégie sur la quantité de productions que sur quelques gros projets marquants, ce qui lui permet notamment de proposer un très bas prix d’abonnement de 4 dollars par mois. Premier exemple et premier succès avec The Boys, série de super-héros qui a connu un certain engouement cet été. Mais bien sûr le projet qui représente à lui seul Amazon Prime Video, et pourrait lui rapporter très gros, n’est autre que la très attendue série du Seigneur des Anneaux pour laquelle l’entreprise a acquis les droits. Actuellement en phase de pré-production, elle est déjà annoncée comme la série la plus chère de tous les temps et il est évident qu’elle attirera énormément de clients.

De son côté, Disney qui a récemment acquis la 21st Century Fox pour 52,4 milliards de dollars dans l’objectif de renforcer son portefeuille de contenu de manière durable, propose avec sa plateforme Disney+ une offre assez exceptionnelle. Ce sont l’ensemble des films et séries estampillés Disney (à savoir les films d’animations, dont ceux de Pixar, la franchise Marvel mais aussi Star Wars) et Fox (avec notamment Avatar ou l’intégralité des Simpsons) qui sont disponibles à tout instant sur cette plateforme. Une action qui a également des conséquences sur les autres services de streaming, qui verront l’ensemble de ces films disparaître de leurs catalogues respectifs. Et c’est notamment un coup dur pour Netflix qui possédait une sélection de films Marvel.

Prévu pour le printemps 2020, HBO Max devrait également chambouler le tableau, spécifiquement sur le registre des séries. Combiné aux studios Warner Bros, qui enlèveront donc eux aussi leurs programmes (comme les mastodontes que sont Friends et The Office) des autres plateformes, ce nouveau concurrent proposera également l’ensemble des séries de la chaîne HBO, considérée comme la référence absolue en matière de productions télévisée. Ce sont ainsi des séries de renom comme Game of Thrones, The Sopranos, The Wire, Six Feet Under, Big Little Lies, Westworld ou encore Watchmen qui y seront disponibles en exclusivité. Mais Warner Bros, ce sont aussi des films, comme la saga Harry Potter, la franchise de super-héros DC, puis les sociétés de production New Line Cinema (à qui l’on doit la trilogie Le Seigneur des Anneaux) et Adultswim, célèbre pour sa série d’animation Rick et Morty.

L’importance du contenu original

L’explosion du nombre de plateformes entraîne bien évidemment une concurrence de plus en plus importante. Et à mesure que de nouveaux concurrents entrent dans cette course au streaming, les studios hollywoodiens historiques, auxquels Netflix et compagnie louent un grand nombre de films, pourraient vouloir récupérer ces contenus sous licence pour les diffuser sur leurs propres plateformes. La proposition de contenus originaux devient alors l’unique source de plus-value, voire une obligation si l’on souhaite empêcher son catalogue d’indéfiniment se vider. Une fois ces différents services de streaming bien ancrés, il faut parvenir à fidéliser l’utilisateur on lui offrant régulièrement quelque chose de neuf, c’est pourquoi Netflix se fixe un objectif de 50% de contenus originaux dans les prochaines années. 

Chacun propose ainsi ses nouveaux contenus phares. Disney+ lance The Mandalorian, sa série dérivée de Star Wars et un succès immédiat puisqu’elle est devenue en seulement deux semaines la série numéro un du streaming aux Etats-Unis, devant l’œuvre phare de Netflix : Stranger Things. D’autres projets dérivés de ces franchies, notamment plusieurs séries dans l’univers des héros Marvel, toutes d’un budget de 100 millions de dollars, verront bientôt le jour sur Disney+. La firme aux grandes oreilles capitalise fortement sur le succès de ses célèbres personnages en expliquant qu’il sera nécessaire de voir ces séries (et donc, par extension, de s’abonner à Disney+) si l’on souhaite tout comprendre aux futurs films qui sortiront dans les salles de cinéma.

Certains, ne bénéficiant pas de franchises à décliner, tentent d’en instaurer de nouvelles et cherchent à y associer de grands noms pour rendre ces nouveaux projets attractifs. Une technique qu’utilise déjà Netflix depuis plusieurs années (on compte des collaborations avec Alfonso Cuaron, David Fincher, Steven Soderbergh ou encore Martin Scorsese) et qu’Apple TV+ a également adopté : The Morning Show, avec Jennifer Aniston en tête d’affiche, fait partie de ses huit projets qui accumulent un budget total de cinq milliards de dollars. Une somme importante qui s’explique par les salaires stratosphériques accordés aux différents acteurs, sur lesquels le succès des séries dépend fortement.

Alors qui est l’actuel favori pour inquiéter Netflix parmi ces principaux concurrents ? Pour l’heure il semblerait que cela soit Disney+, qui n’est pas encore disponible en France mais comptait déjà plus de 10 millions d’abonnés 24h après son lancement. Grâce à son chiffre d’affaire annuel monstrueux qui se compte en centaines de milliards de dollars, Disney peut sacrifier les prix et proposer une offre inférieure à celle de tous les concurrents actuels (qui sera de 7€ par mois et disponible en France partir du 31 mars 2020), Netflix compris. Bien sûr, Apple TV+ (5$ par mois) et Amazon Prime Video (6€ par mois) proposent également des prix inférieurs, mais comportent beaucoup moins de programmes attractifs. À l’inverse, Disney+ bénéficie justement, dès son lancement, d’une abondance de films que tous chérissent. La plateforme semble notamment être bon un investissement pour les familles qui disposent ainsi d’une sélection presque illimitée de films d’animation.

Le téléchargement illégal, grand gagnant ?

La multiplication du nombre de plateformes comporte pourtant un risque certain pour l’industrie audiovisuelle. Le consommateur se retrouve dans l’obligation de posséder plusieurs abonnements s’il souhaite accéder légalement à un grand nombre de contenus. Un budget mensuel de près de cent euros serait alors nécessaire pour à la fois bénéficier des services de Netflix, Disney+, Apple TV+, Amazon Prime Vidéo, sans parler de Canal + et OCS. Une situation que personne n’envisage et qui devrait rapidement voir le marché se fractionner. Et c’est aussi pour cela que les premiers arrivés seront toujours les plus avantagés : si l’on est déjà abonné à Netflix, pourquoi changer ?

Mais l’autre conséquence possible de cette guerre du streaming, c’est le développement, voire l’explosion du marché illégal et du piratage. À titre de comparaison, les nombreux revirements de l’offre sportive en France, avec la diversification des offres et des chaînes, ont encouragé plus d’un consommateur à se tourner vers les sites de streaming illégaux. Le parallèle peut être fait car les offres de ces chaînes sportives sont finalement assez proches des plateformes de streaming. Le risque semble donc non négligeable et à surveiller avec importance afin d’éviter que le trop grand nombre de plateformes ne finisse par lasser. Et qu’à l’arrivée, toutes soient perdantes. 

Martin Bizeray, Thomas Gallon