décembre 03

Prouvènço Nacioun ou le rêve d’une Provence autonome

Image tirée d’une manifestation organisée par Prouvènço Nacioun.
Crédit photo : https://twitter.com/pnacioun

En septembre 2017, à la veille d’un immense mouvement d’indépendance qui allait secouer la Catalogne et sa capitale Barcelone, un nouveau parti politique faisait son apparition sur la scène française en toute discrétion : Prouvènço Nacioun (PN), ou la « Nation Provençale ». A l’inverse de leurs « frères » catalans, il convient immédiatement de préciser que Prouvènço Nacioun milite pour l’autonomie et non l’indépendance de la région en question, comme le modèle basque, par exemple. Son objectif ? « Redonner tout son lustre à une Provence à la fois bien ancrée dans ses traditions et ouverte sur le monde, idéalement dans une Europe fédérale ». Mais après trois années d’existence et dans un système politique français qui demeure encore très centralisé, où en est aujourd’hui Prouvènço Nacioun ? Quelles sont ses ambitions ? Quelles sont ses revendications ? Analyse d’un mouvement qui remet au goût du jour l’engagement pour le régionalisme en 2020.

Critique de la centralisation et ambition politique

Fardeau pour les uns, opportunité de se faire entendre pour les autres. La délicate gestion de la crise sanitaire du coronavirus par l’Etat français a réveillé nombre de velléités régionalistes. Alain Guarino, fondateur et président de Prouvènço Nacioun, en est l’un des porte-voix. « On a un Etat plutôt lourd, technocrate, qui a mis beaucoup de temps à réagir. Par rapport à cela, on a des régions qui sont beaucoup plus souples, qui ont dû se substituer à l’Etat en commandant des millions de masques pour les distribuer à la population… On voit bien que quand le pouvoir est exercé au plus près des citoyens, il est plus efficace ». Et le pouvoir, c’est précisément ce que Prouvènço Nacioun cherche à conquérir. Le parti politique se définit, sur son site internet, comme étant « libéral, populaire, localiste, écologiste […] ni de droite, ni de gauche, ni du centre, mais entièrement tourné vers l’intérêt des Provençaux ». Pourrait-il, toutefois, parvenir à conserver son autonomie – drôle d’ironie – pour proposer une liste 100% PN à une future élection ? Car la plus importante d’entre elles, pour le parti, va se tenir dans quelques mois seulement, en juin 2021 : l’élection régionale. Alain Guarino assure que oui, et va même plus loin. « Nous préférons ne pas nous présenter que nous rallier à un grand parti politique parisien. Ce serait vraiment perdre son âme, c’est incohérent. Si c’est juste pour avoir notre logo sur une liste et que nos revendications ne soient pas prises en compte, cela n’a pas d’utilité ».

Une vision affirmée et un soutien en progression

Contrairement à certaines idées reçues sur les partis régionalistes – sans présence numérique, aux idées vieillissantes, etc – Prouvènço Nacioun demeure un mouvement jeune, vigoureux et en phase avec son époque. Au niveau de la sensibilité politique, d’abord : Alain Guarino explique que « oui, chacun possède la sienne. Mais pour moi, les concepts de droite et de gauche sont désuets ; ils sont morts avec le XXIe siècle. Je pense qu’aujourd’hui, en France, le débat se situe entre le jacobinisme (NDLA : acception moderne du terme) et le régionalisme. On sent bien qu’il y a une volonté du peuple, avec l’exemple des Gilets jaunes, et des élus, que Paris ne décide pas pour tout et pour tout le monde ». Au niveau de la communication, ensuite. Pour véhiculer ses idées et convaincre un maximum de citoyens provençaux du bien-fondé de ses revendications, Prouvènço Nacioun n’hésite pas à utiliser son site internet et les réseaux socio-numériques, comme Facebook et Twitter. Si le parti compte « très peu d’adhérents », sans communiquer un chiffre précis, celui de ses sympathisants peut se dénombrer : plus de 2000 personnes « aiment » ainsi la page sur Facebook. Bien qu’à relativiser, ce chiffre demeure révélateur du soutien que recueille Prouvènço Nacioun, « parti de zéro il y a trois ans, sans carnet d’adresses et grands moyens financiers » comme le rappelle Alain Guarino. « Il faut passer ce plafond de verre et ce problème d’engagement pour rassembler bien plus largement ».

Des idéaux… à leur concrétisation

Alors, pour ce faire, tout en continuant de commenter sur son site les actualités françaises et internationales, Prouvènço Nacioun s’attelle à exposer clairement la liste de ses actions pour la Provence si l’autonomie était en vigueur. Nous retrouvons sept grandes thématiques : l’identité provençale, l’environnement, l’aménagement du territoire, l’économie et la fiscalité, la société, les institutions et l’Europe ou encore la transition énergétique. Un programme vaste, donc, et bientôt détaillé sur le site. Quelques mesures phares retiennent particulièrement l’attention, telles la généralisation du bilinguisme dans l’enseignement et l’espace public, la réhabilitation du Parlement de Provence, l’enterrement du projet de LGV, la lutte contre l’urbanisation galopante, ou encore la création d’une police régionale. Revendications utopistes ? Impossibles à mettre en place ? Certains le pensent. D’autres, même, le dénigrent. Et les plus déterminés, eux, croient fermement en cet idéal autonomiste. Avec la Provence, leur région tant aimée, comme seule foi.

Théo Sivazlian.