mars 30

Essais nucléaires en Polynésie Française : des conséquences sous-évaluées par l’État ?

Publiée le 9 mars, l’enquête Toxique met en cause l’implication de l’État dans un « cluster de cancers » en Polynésie Française. Le média Disclose et Interprt (groupe de défense de la justice climatique) en collaboration avec le programme Science & Global  Security de l’université de Princeton, sont à l’origine de l’investigation. Entre 1966 et 1996, 193 essais nucléaires ont eu lieu entre les atolls de Mururoa et Fangataufa. Les retombées nucléaires auraient eu des effets ravageurs sur les habitants de ces îles. Disclose a réalisé certains calculs préalablement effectués par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives). Les résultats donnés par l’enquête sont beaucoup plus inquiétants que ceux rapportés par l’administration. Les estimations de la dose radioactive reçue par les populations polynésiennes ont été réévaluées et sont plus importantes que celles trouvées par le CEA.


Capture d’écran des estimations de la dose radioactive reçue par la population polynésienne, tableau publié par Disclose et réalisé avec les données du CEA et celles du programme Science & Global Security de l’université de Princeton

Une reconnaissance tardive et minime

Ce n’est qu’à partir de 2010, que la France a commencé à reconnaître les victimes des essais nucléaires en créant le Civen (comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires). L’organisme « prévoit une procédure d’indemnisation pour les personnes atteintes de maladies résultantes d’une exposition aux rayonnements des essais nucléaires français réalisés dans le Sahara algérien et en Polynésie française entre les années 1960 et 1998 ». Pourtant Disclose estime, grâce aux témoignages réalisés lors de leur enquête, que peu de personnes réalisent des demandes d’indemnisation. Depuis 2010, seulement 63 Polynésiens auraient été reconnus comme victimes par l’État français. L’État semble donc peu disposé, à quantifier le nombre de personnes atteintes par des cancers en lien avec les essais atomiques. Disclose explique que selon ses calculs, 110 000 personnes pourraient avoir été touchées par les retombées nucléaires.

Des calculs contestés par le CEA

Les révélations de Disclose ont rapidement été contestées par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. Dans son communiqué du 12 mars 2021, le CEA se défend, en expliquant que ses calculs ont été validés par une autorité : l’Agence internationale de l’énergie atomique dirigée par l’ONU. Il maintient que « La méthode et les résultats du CEA ont été validés ». Le comité conteste aussi des résultats chiffrés donnés par l’enquête. Il indique que « L’analyse de ces articles (ceux de Disclose, NDLR) montre que, si des différences existent entre les mesures utilisées par leurs auteurs et par le CEA, ces différences n’induiraient pas de modification significative des doses auxquelles la population de Polynésie française a été exposée ». Le CEA pointe du doigt la méthodologie des auteurs de l’enquête, indiquant que « Les méthodes utilisées et les hypothèses retenues dans les calculs menés par les auteurs de Toxique ne sont pas données en détail ».


Besnard Clara