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Les déchets nucléaires, l’angle mort des centrales françaises
Dans le pays le plus nucléarisé du monde, où l’énergie par fission représente 72 % de l’électricité produite, l’atome sera bientôt au cœur d’un plan de relance historique. Annoncée le 9 novembre par Emmanuel Macron, cette décision écarte pourtant une grande inconnue de l’équation nucléaire : le devenir des déchets radioactifs hautement dangereux.
En ces temps de crise énergétique et climatique, investir 50 milliards d’euros dans le nucléaire devrait permettre de continuer à fournir de l’énergie « à des tarifs raisonnables », de décarboner la France et de s’affranchir des fournisseurs étrangers. À six mois des élections présidentielles, ces arguments de poids éclipsent la question des déchets nucléaires, rarement abordée à plus longue échéance.

Longue vie aux déchets radioactifs
70 ans après le début de son exploitation commerciale, l’énergie nucléaire pose encore de nombreuses questions. Les déchets les plus dangereux — dits de haute et moyenne activité — ne représentent qu’une petite partie du total des déchets nucléaires. Mais ils sont dits « à vie longue » : il faut 30 ans pour que leur taux de rayonnement soit divisé par deux et de « plusieurs centaines de milliers » à 1 million d’année pour qu’il cesse complètement.
Ci-git Cigéo ?
En France, le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) devrait voir le jour en 2035. Proposée par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), cette « solution durable à long terme » prévoit d’enfouir jusqu’à 80 000 m3 de déchets dans des galeries creusées à 500 mètres de profondeur, à Bure, dans la Meuse. Enveloppés d’une couche d’argile stable et imperméable, les déchets enfouis par Cigéo pourront être récupérés, au cas où les générations futures imagineraient une alternative. Mais cette « réversibilité » d’une durée de 100 ans est une maigre consolation pour les populations locales et les opposants au nucléaire.

Un tombeau nucléaire
De fait, comment garantir la stabilité des sols pendant des durées aussi longues ? Comment, dans des temps immémoriaux, se prémunir de risque d’intrusion sur un site dont la dangerosité aura peut-être été oubliée ? Pouvons-nous, par un pictogramme qui répond aux codes de notre époque, signaler le danger aux humains des siècles à venir ? Into Eternity, A Film for the future est une plongée glaçante au cœur de la « cave » d’Onkalo, en Finlande, et des problèmes scientifiques et philosophiques que pose une telle entreprise. L’enfouissement de 5000 tonnes de déchets nucléaires y a commencé il y a un an. Sorti en 2010, ce documentaire est adressé aux générations futures : celles-là qui, peut-être, paieront la facture du nucléaire.
Eden Armant-Jacquemin