Abus et discriminations font couler de l’encre dans le monde du tatouage

Dans le sillage de la vague #MeToo et #balancetonporc, les victimes témoignent désormais via les réseaux sociaux à propos de leurs (très) mauvaises expériences chez certains tatoueurs.

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© Club Tattoo

« Un grand tatoueur ne tatoue ni grosses ni poilues ». C’est le premier post de @balancetontatoueur. Créé en décembre 2020 par un collectif de professionnels anonymes, ce compte a pour objectif de relayer sur les réseaux les témoignages des victimes de discriminations, harcèlement, d’abus sexuels et moraux. « Pour que finisse l’omerta, pour que la peur change de camp » est-il inscrit dans la bio. Cette initiative n’est pas nouvelle. Début 2019, un autre compte @payetontattooartist est ouvert. Partager, briser le silence autour d’expériences très douloureuses représente pas moins de 156 publications. Ici, une cliente manipulée brusquement lors d’une séance jusqu’à avoir des bleus le lendemain (et ce n’était pas à cause des aiguilles), là un tatoueur qui remonte trop près de l’entre-jambes puis demande à sa cliente si elle est en couple avant de la plaquer contre le mur et de proclamer « ça va t’es trop tendue je vais te baiser tu vas oublier vite ton mec ». Ainsi, la liste des victimes s’allonge. Comme de multiples piqûres de rappels.

« La personne peut et doit dire NON »

Léa le Faucon est tatoueuse et, dès ses débuts voilà 6 ans, elle écoute les témoignages de clientes pour arriver à la conclusion que les abus sont bien trop fréquents. Pour elle, les comptes mentionnés dans cet article sont une partie de la solution : « Cela a permis aux victimes d’enfin s’exprimer publiquement sur ces agissements intolérables », affirme-t-elle, « faire prendre conscience aux potentielles futures victimes que ces comportements ne sont pas normaux, et que la personne peut et doit dire NON ». Mais alors comment éviter les tatoueurs qui agissent de la sorte ? Léa explique : « C’est là où Balancetontatoueur fait la différence. Les gens ont besoin de savoir concrètement où ielles ne risquent pas de se faire maltraiter. C’est souvent ce qui ressortait dans les commentaires de la page payetontattooartist ».

#SafeTattooArtist

Léa évoque la page insta @safetattooartist : « Apparue très vite à la suite de payetontattooartist, toujours sous forme de témoignages de client.e.s, ce compte partage les noms des tatoueu.ses.rs considéré.e.s comme “safe” ». Lorsque des noms d’artistes sont publiés comme sûre, la communauté a la possibilité de contester et le ou la tatoueuse disparaissent de la page. La jeune tatoueuse estime que, tant que le SNAT (syndicat national des artistes tatoueurs) ne travaille pas à la généralisation de formations, de campagnes de prévention ou encore à la rédaction d’un code déontologique applicable à l’ensemble de la profession, « les initiatives citées juste au-dessus sont des débuts de solutions ». Dans l’attente de dispositifs de préventions, reste donc la communication et l’entre-aide.

Raphaëlle Hutin