
Le propriétaire du club d’Hoffenheim, Dietmar Hopp, pris en grippe par des supporters

Samedi 29 février, lors de la rencontre ayant opposé Hoffenheim au Bayern Munich pour le compte de la vingt-quatrième journée de Bundesliga, des supporters munichois ont provoqué l’interruption de la partie en fin de match. La raison : des banderoles offensantes déployées à l’encontre de Dietmar Hopp, actionnaire majoritaire du TSG 1899 Hoffenheim.
Dietmar Hopp contrôle Hoffenheim depuis près de 30 ans. Cet entrepreneur fortuné est à l’origine de la folle montée en puissance du club de l’Etat du Bade-Wurtemberg. Il a permis à « Hoffe » de passer de la cinquième division allemande à la Bundesliga (première division de football). À coups de millions, l’homme d’affaires a contribué à faire de ce club (représentant une petite ville de 5 000 habitants) un membre récurrent du top 10 allemand (cinq fois lors des six dernières saisons). Le club finit d’ailleurs sur le podium de Bundesliga en 2018.
Un rejet du modèle politico-économique d’Hoffenheim
Mais cette réussite et les moyens employés par Dietmar Hopp dérangent. Celui qui détient la quasi-totalité des parts du club allemand n’est pas soumis à la même règle que les autres clubs concernant l’actionnariat. Car il est normalement impossible de détenir plus de 49% des parts d’un club de football en vertu de la règle du 50+1. Le patron des bleus et blancs détient donc quasiment le monopole de la gestion et de l’investissement.
Cet élément ne fait qu’exacerber les tensions avec les supporters d’autres équipes de l’élite. Cela s’est donc une nouvelle fois fait ressentir le 29 février dernier à la PreZero Arena, lors de la déroute subie par Hoffenheim face au Bayern Munich, avec une victoire 6-0 de ces derniers. À la 76ème minute, l’arbitre de la rencontre arrête le match après le déploiement de banderoles insultantes de la part des supporters qui remettent donc en cause la gestion politique et financière du club d’Hoffenheim.
Ces débordements découlent d’un certain engagement politique caractérisé de la part des fans bavarois. Des banderoles contre l’homophobie et le racisme sont régulièrement déployées. Leur rivalité avec le club de Schalke repose d’ailleurs sur une ancienne opposition politique. Par son règne sur le football allemand pendant le régime nazi, Schalke avait les faveurs de ce dernier. En témoigne cet article d’Olivier Villepreux écrit en 2006 pour Libération : « Schalke 04, seul club d’allemagne ». Alors qu’à l’époque, le Bayern était qualifié de « club des Juifs » comme l’explique Dieter Schulze-Marmeling dans son ouvrage : Le FC Bayern et ses Juifs (2011). La tradition est toujours valable : la Parti Social Démocrate (Centre gauche) domine globalement la vie politique munichoise depuis les années 1990 (25 sièges sur 80 au conseil municipal).
Mais cette institution du Bayern est aussi un symbole de longévité. Créé en 1900, ce club de Munich construit peu à peu sa « légende », avec un palmarès qui s’étoffe dès la fin des années 1960 (4 fois champions d’Allemagne entre 1969 et 1973). Ce club de football est symptomatique d’une société allemande qui promeut d’ordinaire le travail collectif, avant d’arriver à un certain niveau. Tout le contraire d’Hoffenheim en football donc, où un seul homme ayant fait fortune avec sa société d’informatique a suffit à monter un club qui s’est, en quelques années seulement, installé dans l’élite.
Un climat délétère généralisé
Qualifié de « club en plastique », Hoffenheim, ainsi que son dirigeant, dérangent et apparaissent comme des symboles d’un football où l’argent prédomine. Et c’est Dietmar Hopp qui endosse le rôle de tête de turc, en bon représentant d’un football toujours plus financiarisé. Dans les tribunes : cris, pancartes, et insultes viennent renforcer une austérité déjà bien importante. Karl-Heinz Rummenigge, le président du club munichois en veut d’ailleurs à ses supporters : « Ce qui s’est passé dans les tribunes est inexcusable, c’était le mauvais visage du Bayern Munich (…) j’ai tout de suite pris l’initiative de m’excuser auprès de Dietmar Hopp ».
Mais cet « évènement » généré par une partie des fans munichois qui avaient fait le déplacement n’est pas un cas isolé. Les supporters du club ennemi, le Borussia Dortmund, déjà coutumiers du fait, ont proféré des insultes lors du match face à Fribourg, le même jour. Ils sont en conséquence interdits de déplacement à Hoffenheim pour les trois prochains matchs.

Le club ouvrier de la capitale allemande : l’Union Berlin, a aussi vu ses supporters prendre pour cible le patron d’Hoffenheim, provoquant l’arrêt du jeu à la 43ème minute de la partie. Insultes et banderoles étaient une nouvelle fois de sortie, le dimanche 1er février. L’Union est souvent qualifié de « club rebelle ». Et ce n’est pas sans raison. Le club a connu le régime communiste de l’ex-RDA. Un régime qui était aussi bien décrié en tribunes que sur le terrain. En plein match, les joueurs hurlaient parfois : « le mur doit disparaitre ».
Souvent décrits comme anarchistes, les supporters Unioners ont donc conservé cet esprit rebelle, menés par certains groupes ultras de mouvance socialiste. Imprégnés d’un esprit de contestation de l’autorité, c’est dans une certaine logique qu’ils rejettent le modèle mis en place par Dietmar Hopp, magnat du contrôle à Hoffenheim. Ce dernier possède 96% des droits de vote au conseil d’administration de la société gérant le club…
En Allemagne, les amateurs de football sont donc bien décidés à affirmer leur rejet du football business, même si la manière employée, peu subtile, laisse à désirer.
Toutefois, les clubs n’hésitent pas à dénoncer ce type de comportements : les joueurs du Bayern se sont arrêtés de jouer et le staff est allé calmer ses supporters. Dans le même registre, le FC Schalke 04 a annoncé dans un communiqué que les joueurs du club du Ruhr quitteraient la pelouse si des évènements de ce genre venaient à se reproduire dans le futur.
Dorian VIDAL et les membres du Douzième Homme : Théo SIVAZLIAN, Loic BESSIERE, Corentin SACHET et Mathéo GIRARD.