avril 04

Au Sahel, la croisée des « trois frontières » est un enfer sur Terre.

Au carrefour du Burkina Faso, du Niger et du Mali, des groupes terroristes sèment le chaos sur une terre où la famine, les massacres et l’impuissance des autorités sont le terreau d’une crise humanitaire.

Des étendues désertiques à perte de vue, des nuages noirs au dessus de villages en flammes, un paysage récurrent dans la région du Tillabéri, grande comme l’Allemagne, communément appelée « zone des trois frontières ».

Au carrefour du Burkina Faso, du Niger et du Mali, s’étend une terre de non-droit, ravagée par les groupes terroristes qui y règnent en seigneurs de guerre. Une terre noyée de sang au cours des quinze derniers jours, marqués par des violences sans précédent visant des civils. Le 15 mars 2021, sur la route retour du grand marché hebdomadaire de Banibangou au Niger, 66 commerçants sont massacrés par des djihadistes pillant le chargement de leurs victimes. Dans la même semaine, le 21 mars, des campements et des villages sont exterminés par ces mêmes groupes mobiles. En quelques jours, le bilan est sans pareil : 203 morts, tous civils.

Une zone stratégique aux mains de terroristes islamistes

Les auteurs de ces atrocités sont environ 3000, dispersés entre les katibas, unités combattantes islamistes, de l’EIGS* ou du GSIM**. Ces groupes veulent installer un khalifat au Sahel, imposant les lois coraniques comme la charia. Pour financer leurs actions, ils s’enrichissent des trafics humains, de drogues ou d’armes qui circulent vers la Libye.

Un goulot d’étranglement stratégique que s’efforce de maîtriser le G5 Sahel. L’alliance régionale regroupant le Niger, le Tchad, la Mauritanie, le Burkina Faso et le Mali, tente de ralentir les conquêtes terroristes. A leurs côtés, les 5100 soldats français de l’opération Barkhane. Depuis 2015, la mission aurait tué 1200 terroristes, perdant 48 soldats. Du nord Mali, l’armée a repoussé le problème à la région du Tillabéri.

Avec l’impuissance des autorités, les massacres se multiplient

Dans cette guerre d’usure, l’opération reste dans l’impasse. La réalité du terrain témoigne d’une lutte hors de contrôle : les djihadistes restent à l’initiative du lieu, du moment et de la forme des combats. Se cantonnant à une posture de réaction, les forces alliées laissent progressivement s’installer le doute et l’incompréhension entre populations et dirigeants. Conséquence : le sentiment anti-français grandit et la pression populaire menace.

Dans le vide laissé par les autorités, les communautés villageoises lèguent leur protection à des milices d’auto-défense. En répression, les katibas s’acharnent sur les locaux. Chaque semaine apporte ainsi son lot de massacres où des dizaines de civils sont tués. Aux confins du Sahel, l’année 2020 aura été particulièrement tourmentée avec ses 5 000 victimes, ses 1,4 million de déplacées et 3,7 millions de personnes plongées dans l’insécurité alimentaire.

Un cercle infernal

Une crise humanitaire renforcée par le dérèglement climatique, la sécheresse réduisant les zones de pâturages et les puits d’eau. De quoi attiser les rivalités entre agriculteurs et touaregs nomades.

Nourris par les affres de la famine, les djihadistes mènent ainsi leur conquête religieuse, propageant la guerre et la mort. Dans la Bible, ce sont les quatre cavaliers de l’Apocalypse. Au Sahel, ces « cavaliers » transforment la croisée des trois frontières en un enfer sur Terre.

ORI Alexandre

* État Islamique dans le Grand Sahara

** Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans