Quand Facebook prend la place de la justice

Facebook, réseau social privé, censure le président américain. Et il a le droit.

Capture d’écran du compte Twitter suspendu de Donald Trump, le 8 janvier 2021

C’est un évènement historique. Le 7 janvier 2021, Facebook suspend « indéfiniment et pour au moins les deux prochaines semaines » le compte du président américain Donald Trump. La raison est donnée par Marc Zuckerberg, le président de l’entreprise en personne : « Nous avons retiré ces déclarations hier parce que nous avons jugé que leur effet — et probablement leur intention — serait de provoquer une nouvelle violence.»

« Ces plateformes sont devenues un bien public »

Plus tôt, le créateur de Facebook expliquait dans ce même post que « la priorité pour l’ensemble du pays doit maintenant être de veiller à ce que les 13 jours restants et les jours suivant l’inauguration se déroulent pacifiquement ». L’expression « la priorité pour l’ensemble du pays » montre que Facebook, entreprise privée, est bien ancrée dans la sphère politique et publique, et ne s’en cache plus. C’est ce que souligne le politologue et chroniqueur Clément Viktorovitch sur le plateau de l’émission Clique. « Les réseaux sociaux ont permis un approfondissement de la démocratie [car grâce à eux, tout le monde a la capacité d’être entendu, ndlr]. Aujourd’hui, ces plateformes sont devenues, de fait, un bien public démocratique. Or, elles appartiennent à des sociétés privées où quelques individus ont un impact sur le fonctionnement politique de pays tout entiers. »

De l’action pour essuyer les critiques

Souvent critiqué pour son laxisme envers le président américain (le Washington Post a recensé plus de 30 000 affirmations fausses ou trompeuses en 4 ans de mandat), Facebook renforce ces derniers temps sa politique de censure et vise notamment les périodes électorales. En décembre 2020, les mises à jour des « standards de la communauté » ajoutent une précision à l’onglet « violence et provocation ». Elles complètent l’interdiction de publier « tout contenu implicite comportant des déclarations d’intention ou d’incitation, appels à l’action » avec une notion de temporalité et l’expression « dans certains lieux présentant des signaux temporaires de risque accru de violence hors ligne ». L’appel de Donald Trump à marcher vers le Capitole peut être considéré, au regard de ce texte, comme hors règles. Et c’est ce que Mark Zuckerberg précise : « le contexte actuel est maintenant fondamentalement différent [des temps où Facebook ne suspendait pas le président américain, ndlr], impliquant l’utilisation de notre plateforme pour inciter à une insurrection violente contre un gouvernement démocratiquement élu. »

Noé GIRARD-BLANC