décembre 06

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Les déchets nucléaires, l’angle mort des centrales françaises

Dans le pays le plus nucléarisé du monde, où l’énergie par fission représente 72 % de l’électricité produite, l’atome sera bientôt au cœur d’un plan de relance historique. Annoncée le 9 novembre par Emmanuel Macron, cette décision écarte pourtant une grande inconnue de l’équation nucléaire : le devenir des déchets radioactifs hautement dangereux.

En ces temps de crise énergétique et climatique, investir 50 milliards d’euros dans le nucléaire devrait permettre de continuer à fournir de l’énergie « à des tarifs raisonnables », de décarboner la France et de s’affranchir des fournisseurs étrangers. À six mois des élections présidentielles, ces arguments de poids éclipsent la question des déchets nucléaires, rarement abordée à plus longue échéance.

Des années 1960 à 1980, l’Agence de l’Énergie Nucléaire (ANE) a commandé le largage de dizaines de milliers de tonnes de déchets dans les profondeurs des océans Pacifique, Atlantique et Arctique, et même de la Manche. Jusqu’en 1993, la France a pris part à ces “immersions” de déchets coulés dans du béton ou enfermés dans des fûts. La communauté scientifique pensait alors que le volume des océans suffirait à en diluer la radioactivité. Crédit : capture d’écran de la video “SYND 16 7 79 SHIP CARRYING NUCLEAR WASTE HARRIED BY GREENPEACE BOATS” sur la chaine Youtube AP Archives

Longue vie aux déchets radioactifs

70 ans après le début de son exploitation commerciale, l’énergie nucléaire pose encore de nombreuses questions. Les déchets les plus dangereux — dits de haute et moyenne activité — ne représentent qu’une petite partie du total des déchets nucléaires. Mais ils sont dits « à vie longue » : il faut 30 ans pour que leur taux de rayonnement soit divisé par deux et de « plusieurs centaines de milliers » à 1 million d’année pour qu’il cesse complètement.

Ci-git Cigéo ?

En France, le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) devrait voir le jour en 2035. Proposée par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), cette « solution durable à long terme » prévoit d’enfouir jusqu’à 80 000 m3 de déchets dans des galeries creusées à 500 mètres de profondeur, à Bure, dans la Meuse. Enveloppés d’une couche d’argile stable et imperméable, les déchets enfouis par Cigéo pourront être récupérés, au cas où les générations futures imagineraient une alternative. Mais cette « réversibilité » d’une durée de 100 ans est une maigre consolation pour les populations locales et les opposants au nucléaire.

Le démantèlement des centrales nucléaires prévu dans le cadre de la transition énergétique devrait engendre 1,4 millions de m3 de déchets supplémentaires. D’après vie-publique.fr, 30% des déchets « hautement radioactifs » et 60% des déchets « moyennement radioactifs à vie longue » destinés à être stockés à Bure ont déjà été produits à ce jour. Image: Pixabay

Un tombeau nucléaire

De fait, comment garantir la stabilité des sols pendant des durées aussi longues ? Comment, dans des temps immémoriaux, se prémunir de risque d’intrusion sur un site dont la dangerosité aura peut-être été oubliée ? Pouvons-nous, par un pictogramme qui répond aux codes de notre époque, signaler le danger aux humains des siècles à venir ? Into Eternity, A Film for the future est une plongée glaçante au cœur de la « cave » d’Onkalo, en Finlande, et des problèmes scientifiques et philosophiques que pose une telle entreprise. L’enfouissement de 5000 tonnes de déchets nucléaires y a commencé il y a un an. Sorti en 2010, ce documentaire est adressé aux générations futures : celles-là qui, peut-être, paieront la facture du nucléaire.

Eden Armant-Jacquemin