
Le journalisme de solutions : une solution pour le journalisme ?
L’heure des « médias de solutions » a sonné pour le journaliste et fondateur de l’ONG Reporters d’espoirs Gilles Vanderpooten. Dans son dernier ouvrage, Imaginer le monde de demain – Le rôle positif des médias, il analyse cette nouvelle façon de faire du journalisme à travers une approche constructive.

Photo Compte Twitter – Gilles Vanderpooten
« Le journalisme de solutions, c’est un journalisme qui s’intéresse à la fois aux grands problèmes du Monde, aux grands défis mais qui ne se contente pas de constater que ces problèmes existent ».
Le journaliste et entrepreneur social Gilles Vanderpooten détaille, dans son dernier ouvrage paru en juillet 2020 Imaginer le monde de demain – Le rôle positif des médias, l’histoire du journalisme de solutions et ses apports pour la société. Cette nouvelle forme de journalisme s’intéresse aux « efforts qui sont entrepris, aux actions concrètes de terrain ». Il va même jusqu’à bouleverser les lignes éditoriales classiques. Du côté de la presse quotidienne régionale l’exemple de Nice-Matin et de sa rubrique « solutions » est abordée plusieurs fois dans le livre de Gilles Vanderpooten. Le journal a développé une ligne éditoriale « très axée sur les initiatives locales » avec des panels de lecteur. Pour Gilles Vanderpooten, c’est le moyen de recréer de la confiance : « le lecteur voit comment est fabriquée l’information ».
Une réponse à la crise de la presse
Les médias peinent à répondre à de nombreuses problématiques. C’est pourquoi le journalisme de solutions cherche à « raconter des histoires authentiques et qui puissent offrir des perspectives aux gens » comme l’explique Gilles Vanderpooten. Le but est de permettre à chaque citoyen de se projeter dans la résolution des problèmes, un appel à l’engagement « sans céder à l’individualisme, au sensationnalisme ou à la course à l’audimat ». Et cela passe par des choix et une transformation totale du mécanisme. L’auteur appelle à un travail de terrain, de fond, dans les territoires et tourné vers les solutions.
Gilles Vanderpooten n’oublie pas de mentionner la crise financière que traverse la presse qui réduit la possibilité d’un journalisme avec moins de contraintes de temps et d’argent. C’est pour cela que le journalisme dit « de solutions » ne cherche pas à cacher les difficultés, les crises. Au contraire, il pousse à les comprendre pour se projeter dans l’avenir à travers des initiatives constructives. « S’intéresser aux problèmes quand ils arrivent et aux solutions quand elles existent permet de recréer de la confiance » affirme l’auteur Gilles Vanderpooten. L’ONG Reporter d’Espoirs, dirigée par ce dernier, milite pour la démocratisation d’un journalisme constructif avec un collectif de journalistes et de reporters. Elle propose de définir le journalisme de solutions comme celui qui « analyse et diffuse la connaissance d’initiatives et d’histoires de résilience apportant des réponses concrètes et potentiellement reproductibles à des problèmes économiques, sociétaux ou écologiques ». Face à la crise actuelle liée à la Covid-19, « certains médias ont fait preuve de beaucoup de pédagogie et ont essayé de ne pas nous confiner dans l’anxiogène » livre l’auteur.
Le rôle positif des médias
Face au rythme haletant des chaînes d’information en continu, le « journalisme constructif » propose « une information au service du bien commun, sans compromis, courageuse, incisive ; en même temps qu’humaniste, aidant à réfléchir sur la société et sur le monde ». Ce rôle positif des médias est parfois mal perçu en raison de son optimisme. D’après le biologiste et écrivain Joël de Rosnay, « les personnes qui émettent des avis ou des commentaires négatifs apparaissent généralement plus intelligentes que celles qui s’expriment de manière positive ou optimiste ». Présenter les problématiques du XXIe siècle sans plonger le lecteur dans une spirale de termes angoissants et de métaphores anxiogènes est un des buts du journalisme constructif. Les mots ont leur importance et Gilles Vanderpooten le rappelle en citant dans son ouvrage une certaine tonalité du vocable journalistique : « les quartiers chauds », « la tension palpable », « un échec cuisant » ou encore la très entendue « jungle de Calais ». Grâce à « la force du terrain », Gilles Vanderpooten souhaite améliorer la capacité à « entrainer, enthousiasmer et, pourquoi pas, essaimer ». Il souhaite un journalisme capable d’« éclairer » en s’éloignant des lieux communs par un regard à la fois curieux et critique. « On n’aide pas à élever l’esprit public si on confine les gens dans la peur. Élever l’esprit public c’est développer le regard critique des gens sur le monde : c’est donc leur montrer la complexité, la variété, la diversité du Monde » affirme-t-il.
L’auteur est confiant dans la capacité de la presse à résister et innover. « Les expérimentations, les résultats, les demandes sont là » selon Gilles Vanderpooten. Alors que les problèmes ne font plus nécessairement « vendre » du papier ou des abonnements, leur alliance avec les solutions si. Libération génère + 24% de ventes sur ses éditions « solutions » et Nice-Matin constate 2,8 fois plus de vues et un temps de lecture quatre fois supérieur pour ses articles constructifs rapporte le journaliste. Éric Fottorino, fondateur de l’hebdomadaire Le 1, qui traite d’une question de fond chaque semaine, rédige la postface de l’ouvrage de Gilles Vanderpooten. Il dit « entreprendre cette démarche constructive » dans les médias qu’il crée : « ma démarche est fondée sur l’idée que plus on multiplie les regards, plus on peut porter sur le monde qui nous environne un jugement constructif. »
Joseph Grosjean