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À Cannes et partout en France, les étudiants en école de journalisme luttent contre l’article 24
Depuis l’adoption de l’article 24 de la loi de sécurité globale, qui impose le floutage sur les visages des policiers, les étudiants journalistes craignent la perte de liberté pour la presse, et de voir leur futur métier s’effondrer.

Vendredi 20 novembre, l’article 24 de la loi de sécurité globale a été adopté par l’Assemblée nationale, après plus de quatre heures de discussions. Le vote solennel aura tout de même lieu le mardi 24 novembre. Avant même que cet article soit adopté, beaucoup de citoyens le contestaient, au nom de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Un mouvement avait été lancé sur les réseaux sociaux à coup d’hashtag, comme #StopLoiSecuriteGlobale. Pour le ministère de l’Intérieur et les syndicats de police cet article 24 a pour but de « protéger ceux qui nous protègent », en l’occurrence les policiers et les gendarmes. Le texte de loi pénalisera d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende quiconque diffuse « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un membre des forces de l’ordre, puisque cette diffusion aurait pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique ». En plus des citoyens, énormément de journalistes mettent en doute l’article 24 de la loi de sécurité globale, qu’ils considèrent comme une atteinte à la liberté d’informer. En théorie, seul le numéro de matricule des policiers et gendarmes peut être visible, afin d’identifier l’individu si besoin. Selon les rapporteurs du texte « il ne s’agit en aucun cas d’empêcher les journalistes de travailler » ou d’une atteinte « au droit d’informer des journalistes ou des citoyens ». Le floutage des visages risque d’être difficile à mettre en place lorsque des journalistes filment des violences policières en direct. Ne seront-ils pas empêchés de le faire au nom de l’article 24 ?
« On étudie après tout pour devenir journaliste et on ne veut pas que notre métier perde de son sens »
Citoyens et journalistes ne sont pas les seuls à avoir entamé une lutte contre l’article 24. Par corrélation, une partie des étudiants des écoles de journalisme de France se sont mobilisés, en espérant pouvoir faire changer les choses pour l’avenir de leur métier. « On veut lutter contre cette loi qui nous prive, du moins nous privera clairement de nos droits fondamentaux en tant que citoyens, mais surtout en tant que futur(e)s journalistes » explique Agathe, étudiante en licence professionnelle à l’école de journalisme de Cannes (EJC). « Nos revendications sont tout bonnement le retrait de cette loi, puisqu’elle nuit à la liberté de la presse » renchérit Justine, une étudiante en deuxième année à cette même école. Presque tous engagés, ils insistent sur le fait que tout policier devrait être capable de répondre de ses actions. Les journalistes de demain craignent que les forces de l’ordre s’opposent d’autant plus – en faisant usage de la force – à être filmés ou photographiés. Pourtant c’est tout à fait légal dans l’espace publique.
« C’est important de montrer qu’on n’allait pas se laisser dicter l’avenir de notre profession sans rien faire »
Des grandes manifestations contre la loi sécurité globale étaient prévues en France, notamment à Paris et Lille. Les étudiants cannois ont battu le rappel pour être présents à celle de Nice samedi 21 novembre. Ils étaient également accompagnés de jeunes du collectif Uni.e.s Nice qui était aussi là pour la liberté de la presse. C’était principalement une manifestation contre le confinement, il y avait des gilets jaunes, des antivax et des anti-masques, ce n’était donc pas organisée exclusivement contre l’article 24. À ce propos, Juliette, étudiante en première année, précise : « on essayait de se démarquer en tant qu’étudiants en journalisme avec nos pancartes et nos banderoles ». S’ils ne manquent pas de volonté, plusieurs médias locaux ne les ont quand même pas cités comme étant présent à cette manifestation, même si Le Monde l’a fait.

Depuis le 4 novembre, les étudiants des quatorze écoles de journalisme reconnues se retrouvent chaque mercredi pour une visioconférence et échange avec un/une journaliste. C’est une initiative collective mise en place dans le but de continuer d’apprendre même si les cours sont en distanciels. « Lors de ces appels zoom, nous (les étudiants de l’EJC) avons soulevé le débat sur l’article 24, expliquant que nous voulions agir contre. Beaucoup d’étudiants des autres écoles étaient d’accord, nous avons donc décidé de nous mobiliser » raconte Justine. Les étudiants des autres écoles ont manifesté un peu partout en France et un projet commun est en cours : « le Collectif des étudiant.es journalistes ». Les étudiants des quatorze écoles de journalisme reconnues, mais pas seulement, se sont regroupés et ont posté une seule vidéo lundi 23 novembre, contre l’article 24 de la loi sécurité globale. Cette vidéo publié sur les réseaux sociaux exprime leurs émotions face à cette violation de la liberté de la presse. Sur Twitter notamment, elle a atteint plus de 25 000 vues, et plusieurs médias et journalistes l’ont relayé. Quoi qu’il advienne, l’avenir du journalisme français luttera encore et encore pour cette liberté de la presse, si importante à ses yeux.
Samuel Burel