
« 20 Novembre » : une pièce de théâtre pointe du doigt les fusillades scolaires.
Lars Noren, poète et dramaturge suédois, écrit un récit inspiré du journal personnel de Sebastian Bosse. Ce jeune allemand de 18 ans a fait une tentative de fusillade le 20 novembre 2006. Samuel Charieras interprète avec force ce texte saisissant au Théâtre National de Nice. (TNN)

Samuel Charieras en pleine performance incarnant Sebastian Bosse au Théâtre National de Nice. (Crédit photo : extrait de la bande annonce sur le site officiel du TNN)
Un homme seul. Vêtu de noir. Visage fermé. La salle du TNN est remplie ce mercredi 8 janvier et les spectateurs sont immédiatement emportés dans l’univers obscur de Sebastian Bosse. Ce jeune homme de 18 ans rempli de haine et de tristesse est incarné par Samuel Charieras. Harcelé lors de sa scolarité, il n’a qu’une seule volonté : « tuer le plus grand nombre de ses professeurs et camarades ». Cette tuerie est pour lui le plan idéal afin de retrouver une forme de paix intérieure. On observe ce personnage terrifiant qui se contorsionne, sa capuche lui recouvrant entièrement le visage. Le spectateur le voit se recroqueviller comme si ses pensées allaient l’envahir, l’étouffer et finalement le tuer. Car cet acte irréparable a connu qu’une seule victime : lui-même.
Samuel Charieras s’interroge sur le mécanisme de cet acte terrible : « Quelle souffrance pousse ces hommes à passer à l’acte ? ». Cette pièce tente d’établir un « écho au vide qui entoure ces questions ». Ces questions sont au cœur d’actualité. La dernière fusillade en date aux États-Unis a tué 2 personnes et blessé grièvement 3 autres le 14 novembre 2019 dans un lycée de Los Angeles. La violence devient un fait récurrent dans les milieux scolaires. Sebastian Bosse ou encore Eric Harris et Dylan Klebold, les deux meurtriers de la fusillade de Columbine, sont des élèves qui commettent l’irréparable.
Samuel Charieras joue ce jeune homme rempli de haine face à l’École mais aussi de dégoût face à la société capitaliste. Selon les propos virulents de Sebastian Bosse, cette société nous emprisonne plus qu’elle nous émancipe. Le spectateur est immédiatement interpellé par le personnage. « Et vous, vous avez le temps et l’argent pour venir me voir ? Bien habillé comme vous êtes ». Il nous parle et remet en question notre façon de vivre, notre « naïveté » face à cette société qui prétend tout nous offrir. Il établit également tout une réflexion sur l’égoïsme qui habite chaque individu : « « je » est le mot le plus employé dans le monde » nous apprend-il.
Seul sur scène pendant 1h20, Samuel Charieras occupe l’espace de façon dynamique. Le cube, seul objet de la pièce, bouge et prend la forme d’un labyrinthe. Les dessins étranges de Nino, dessinateur pour la pièce, sont projetés sur ce cube. La musique s’emballe au fur et à mesure que l’heure du massacre approche. Le personnage se met à faire 3 fois le tour du labyrinthe, slalomant entre les murs en marche arrière, comme pour tenter d’échapper à sa condition. Ses pensées divaguent, il ne se contrôle plus et laisse celles-ci prendre le dessus.
Un monologue poignant qui donne des frissons. L’impression d’être face à un tueur est réelle. Cette figure de monstre n’est finalement qu’un jeune détruit, ayant perdu tout espoir en ce monde. En sortant de cette pièce, le spectateur est bouleversé et remet en question sa propre place dans cette société qui tue les plus fragiles.
Elodie Radenac