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Idlib : la plus grande crise humanitaire passée sous silence.

La Syrie est confrontée à une guerre complexe et une crise humanitaire sans précédent qui mêle la Russie et la Turquie laissant la coalition internationale hors-jeu.

Le 19 Février 2020, un avion a effectué la liaison entre Damas et Alep. Depuis 8 ans cela ne s’était jamais produit. Ce vol a transporté des journalistes et les ministres du transport et du tourisme. C’est un événement pour le gouvernement qui reprend petit à petit possession de son territoire. En effet cela lui permet maintenant de relier la capitale Damas à son poumon économique Alep. Un début dans la reconquête du territoire syrien par le régime de Bachar Al Assad.

En effet, la Syrie exsangue, subit la guerre civile depuis maintenant 9 ans. En 2011, une partie de la population s’est soulevée face au régime de Bachar Al Assad et a constitué une opposition armée : l’Armée Syrienne Libre (ASL). Cette guerre oppose donc de nombreux acteurs dont : les groupes islamistes radicaux (Al Nostra, une branche syrienne d’Al Qaida), les rebelles de l’ASL et le gouvernement syrien soutenu par la Russie et l’Iran. De par la multitude d’acteurs, la situation est d’autant plus complexe. Depuis le départ des troupes américaines en 2019, le régime de Bachar Al Assad a repris possession de 80% de son territoire et les groupes rebelles et terroristes sont repoussés dans leur retranchement dans la région d’Idlib, au Nord-Est du pays.  Cette reconquête signifie-t-elle la fin de cette guerre ou au contraire une nouvelle étape ?

Carte des zones de contrôle en Syrie en 2020. Extrait débat sur France 24 : « Syrie : Idleb, l’ultime bataille d’Assad ? » https://www.youtube.com/watch?v=J8pvIZjZLPQ

Les grands oubliés de ce conflit au cœur du bastion de la guerre

900 000 personnes déplacées, plus de 350 000 morts. Les civils sont les grands oubliés de ce conflit sans fin. Sous les bombardements incessants des aviations militaires Russes visant des hôpitaux, des écoles, les habitants de cette région fuient et vivent désormais sous un toit de fortune. Lors des températures négatives l’hiver, les conditions sanitaires sont déplorables. En ce moment, les enfants meurent de froid. 80% des réfugiés sont des femmes et des enfants selon l’ONU (article du Monde de Benjamin Barthe publié le 29/02/2020). Les bombardements, les combats au sol, le manque de nourriture et de lieu décent pour vivre : voici le quotidien de près d’un million de personne ! Le Régime syrien veut éradiquer terroristes et rebelles sans épargner son peuple. Reprendre le contrôle de la région d’Idlib à n’importe quel prix. Cette crise humanitaire est la plus grande jamais connu depuis le début du conflit selon l’ONU. Elle parle même de « la plus grande histoire d’horreur humanitaire du XXIème siècle. »

Idlib est la dernière poche rebelle syrienne mais elle compte également 3 millions de civils. Pourquoi cette partie du pays suscite-t-elle tant de conflit ? Tous les indésirables du régime y sont regroupés : civils exilés, rebelles, djihadistes. En 2018, la zone est contrôlée à 60% par le groupe djihadiste Hayat Tahrir al Cham composé des ex-membres d’Al Nostra. Quelques dizaines de milliers de groupes islamistes radicalisés prennent le pouvoir sur les rebelles. Bachar Al Assad veut reprendre l’autoroute M5 reliant Alep à Damas. Cette route, indispensable à la communication des deux plus grandes villes du pays, traverse la région d’Idlib. Cette région est également riche d’un point de vue agricole et regorge de ressources afin de subvenir aux besoins de la population. Enfin, à proximité, se trouve le fief de la dynastie des Assad : la ville de Lattaquié. Une ville à protéger face aux rebelles et djihadistes qui constituent une menace pour le régime. Finalement, cette région est un bastion gardé par les groupes radicaux islamistes et convoité par le régime syrien. Même si cette guerre ne semble pas préoccuper la coalition internationale, elle suscite l’intérêt de la Turquie et la Russie.

Idlib : théâtre de la tension Turquo-Russe

La Russie est un soutien incontournable du régime. En effet, l’armée syrienne est affaiblie par ces 9 années de guerre. L’aviation militaire de Vladimir Poutine est un besoin vital pour Bachar al Assad qui tend à s’effacer derrière la puissance russe. Mais la tension politico-militaire s’intensifie entre La Russie et la Turquie, pays frontalier de la Syrie. Erdogan et Poutine avait convenu d’un cessez le feu lors des accords d’Astana en 2017 mais la désescalade militaire n’a jamais vu le jour. La Turquie maintient ses convictions : ne plus accueillir de réfugiés syriens et protéger ses frontières. Depuis 2011, 3,5 millions de syriens ont trouvé refuge en Turquie. Les civils syriens ne sont pas la seule préoccupation du gouvernement turque qui s’inquiète de la création d’un futur Kurdistan à sa frontière. Une offensive à terre et l’installation de postes d’observations : Idlib devient un bouclier turc.

Silence de la coalition internationale

La situation relève d’une grande complexité cependant des centaines de milliers de personnes subissent un sort tragique et la coalition internationale reste de marbre. Ce silence occidental laisse les puissances agir librement. Au conseil de sécurité de l’ONU, la Russie et la Chine posent pour la 14ème fois leur droit de véto pour empêcher l’intervention de la coalition internationale. Depuis, Trump a décidé de retirer ses troupes des terres syriennes. Tant d’actions qui laissent penser que la vie des civils syriens n’en vaut pas la peine. Pourtant, « Il y a six semaines, un panel d’experts indépendants, nommé par l’ONU, a pour la première fois reconnu la Russie coupable de bombardements en Syrie, et donc de « crimes de guerre », mais leur rapport a fait peu de bruit » (Article du Monde écrit par Carrie Nooten le 10 avril 2020). Finalement, l’arrivée du Coronavirus dans le quotidien du monde entier a effacé cette triste réalité pourtant d’actualité.

Elodie Radenac