février 12

#MeTooInceste : un coup de pied dans la fourmilière du tabou.

Débuté il y a maintenant 4 ans pour dénoncer les viols et agressions sexuelles, le #MeToo s’est vu réactualisé en janvier 2021. #MeTooInceste a été relayé des milliers de fois sur la plateforme Twitter et a permis la diffusion de nombreeux témoignages de présumées victimes d’inceste en France. « Tu as volé mon enfance, mon adolescence. Tout ce que je voulais, c’était grandir plus vite pour sortir de cet enfer. » Ils sont des milliers depuis le 17 janvier à témoigner des violences sexuelles qu’ils ont subies. Ces violences incestueuses, pédophiles pour la plupart, traumatisent. Un traumatisme aggravé si la ou les agressions sont passées sous silence. C’est le collectif #NousToutes, association féministe créée en juillet 2018, qui a initié ce hashtag permettant la libération de traumatisme. « #Metooinceste pour toi ma chère soeur, tu avais 12 ans, tu subissais le viol par mon père, moi, petit garçon de 10 ans, j’étais derrière la porte de sa chambre ce samedi après-midi, les volets fermés. Je toquais à cette porte… « Ta sœur a mal aux dents » avait-il répondu ! » À l’origine de ce raz-de-marée de témoignages, une affaire. L’affaire Duhamel. Le scandale puise son
origine dans le livre La Familia Grande de Camille Kouchner. Dans ce livre, elle relate comment son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, a agressé sexuellement son frère jumeau à la fin des années 1980 alors que ce dernier n’était qu’un adolescent.


« Pourquoi empêchez-vous les gens d’être heureux ? »


La portée que ce mouvement a en France révèle un tabou de notre société. Ce n’est qu’en 1986 que le premier témoignage d’une victime d’inceste, celui d’Eva Thomas, est diffusé à la télévision. Les réactions que suscite son témoignage sont symptomatiques d’un problème sociétal. « J’ai des relations quotidiennes avec ma fille de 13 ans, pourquoi empêchez-vous les gens d’être heureux ? » Fustigeait un téléspectateur de l’époque. Un médecin gynécologue présent sur le plateau déclarait « Nous savons aujourd’hui que la plupart des incestes ne sont pas des incestes violents. Il y a beaucoup moins d’incestes violents […] que de tendresse, et même de jeux de séduction. » Il poursuivit en ajoutant « J’ai quelques-unes de mes patientes qui m’ont raconté la première relation incestueuse et elle s’est passé dans des conditions […] romantiques : feu de bois, musique, tendresse. » Si les discussions à propos de l’inceste étaient plutôt rares dans le débat public, ce n’est pas le cas de la pratique. Selon un sondage Ipsos datant de novembre 2020, « 1 Français sur 10 déclare avoir été victime d’inceste. » Ce chiffre représente 6,7 millions de Français. En France, une relation incestueuse n’est pas illégale si les personnes sont majeures et consentantes. Dans le sillage de ce nouveau souffle porté au débat, le sénat souhaite instaurer dans la loi un âge-seuil, en dessous duquel on considérerait qu’un mineur ne peut consentir à un acte sexuel.

Tanguy Tricoire.