Traversée de l’Arctique : la Russie profite de la fonte des glaces pour développer ses voies maritimes

Le terrain polaire devient une source d’investissements pour Moscou

Le méthanier russe Christophe de Margerie pourfend avec détermination la fine couche de glace d’à peine un demi-mètre d’épaisseur qui recouvre la mer d’Arctique. Au cœur du rigoureux hiver polaire, le thermomètre frôlant parfois les – 40 degrés, l’énorme navire de 300 mètres de long réussit sa traversée en moins d’un mois, chose impossible en temps normal. Les communiqués de presse de Sovcomflot, opérateur russe de cargo de transport d’énergie, fusent pour célébrer cet exploit. Les déclarations arrivent aussitôt : « Le succès de ce voyage est le résultat de nombreuses années d’efforts », explique Igor Tonkovidov, PDG de Sovcomflot, relayé par le média d’économie Novethic. Il ajoute : « Accroître la période de navigation possible dans l’Arctique (…) bénéficiera à l’économie russe et l’économie globale ». 

Onze jours et dix heures de voyage auront suffi pour relier la Chine et Rotterdam. Un gros gain de temps quand on sait que la voie classique exige une trentaine de jours en passant par le sud de l’Inde, puis le Canal de Suez et le détroit de Gibraltar avant de rejoindre le Nord de l’Europe. 

Le gouvernement russe tire son épingle du jeu

Une aubaine pour la Russie qui investit des milliards pour établir de nouvelles routes au sein du grand nord et pérenniser celles déjà existantes. C’est le cas de la route maritime du nord qui permet de relier l’océan Atlantique à l’océan Pacifique en longeant la côte nord de la Russie, qui devient aujourd’hui accessible sur des périodes de plus en plus longues, y compris l’hiver. Ces nouvelles brèches confortent le président russe, Vladimir Poutine, qui annonce en 2019 une expansion massive des investissements publics et privés dans la zone Arctique. « L’Arctique concentre plus de 10 % de tous les investissements de la Fédération de Russie, a-t-il déclaré. Je suis convaincu que l’importance du facteur arctique dans l’économie du pays ne fera que croître. »

Un succès au détriment de l’environnement 

« Les calottes glaciaires suivent maintenant les pires scénarios de réchauffement climatique définis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) », alerte Thomas Slater, chercheur à l’Institut des sciences et du climat de l’Université de Leeds dans une étude publiée dans la revue scientifique The Cryosphere. En trente ans, la planète a perdu 28 000 milliards de tonnes de glace. Un constat terrible qui ne risque pas de s’arranger avec la multiplication des navires ainsi que l’intensification des exploitations des ressources d’hydrocarbures. Des activités qui induiront forcément une augmentation des émissions de carbone et une accélération du réchauffement climatique, comme l’explique Victoria Herrmann, présidente de l’Institut Arctique, sur franceinfo

Comme pour confirmer la tendance, la surface de mer recouverte par la glace en Arctique est actuellement au plus faible. Celle-ci est 7 % inférieure à la moyenne des sept dernières années. Une bonne nouvelle pour le gouvernement russe, mais une très mauvaise pour la planète. 

Arnaud Ciaravino