avril 22

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Covid-19 : e-commerce et litiges en plein boom

© Claudio Schwarz sur Unsplash 

C’est un secteur en plein essor, le e-commerce a fait un véritable bond et les litiges aussi. En un an, les ventes sur Internet ont augmenté de 8,5%, s’accompagnant d’une multiplication des litiges de plus de 37%. Un secteur en pleine expansion, qui doit son succès à la crise du Covid-19 qui a profondément changée les habitudes et les modes de consommation des Français. « Je commandais déjà beaucoup sur Internet, mais j’avoue qu’avec toutes les restrictions sanitaires, je fais des courses alimentaires sur le drive en ligne, ce que je ne faisais jamais avant. » confie Maria, mère de trois enfants, elle n’est pas prête de retourner dans les rayons des grandes surfaces. Les deux périodes de confinement ont entraîné des pics d’activité sur la vente en ligne de produits. La Fédération du e-commerce et des ventes à distance (Fevad) est aux premières loges de ce phénomène et elle explique dans son bilan annuel que les ventes en ligne atteignent 112 milliards d’euros grâce à la digitalisation accélérée du commerce de détails.

Devant un tel afflux de commandes, les marques qui vendent leurs produits sur Internet se voient débordées. Des commandes jamais livrées, des produits défectueux ou encore non-conformes, de nombreux Français ont vécu cette mauvaise expérience. « J’ai commandé des pièces pour ma voiture et je me suis retrouvé avec un gilet tactique de combat pour les militaires » explique Jimmy dans l’attente de pouvoir changer la pièce de sa voiture. La plateforme litige.fr a constaté cette hausse des conflits pour l’année 2020, elle s’est avant tout caractérisée par une augmentation d’un tiers des recours juridiques lancés, par rapport à 2019. Le site litige.fr est une plateforme dédiée à aider ses clients dans la résolution de litiges en tout genre, grâce à des recours simplifiés, entièrement en ligne et sans frais. 39% des litiges auxquels font face leurs clients concernent des commandes avec beaucoup de retard ou qui n’ont jamais été livrées. 15% sont des refus de remboursement d’une vente annulée, 11% portent sur des pratiques commerciales abusives et 6% des recours relèvent de commandes non-conformes. Des chiffres en hausse, qui font songer certains acheteurs : « entre les produits abîmés ou les problèmes de livraisons, ça fait réfléchir, parfois on se dit qu’il vaut mieux aller en magasin pour acheter certains produits » constate Maria. Lors de ces litiges, plusieurs enseignes sont régulièrement visées. Sur un échantillon représentatif de 12.529 recours 715 sont à l’encontre de l’entreprise française de commerce en ligne Cdiscount. Cette dernière est suivie de près par le géant Amazon et le leader européen de la distribution omnicanale Fnac Darty.

« Des procédures administratives pénibles et compliquées »

Face à ces problèmes de produits abîmés, non livrés ou échangés, le premier réflexe de tout acheteur est de se rendre sur le site expéditeur de la commande, pour témoigner de son mécontentement. Il faut alors trouver la procédure de renvoi ou de contestation adaptés à sa situation pour se faire rembourser ou encore se faire retourner le bon produit. Seulement, si le site est responsable de toute faute ou manquement à l’égard d’une commande, il ne faut pas tarder pour entamer les procédures. Les délais de rétraction concernant le e-commerce sont de 14 jours, le temps de se retourner vers la plateforme ou simplement de changer d’avis sur le produit. Les recours et les procédures entamées ont donc augmenté au cours de l’année passée, mais il n’est pas toujours simple de régler son litige pour autant. « Quand on commande sur Internet, ça ne va pas toujours, ce qui est normal. Mais le problème, c’est que derrière il y a des procédures administratives pénibles et compliquées. C’est parfois dur de se faire rembourser » explique Noémie, qui bataille depuis plusieurs mois maintenant pour obtenir le remboursement d’un colis qui n’est jamais arrivé. Clémence aussi est partagée : jeune étudiante, ses expériences face aux litiges ont toutes été différentes : « une fois, j’ai retourné des écouteurs défectueux chez Amazon et j’ai obtenu mon remboursement assez vite. Mais une autre fois, on a fait une commande avec ma mère, mais il y avait un souci, ce n’était pas la nôtre. On a alors bataillé pendant deux mois à coup de mail, à coup d’appel… C’est vraiment compliqué ».

« Notre parole est quand même mise en doute »

L’apparition de la pandémie de Covid-19 a certes propagé le nombre de litiges, mais elle a également changé certaines règles de livraisons. « Lorsqu’on ne reçoit pas un colis, il faut attester sur l’honneur et notre parole est quand même mise en doute ce qui n’est pas évident et pas très agréable. Et depuis le Covid, on a donné la possibilité aux facteurs et aux livreurs de signer à notre place ce qui n’est pas forcément une bonne chose.» explique Maria pas vraiment convaincue par ces nouvelles mesures. Avec la crise du Covid-19, les plateformes de livraisons se doivent de respecter les gestes barrières et se voient ainsi dans l’impossibilité de faire signer leurs clients sur leurs boîtiers électroniques. De ce fait, de nombreux livreurs se sont vu donner la possibilité de signer à la place du client, mais cela n’a rien arrangé. Pour éviter les litiges et le mécontentement de leurs clients, de nombreuses plateformes ont alors instauré de nouvelles modalités de livraisons. « Quand notre colis doit arriver, on nous envoie un QR code que le postier doit scanner pour confirmer la livraison. C’est une bonne chose sinon, c’était facile pour les livreurs d’attester de la livraison » précise Maria. Mais cette mesure n’est pas totalement au point : « On nous dit qu’on nous envoie un QR code et finalement, il n’arrive jamais et c’est quand même le facteur qui signe » avoue Maria, après plusieurs commandes elle n’a encore jamais reçu de QR code, malgré les demandes de sa factrice.

« Les livreurs n’ont plus trop envie de déposer dans les boîtes aux lettres »

D’autres plateformes ont opté pour la remise de colis en mains propres, uniquement. « Maintenant, les livreurs n’ont plus trop envie de déposer dans les boîtes aux lettres, ce qui cause quelques soucis. Je ne suis pas toujours chez moi du coup, ils veulent déposer en points relais, ils essayent d’appeler, mais ils appellent qu’une fois or je suis en cours ou autre et je ne peux pas décrocher. Donc ils reprogramment la livraison le lendemain, mais c’est la même chose. » explique Clémence. Que le colis rentre dans la boîte aux lettres ou non, les clients doivent être chez eux afin de réceptionner leurs colis, en cas d’absence le colis est redirigé vers un point relais aux alentours. Une mesure contraignante qui enlève tout le côté pratique du e-commerce. « Un des gros points de la livraison, c’est que c’est hyper commode. On passe sa commande n’importe où et n’importe quand, et Hop elle est dans sa boîte aux lettres. On peut aller la chercher quand on veut. » confie Clémence. Au vu de ces nouvelles mesures mises en place, la jeune femme et son entourage préfèrent sélectionner directement le point relais colis de leurs choix pour s’organiser et réceptionner leurs commandes : « s’il n’y a plus ce côté positif, autant me faire livrer en point relais et basta. Parce que se faire livrer chez soi pour y attendre toute la journée ce n’est pas possible, je ne peux pas me rendre disponible tout le temps ». Force est de constater que ces systèmes novateurs tentent de s’adapter à la pandémie. Seulement si la crise du Covid-19 a accéléré de manière significative l’évolution des plateformes logistiques de livraison et le développement du e-commerce, ils sont loin d’être tout à fait au point et ont encore beaucoup à apprendre.

Elodie Inacio