janvier 03

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Julian Assange : Retour sur 9 années de traque

Alors que la Grande Bretagne doit rendre son verdict avant février 2020 quant à l’extradition vers les États-Unis du fondateur de Wikileaks, revenons sur cette affaire qui est un symbole de la condition des lanceurs d’alerte dans le monde.

Depuis sa création, Wikileaks a révélé plusieurs millions de documents confidentiels. ©numerama.com

Le nom de Julian Assange ne vous dit peut être rien, et pourtant il est au cœur de multiples tensions diplomatiques depuis près de dix ans. Cet australien est le créateur du site Wikileaks, un site internet qui est à l’origine de la publication de millions de documents compromettants pour les gouvernements du monde entier. Créé en 2010, les révélations publiées par le site sont rapidement reprises par cinq des plus grands médias internationaux. The Guardian,  Le Monde, The New York Times, Der Spiegel et El Pais.

La raison de rassembler les révélations de lanceurs d’alerte sur un même site a pour but de protéger les sources et de tenter de leur permettre de garder l’anonymat. La première grande affaire révélée par Wikileaks concerne une intervention de l’armée Américaine en Irak. Les documents révèlent qu’un raid américain a conduit à la mort deux journalistes de Reuters. Cette information est publiée par la lanceuse d’alerte Chelsea Manning via le site de Julian Assange.

Elle vaudra à la lanceuse d’alerte une peine de 35 années de prison. Sentence qui sera fortement réduite par Barack Obama. Avec cette affaire, le monde découvre Wikileaks et Julian Assange devient alors l’un des hommes les plus recherchés par les services de renseignements américains. Le gouvernement américain a depuis une obsession, celle d’obtenir l’extradition du porte parole de Wikileaks afin de pouvoir le juger aux États-Unis.

 L’ambassade d’Equateur comme refuge

En Décembre 2010, Julian Assange est emprisonné en Suède pour une raison indépendante à son activité de pirate informatique. En effet, le hacker est accusé d’agression sexuelle. Il est libéré et décide de se réfugier dans l’ambassade équatorienne de Londres.

Julian Assange ne cesse de clamer son innocence dans cette affaire et accuse les États-Unis d’être derrière cette accusation dans le but d’obtenir son extradition. Le fondateur de Wikileaks restera 7 ans dans l’ambassade équatorienne jusqu’à ce que la plainte pour agression sexuelle soit classée sans suite. Il obtient la même année la nationalité Équatorienne. Cependant, les relations avec le gouvernement équatorien sont tendues. Les raisons de ces tensions, un accord passé entre Lenin Moreno, chef du gouvernement équatorien et Julian Assange. Un accord qui vise à contrôler les communications du lanceur d’alerte contre la protection de l’état équatorien.

Le 2 avril 2019 soit deux ans après l’obtention de la nationalité équatorienne, Lenin Moreno annonce qu’Assange a violé l’accord qui le liait à l’Equateur à plusieurs reprises. Il menace alors de lui retirer l’asile politique. Neuf jours plus tard, Assange, qui est toujours visé par un mandat d’arrêt européen est arrêté au sein même de l’ambassade d’Équateur.

Aujourd’hui, Julian Assange est toujours en détention à Londres en attendant une possible extradition vers les Etats-Unis où il risque jusqu’à 175 ans de prison. L’état de santé de Assange lors de ses audiences a semblé plus que préoccupant pour de nombreux médecins qui ont lancé une pétition afin de demander un traitement humain du lanceur d’alerte qui est placé à l’isolement 22h sur 24. Lors de l’audience, Assange tenait à peine debout, parlait avec une difficulté extrême et semblait avoir pris une bonne dizaine d’années par rapport à son état lors de son arrestation.

La position inconfortable du Royame-Uni

La demande d’extradition de Julian Assange est vivement contestée. De nombreux médias français ont demandé au Royaume Uni de refuser l’extradition du hacker australien vers les Etats-Unis. C’est le cas du nouvel Observateur qui a rédigé une tribune intitulée « N’extradez pas Julian Assange ! » Dans cette tribune, on nous explique que les informations dévoilées par Julian Assange ont toutes été utiles à l’intérêt public et que comme les poursuites pour viol ont été classées sans suite, l’extradition serait totalement stupide.

Cependant, la situation du gouvernement britannique est difficile à tenir parce qu’en cas de refus de l’extradition d’Assange, une crise diplomatique entre le Royaume-Uni et les USA est à craindre. Alors que le gouvernement est en froid avec les principaux gouvernements européens en raison du Brexit, les États-Unis sont actuellement leur allié le plus fort. D’un point de vue géopolitique, il ne serait donc pas bon du tout pour les britanniques de refuser l’extradition du lanceur d’alerte. La justice britannique annoncera l’extradition ou non de Julian Assange vers les États-Unis en Février 2020.

Le cas de Julian Assange rappelle un autre cas, celui d’ Edward Snowden qui avait révélé un système de surveillance massive de l’internet par les services de renseignements américains. Poursuivi par le gouvernement américain, il s’était vu refuser l’asile politique dans de nombreux pays européens y compris par la France. Il avait finalement trouvé refuge en Russie. En 2019, il réitère sa demande d’asile en France, une demande également déboutée par le gouvernement français.

Ces deux cas révèlent un véritable malaise autour de l’accueil des lanceurs d’alerte dans les pays européens. Plus globalement, ils posent le problème de la sécurité et du statut des lanceurs d’alerte à travers le monde.

Martin Bizeray