février 12

On vous explique comment bien manger dans l’espace

La Nasa offre jusqu’à 500 000 dollars à la personne qui concoctera le meilleur menu pour les astronautes. L’occasion de vous livrer quelques astuces si vous souhaitez participer au concours.

La Nasa a pris l’habitude de solliciter le grand public pour chercher des idées innovantes. Photo DR

Alors que des entreprises comme SpaceX s’attellent à démocratiser progressivement le tourisme spatial, Buzzles vous apprend à préparer vos futurs pique-nique sur la Lune… ou ceux des astronautes.

La Nasa a lancé il y a un mois le Deep Space Food Challenge, un concours encourageant les chefs cuisiniers à innover de nouvelles manières de se nourrir dans le cadre d’un voyage spatial. A court terme, une équipe de quatre astronautes en mission pour au moins trois ans pourra bénéficier en premier de la créativité des participants.

Les candidats ont jusqu’au 28 mai pour s’inscrire et jusqu’au 30 juillet pour présenter leur projet. L’objectif : remporter de 25 000 à 500 000 dollars !

Des contraintes liées au milieu spatial

Avant de passer aux fourneaux, il ne faut pas négliger quelques détails techniques. Pas de gravité et donc pas d’écoulement d’eau, pas de possibilité de cuisson… La cuisine destinée aux astronautes s’apparente davantage à une expérience de chimie qu’à la préparation d’un petit plat convivial.

Célèbre pour son pâté, Hénaff confectionne des plats pour les astronautes de l’Agence spatiale européenne. Jildaz Colin, responsable Consommateur et communautés chez l’entreprise bretonne, affirme : « Nos plats sont soumis à des tests rigoureux notamment à Toulouse. Seuls 10 % partent dans l’espace. »

Depuis 2011, Hénaff met en boîte les plats de fête avec le Cnes (Centre national d’études spatiales). Photo Thierry Creux

L’astronaute Jean-François Clervoy, vétéran de trois missions spatiales avec la Nasa, distingue trois facteurs majeurs à prendre en compte. Les plats doivent selon lui être le plus « nutritifs possible par rapport à leur poids » pour permettre un stockage facilité et un maintien de la forme physique des astronautes.

L’ingénieur, qui a passé un total de 28 jours dans l’espace, ajoute qu’il est nécessaire de bien penser la conservation des aliments. La lyophilisation consiste par exemple à déshydrater totalement les aliments.

Les astronautes n’ont plus qu’à les réhydrater pour les consommer. Cela facilite leur transport dans les navettes chargées de livrer la nourriture aux astronautes, ce qui est plus difficile dans l’espace que pour UberEats !

Troisième critère énoncé de Jean-François Clervoy : il ne faut pas de miette. Oubliez les sandwichs et les cordons bleus couverts de chapelure, « les miettes risquent de flotter dans la navette , explique-t-il. Jildaz Colin ajoute : « Les miettes induisent un risque d’étouffement si les astronautes la respirent pendant leur sommeil. »

Une cuisine épicée de préférence

Ce lot de contraintes ne constitue pas une raison de ne pas se faire plaisir à 400 km d’altitude. « On peut demander un menu personnalisé à un diététicien », déclare Jean-François Clervoy. Les astronautes ont le choix entre plusieurs centaines de plats. Même manger des « bonbons et tablettes de chocolat » est possible.

Le conseil de Jean-François Clervoy pour les candidats : « Davantage d’odeur car il n’y a pas de vapeurs qui monte vers les narines, et davantage d’épice car le goût est altéré avec l’altitude. » Après une mission de la JAXA, la cuisine de type japonaise a rencontré un « certain succès chez les astronautes ».

L’entreprise Hénaff a préparé une langue de bœuf, du poulet aux morilles ou du pain d’épices aux pommes pour Thomas Pesquet. Les tomates cerise sont même cryogénisées pour être rendues plus savoureuses ! Jildaz Colin met en garde sur la nécessité de « limiter le sel, paradoxalement plus perceptible avec l’altitude ».

A l’occasion des fêtes de fin d’année en 2016, l’astronaute français Thomas Pesquet s’est montré en vidéo en train de déguster le pâté préparé par les chefs Alain Ducasse et Thierry Marx. Il était alors à bord de l’ISS (International Space Station). Photo ESA (European Space Agency)

Des chefs français réputés déjà au service des astronautes

Dans une perspective de valorisation de la gastronomie française même dans l’espace, le chef Alain Ducasse collabore avec Hénaff pour préparer des plats aux astronautes.

Hénaff profite d’un accord avec l’USDA (département de l’Agriculture des États-Unis) depuis une dizaine d’années. Il permet d’exporter outre-Atlantique. Cette nourriture spatiale haut-de-gamme est réservée aux occasions spéciales comme les anniversaires, le nouvel an… ou la saint Gagarine !

« C’est un travail à trois entre cuisine, science et technologie », déclare Jildaz Colin de Hénaff. Thierry Marx associe par exemple ses compétences avec celles en cuisine moléculaire de l’université de Paris-Saclay pour aider Hénaff.

Pour en savoir plus sur l’alimentation des astronautes lors de leur mission, il est conseillé de suivre les vidéos tant comiques qu’informatives de l’astronaute canadien Chris Hadfield. Même la tête dans les étoiles, remplir son estomac reste toujours aussi essentiel.

ADRIEN PAIN